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vendredi 28 novembre 2014

Calais.

Calais.

Le joli port de Calais, aujourd'hui si fréquenté par les étrangers et peuplé d'environ mille âmes, n'était qu'un village au XIIIe siècle. Philippe de France, comte de Boulogne, frappé de l'état de dénuement et d'impuissance de cette place, importante d'ailleurs de par sa position, et voulant la mettre à l'abri d'un coup de main de la part des Anglais, avec lesquels on était alors continuellement en guerre, la fit entourer de fortifications considérables. Ces moyens de défense ne l'empêchèrent pourtant pas d'être prise en 1347 ; mais ce fut par la famine plutôt que par la force des armes, que le roi d'Angleterre, Edouard III parvint à s'en rendre maître. Il eut à lutter, pendant un siège de treize mois, contre l'habileté et le courage héroïque de Jean de Vienne, amiral de France, qui se couvrit de gloire dans cette guerre contre les Anglais.
Le célèbre chroniqueur Froissard, rapporte que Calais n'échappa au courroux du vainqueur, irrité par une résistance aussi opiniâtre, que par le dévouement patriotique de six de ses habitans les plus notables. Voici comment, sur son témoignage, ce fait est rapporté par la plupart des historiens. Le roi d'Angleterre voulait que les Calaisiens, qui demandaient à capituler, se rendissent à discrétion; mais vaincu par les sollicitations de ses chevaliers, il promit d'épargner la ville, pourvu que six bourgeois vinssent, la corde au cou, et les pieds nus, lui apporter les clefs de la place, et payer de leur sang le salut de leur patrie.
Eustache de Saint-Pierre se dévoua le premier; cinq autres généreux citoyens imitèrent son exemple, et ils se rendirent tous ensemble au camp d'Edouard. Déjà leur supplice s'apprêtait, lorsque la reine d'Angleterre se jeta aux pieds  de son époux et parvint à force de larmes et de prières à fléchir sa colère et à obtenir leur grâce.
Plusieurs écrivains, entr'autres Voltaire et Hume ont élevé quelques doutes sur le dévouement d'Eustache de Saint-Pierre; et dans ces derniers temps, les recherches laborieuses de Bréquigny, paraissent donner un dément formel au récit de Froissard. Eustache ne nous est plus représenté aujourd'hui que comme un homme pusillanime, qui s'opposa de toute son influence à une dernière tentative pour défendre la ville. Il se présenta en  effet devant Edouard; mais on ne peut se refuser de croire à ses intelligences avec ce prince, qui le délégua, comme surveillant de ses intérêts, auprès des Calaisiens restés fidèles à la France.
"Eustache, dit l'auteur que nous venons de citer, mourut en 1371. Des lettres du 20 juillet de la même année nous apprennent que les biens, qu'il avait à Calais, furent confisqués par le roi d'Angleterre, parce que ses héritiers étaient restés fidèles à leur maître légitime. Edouard, en les dépouillant, rendit à leur nom tout l'éclat, que ces mêmes biens, reçus par Eustache pour prix de sa trahison, avaient pu lui enlever". 
Toutefois l'ancienne tradition est encore généralement accréditée, puisqu'en 1819, le buste d'Eustache de Saint-Pierre, par Cortot, a été donné à la ville de Calais, en mémoire de son prétendu dévouement. (1)
Les Anglais gardèrent Calais pendant plus de deux cents ans; et ce ne fut qu'en 1558, que le duc de Guise leur reprit cette ville. A la fin du XVIe siècle, assiégée par l'archiduc Albert d'Autriche, cette ville retomba de nouveau au pouvoir de l'étranger; mais à la paix suivante, elle fut définitivement rendue à la France.
Calais est actuellement une place de guerre de premier choix. Sa situation sur la Manche, et à la jonction de plusieurs canaux, en fait le centre d'un commerce actif. Les rues sont en général larges, bien alignées, et bordées d'élégantes habitations, bâties en briques. Les remparts, plantés d'arbres, offrent de jolies promenades. Le port est commode, quoique petit et peu profond; mais il a l'inconvénient de s'encombrer de sables. Deux môles, de cinq cents toises environ de longueur, en forment et en protègent l'entrée. D'une de ces jetées, fréquentées par les promeneurs qui viennent y contempler le spectacle imposant de l'Océan, on distingue, quand le temps est clair, les côtes de l'Angleterre et le château de Douvres, qu'une distance de sept lieues sépare de Calais.
Parmi les monumens les plus curieux de la ville, on admire sur la place d'armes et près de l'hôtel-de-ville, la tour de l'horloge ou beffroi, construction remarquable et élégante d'architecture gothique.


Calais doit à sa proximité avec l'Angleterre, sa grande activité. A chaque instant, ce sont des paquebots qui partent ou qui arrivent, et l'on dirait que la moitié de la population se renouvelle du jour au lendemain. Ainsi est-il peu de ville qui présentent un tableau plus varié et plus attachant.

(1) Le récit de Froissard à fourni à du Belloy le sujet de sa tragédie intitulée: le siège de Calais.

Magasin universel, 1834.

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