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mercredi 5 novembre 2014

Le Gabon.

Le Gabon
Colonie française.



Le Gabon, estuaire important de la côte occidentale d'Afrique, a appartenu à la France dès 1785. Quelques établissements qui avaient essayé de s'y fonder eurent peu de succès; on les abandonna. Mais vers 1838, le gouvernement français reprit le projet de faire de la baie du Gabon un centre commercial, et, après les études nécessaires, on y installa en 1842, un comptoir.
Quelques édifices vastes et bien aérés: l'hôpital, l'hôtel du gouverneur, une caserne, le logement des officiers, la chapelle des sœurs de l'Immaculée Conception, une place plantée, le Plateau, forment le centre d'une ville naissante.
Ces édifices massifs sont de forme quadrangulaire. Leurs toits plats, tranchant par la blancheur avec la verdure qui les entoure, les font percevoir de loin aux navires qui entrent dans la baie.
Le village qui entoure ces constructions a reçu le nom de Libreville. De pauvres esclaves enlevés à un négrier ont été les premiers habitants.
En 1850, la jeune colonie se composait de cinquante trois individus; elle possédait trente cases avec des jardins.
Des boulevards plantés de cocotiers, de manguiers, de tamarins, d'arbre à pain, entourent aujourd'hui Libreville.



