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vendredi 7 novembre 2014

L'ascension de Mahomet.

L'ascension de Mahomet.


La légende de l'ascension de Mahomet, propagée par lui-même, n'a jamais eu une valeur dogmatique absolue. Le Coran n'y fait allusion qu'en termes assez obscurs ou n'en parle explicitement qu'avec une extrême brièveté. Voici du reste, les seuls passages qui se rapportent à ce fait miraculeux.
Sourate XVII, 1: - "Louange à celui qui a transporté pendant la nuit son serviteur du temple sacré (de la Mecque) au temple éloigné (de Jérusalem), dont nous avons béni l'enceinte pour lui faire voir des merveilles."
Sourate XVII, 62: - "Nous ne t'avons accordé la vision que nous t'avons fait voir que pour fournir un sujet de dispute aux hommes et pour les intimider; mais cela ne fera que rendre leur perversion plus grande."
Sourate LIII, 7-12: - "Il s'est élevé au haut des airs et il a approché à la distance de deux arcs, ou même plus près,  et Dieu a révélé à son serviteur ce qu'il lui a révélé; et son cœur n'a pas imaginé ce qu'il a vu: iriez-vous donc disputer avec lui ce qu'il a vu?"
D'après Aboulféda, auteur arabe qui a écrit la Vie de Mahomet, les savants ne sont d'accord ni sur l'époque, ni sur les conditions de son voyage au ciel. Les uns prétendent que ce voyage eut lieu avant la mort d'Abou-Talech, son tuteur; d'autres, qu'il ne l'accomplit que dans la douzième année de sa mission. Pour ceux-ci, le fait se passa dans la nuit du samedi, le 17 du mois de ramadhan, tandis que pour ceux-là, ce fut au mois de redjeb. Enfin, il y a discussion également sur la question de savoir si le prophète fut enlevé corporellement ou eut seulement une vision réelle. L'opinion la plus généralement adoptée, c'est qu'il alla corporellement au ciel; d'autres croient pourtant que ce ne fut qu'une vision. D'après une ancienne tradition, Aïscha, la femme du prophète, aurait dit que le corps de son mari ne cessa pas d'être auprès d'elle et que son esprit seul fit le voyage. Quelques personnes prétendent aussi que le prophète alla jusqu'à Jérusalem avec son corps et de là en esprit au septième ciel.
Quoi qu'il en soit de ces assertions contradictoires, voici le résumé de la tradition à laquelle se rapporte notre gravure; elle est tirée de Bokhari, célèbre auteur arabe qui a recueilli une quantité considérable de faits et de légendes concernant le prophète, et dont les ouvrages jouissent d'une très-grande autorité chez les musulmans.



Bokhari place ce récit dans la bouche de Mahomet lui-même:
"Une nuit, dit-il, pendant que j'étais endormi, l'ange Gabriel se présenta devant moi et me dit de le suivre; en même temps, il me prit la main, et, me faisant monter sur une jument céleste appelée Alborac, c'est à dire l'Eclair, il me conduisit à travers les airs. Nous voyagions entre le ciel et la terre, et avec une telle rapidité, qu'en moins d'un instant nous nous trouvâmes sur le mont Sinaï. Là, nous nous arrêtâmes pour faire une prière; après quoi, reprenant notre route, nous arrivâmes à Bethléem, patrie de Jésus, fils de Marie; nous nous y arrêtâmes encore pour faire une prière; ensuite nous nous rendîmes à Jérusalem, sur l'emplacement du temple de Salomon. Après y avoir prié de nouveau, l'ange Gabriel me prit dans son giron, et, me couvrant de ses ailes, m'enleva jusqu'aux cieux. Nous parcourûmes successivement les sept cieux, saluant les archanges et les anges que nous rencontrions sur la route et conversant familièrement avec les prophètes qui m'avaient précédé. Arrivé enfin près du trône de Dieu, je m'avançai tout seul et m'en approchai à le distance de deux arcs ou même encore plus près. Là, je vis des choses que la langue ne peut exprimer ni l'esprit concevoir. Après avoir joui quelque temps de l'entretien du Seigneur, je retournai vers Gabriel, et nous reprîmes le chemin de la Mecque. Ce long voyage eut lieu en si peu de temps qu'il eût été impossible de s'apercevoir de mon absence."
Nous compléterons ces détails intéressants en empruntant à Gagnier, vieil auteur d'une Vie de Mahomet tirée des sources musulmanes, le portrait de l'archange Gabriel et de la jument Alborac.
"Le teint de l'archange était blanc comme neige; ses cheveux blonds, tressés d'une façon admirable, lui tombaient en boucles sur les épaules. Il avait un front majestueux, clair et serein; les dents belles et luisantes et les jambes teintes d'un jaune de saphir. Ses vêtements étaient tout tissus de perles et de fil d'or très-pur. Il portait sur son front une lame sur laquelle étaient écrites deux lignes toutes brillantes et éclatantes de lumière. Sur la première, il y avait ces mots: Il n'y a de Dieu que Dieu; et sur la seconde ceux-ci: Mahomet est son prophète. A cette vue, je demeurai le plus surpris et le plus confus de tous les hommes. J'aperçus autour de lui  70.000 cassolettes ou petites bourses pleines de musc et de safran; il avait 500 paires d'ailes, et d'une aile à l'autre, il y avait la distance de cinq cents années de chemin.
"Voici à peu près comment est faite la jument Alborac. Elle est plus grande qu'un âne et plus petite qu'un mulet. Elle est blanche et a une face humaine et des mâchoires de cheval. La crinière de son cou est de fines perles, tissue de marguerites et d'hyacinthes, et brodée de lumière. ses oreilles sont d'émeraudes, ses yeux sont deux gros hyacinthes brillants comme les étoiles du firmament, et qui dardent des rayons vifs et perçants comme ceux du soleil. Sa tempe droite est parsemées de perles enchâssées, et la tempe gauche est flanquée de plaques d'or. Le cou, le poitrail et le dos sont tout hérissés de différentes sortes de pierres précieuses qui jettent de toute part un éclat comme les éclairs du firmament dans la vaste étendue des cieux, ou bien comme les éclairs étincelants, ou comme la flamme du feu. La queue est cousue d'émeraudes; le crin en est d'une belle longueur; elle s'en frappe à droite et à gauche les jarrets et les flancs. Elle a deux ailes comme celles d'un aigle, grandes comme le contour d'un grand bassin, tissues de perles, émaillées comme un pré et parsemées de pierres précieuses. Elle exhale de ses flancs une odeur agréable de musc et de safran. Elle a une âme telle que les âmes humaines. Elle entend et comprend ce que l'on dit; mais elle ne peut ni parler, ni répondre. Les courroies de sa bride sont de perles et de marguerites enfilées avec des pierres précieuses et des hyacinthes. Ses chaînes sont d'or et d'argent; son frein est d'hyacinthe rouge. Ses deux ailes sont toutes brodées de lumière: elle s'en sert pour voler, de même que font les autres oiseaux dans l'espace qui est entre le ciel et la terre."

Le magasin pittoresque, novembre 1876.

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