La mission catholique occupe la vallée de Loué, où l'on avait primitivement élevé un blockhaus; elle y donne une éducation professionnelle aux jeunes enfants qui lui sont confiés par leurs familles ou par l'administration. Les sœurs de l'Immaculée Conception de Castres, établies au Plateau, élèvent une quarantaine de jeunes filles.
Les terrains qui séparent la mission du Plateau voient tous les jours augmenter le nombre des cases et des jardins; les nouveaux occupants reçoivent des titres personnels de propriété.
La population du Gabon, proprement dite, se compose de Pongwés, des Oroghons du cap Lopez et du bas Ogowé, qui parlent la même langue, et sont tous venus de l'intérieur à une époque peu éloignée.
Les maisons des naturels sont vastes et bien construites; elles sont généralement faites en bambous ou en branches de palmier. Les villages sont bâtis sur un plan uniforme; quand le terrain a été choisi, une rangée de maison s'élève de chaque côté; les façades donnent sur la rue, tandis qu'il y a en arrière quelques jardins où l'on cultive les fruits.
Les Américains ont fondés une mission dans un village appelé du nom de son chef, Glap, et situé à deux kilomètres à peine du Plateau; il sert de centre au commerce anglais et allemand.
Les affluents principaux du Gabon sont le Como, qui sort des montagnes nommées Anengoupala, la Carafe d'eau, et le Temboë, nom générique qui signifie rivière. Chacune de ces rivières reçoit plusieurs affluents; elles ont servies toutes deux de voie aux peuples de l'intérieur qui ont été attirés vers le littoral par le besoin de sécurité et l'attrait du commerce.
On ne rencontre sur la côte sud du Gabon que de vastes savanes entrecoupées de marigots, d'où émergent quelques bouquets d'arbres; quelques uns de ces arbres atteignent des dimensions colossales; il n'est pas rare d'en voir qui ont sept mètres de diamètre.
La côte du nord est fermée par des montagnes peu élevées; les principaux sommets atteignent deux cents mètres. Quelques clairs ruisseaux coulent au fond des vallées et viennent se perdre parmi les terrains calcaires grossiers où se trouvent empâtés quelques restes de carbonate de chaux et une roche ferrugineuse qui paraît éruptive; cette roche est identique à celle  que l'on trouve à Cayenne au milieu des terrains granitiques, et que l'on y désigne sous le nom de roche à Ravel.
Plusieurs anses  découpent  la rive droite. On y est à l'abri des orages, nommés tornades, auxquels sont exposées des navires mouillés sur la rive gauche; il n'est pas rare que la violence des vents soit telle que les chaînes de ces navires se rompent, et alors ils sont fatalement entraînés à la côte.
Les brises de mer, qui viennent régulièrement rafraîchir l'atmosphère vers dix ou onze heures du matin, arrivent à la rive droite pures de tout contact avec la terre, tandis que sur la rive gauche, elles sont chargées des effluves pestilentielles des terrains marécageux sur lesquels elles passent.
Le commerce du Gabon est ouvert à tous les pavillons; les transactions y jouissent d'une liberté absolue; quelques droits d'ancrage et quelques patentes fournissent à la caisse coloniale le moyen de subvenir à l'entretien des balises, quais et routes, qui, sans ce subside, tomberaient bientôt en ruine. La garnison a été retirée depuis 1870, et il n'y a plus que des Croumans attachés à la direction du port.
Le caoutchouc, l'ivoire et l'ébène sont les trois principaux objets du commerce de l'Afrique équatoriale. Les investigations faites patiemment par les officiers et les médecins de la marine française ont constaté qu'à ces matières pouvaient s'ajouter, en premier lieu, des oléagineux dus à plusieurs plantes: les unes fournissent, comme les iatrophées, une huile médicinale pouvant, comme l'huile de palme, se concréter et se saponifier, et être employée dans les arts; les autres, comme l'oba et les autres manguifères, donnent une vraie graisse végétale, susceptible d'être employée comme condiment pour préparer les aliments; l'arbre à beurre, si commun dans les affluents du Niger, existe probablement dans le haut Ogowé, et pourra servir à compléter les huiles végétales; le palmier, qui abonde, donne également des huiles; l'Elais Guiniensis, qui fournit l'huile de palme, est commun dans tout l'estuaire de l'Ogowé et de Fernanvas; l'enimba ou rafia porte un fruit dont la pulpe peu épaisse, recouverte de brillantes écailles, fournit une huile de moindre qualité; le fruit comestible du ronier ou latanier produit une huile abondante; celui de l'avocatier, qui a la forme de poire, donne aussi une huile  de très-bonne qualité; il commence à se répandre dans les jardins des noirs du Gabon. Les arachides y réussissent bien, ainsi que les cucurbitacées, dont les semences servent aussi à fabriquer une huile excellente.
La mission française a essayé sur un terrain d'environ vingt-cinq hectares, la culture du cacao et celle du café.
La Martinique a envoyé au Gabon des plantes très-utiles; le jardin d'acclimatation, créé par M. Aubry le Comte, a recueilli ces plantes, qui depuis ont été propagées avec soin. Il faut ajouter à ces promesses d'avenir les juttes, qui sont le produit de l'écorce de certains arbres appartenant aux malvacées, et les morées, qui peuvent être dépouillées de leur écorce. Ces espèces sont abondantes. L'écorce du baobab est ligamenteuse; les Anglais ont entrepris de la substituer au chiffon pour la confection du papier. Cette première expérience n'a pu réussir à cause de la cherté du transport; mais les bords du fleuve regorgent de plantes ligamenteuses. Le bananier offre une tige forte dont on fait dans les Antilles des cordes connues sous le nom de pite. La feuille de l'ananas fournit une filasse qui donne un tissu supérieur à la batiste: les filets de pêche faits en cette matière sont incorruptibles. On tire des gombas une filasse supérieure à la pite. Le coton est indigène, et les espèces des Antilles, dites longue soie, se sont facilement acclimatées au Gabon. Ces essais de culture sont encore peu avancés.
Les écorces des manguiers peuvent offrir à la tannerie des matières inépuisables; le tan qu'elles contiennent paraît être de première qualité pour la préparation du cuir.
Sans doute le Gabon ne sera pendant de longues années encore qu'un comptoir commercial; mais l'administration française a beaucoup fait déjà pour la sécurité du commerce: elle a pu maintenir par son ascendant les quatre-vingt mille Fans qui se sont répandus dans les estuaires du Gabon, et ouvrir au commerce de nouveaux débouchés dans le Fernanversas et le Cama; son action civilisatrice pénétrera certainement dans les grandes savanes indiquées par les Fans et leurs cousins les Apingis et les Bakalais.
Le climat du Gabon a souvent été présenté comme un obstacle qui empêcherait toute tentative de colonisation sérieuse: mérite-t-il vraiment la réputation de mortalité qui lui a été faite? Ce n'est pas l'avis du vice-amiral Fleuriot de Langle, qui connaît bien le Gabon et auquel nous empruntons les informations qui précèdent (1).
"J'y ai vu, dit-il, des missionnaires et des négociants vivre vingt ans sans retourner en Europe ou en Amérique; M. Walker, missionnaire américain, est le plus ancien habitant d'origine européenne du Gabon. Mgr de Bessieu et son premier vicaire, M. l'abbé Leberre, oublieux d'eux-mêmes, ont consacré trente ans à évangéliser les populations du Gabon."
La température n'est pas très-élevée; elle varie suivant la saison. La tension de l'électricité y est grande, les orages se succèdent dans le temps des pluies tous les deux ou trois jours; mais la saison sèche est souvent exempte de pluie et peut favoriser les expéditions par terre.
L'usage du feu est nécessaire; la diète n'est pas indifférente. Longtemps les Portugais établis dans l'Inde et en Afrique ont proscrit l'usage de la viande rôtie et pratiqué la saignée jusqu'à l'excès. Les premiers français qui ont colonisé Madagascar avaient adopté ce système; on en est revenu de nos jours. Il est reconnu que l'usage des stimulants doit être modéré, et que si les alcools, pris en abondance, sont une cause de ruine pour la santé, le café, le vin généreux, n'ont jamais nui à personne. Ces boissons sont au contraire, à la côte occidentale, ainsi qu'à la côte orientale d'Afrique, une des conditions de l'existence des Européens.


(1) Croisières à la côte d'Afrique.

Le magasin pittoresque, septembre 1876.

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