Translate

jeudi 20 juin 2019

Une gaillarde.

Une gaillarde.

A Montana, en Amérique, réside la célèbre Kate Maxwell, qui a tué d'un coup de revolver un Mexicain qui l'avait insultée et un valet qui prenait parti contre elle.
Cette femme énergique, qui dirige elle-même une importante exploitation agricole, accorde des salaires assez élevés à ses ouvriers. Malheureusement, ceux-ci s'étant laissé piper dans une maison de jeu de Bessemer, avaient tout perdu. Kate Maxwell prit des informations et ayant recueilli sur ladite maison de jeu des renseignements déplorables, fit sceller son cheval et s'y rendit tout droit, avec son revolver à la ceinture, accompagnée seulement de deux domestiques.
Les tenanciers du tripot ayant refusé de rendre l'argent extorqué au moyen de fraude, elle les menaça de son revolver. Puis, s'adressant aux joueurs présents, elle leur prouva, avec pièces à l'appui qu'ils se faisaient bénévolement dépouiller. Ceux-ci, furieux, voulurent lyncher sur l'heure les banquiers terrifiés. Mais Kate Maxwell les en empêcha. Elle donna à chacun des maîtres fripons une pièce d'or, comme frais de voyage, et leur intima l'ordre de quitter sur le champ la région, en abandonnant l'argent volé.
Après leur départ, la maison fut brûlée, l'argent restitué aux perdants et la vaillante femme retourna tranquillement chez elle avec ses deux valets et rapportant à ses ouvriers les sommes si sottement perdues par eux.

Le Petit Moniteur illustré, 21 avril 1889.

mercredi 19 juin 2019

Une visite au Salon de l'automobile 1913.

Une visite au salon de l'automobile 1913.


Il semble bien que nous touchions le but: l'automobile est devenue, en même temps qu'un instrument de précision admirablement réglé, un mécanisme si simple qu'on voit fréquemment déjà de jeunes femmes au volant de puissants engins de vitesse et que l'automobile pour enfant existe, rêvant de reléguer aux soupentes les chevaux de bois millénaires, délices de nos jeunes ans, tout comme le taxi a chassé le fiacre et le "poids lourd" les magnifiques percherons.
Certes, l'évolution fut rapide et les perfectionnements incessants depuis les temps héroïques où Serpollet* et Forest* essayaient leurs premières chaudières ou leurs premières chambres d'explosion. Vingt ans ont suffi à cette révolution profonde qui a donné au monde un roi nouveau. Sa Majesté l'Auto a maintenant reculé jusqu'aux plus extrêmes limites son formidable pouvoir et le brave paysan, justement ému par ce concurrent redoutable, de ces chevaux-vapeurs appelés à dévorer les produits de ses écuries, va chercher aujourd'hui, pour les travaux de la terre, labours, semis, moissons, l'omnipotent auto.
Nous avons parcouru les stands de ce Salon de 1913, qui marque bien l'apogée de la locomotion mécanique tant par la multiplicité infinie des modèles que par le fini des détails et le souci partout affiché de robustesse et de simplicité, de confortable et d'élégance, de modération dans les prix.
Aussi, avons-nous tenu à concrétiser ici, pour nos nombreux et fidèles lecteurs, l'ensemble des progrès définitifs qui, tels que le Salon de 1913 nous le démontre, assurent à l'auto-roi un règne indéfiniment prospère. Après avoir lu les pages qui vont suivre, on pourra se faire une idée précise, étayée pour chaque sujet de l'exemple singulièrement expressif d'une grande et sérieuse firme industrielle, de tout ce que représente de labeur, d'ingéniosité, de puissance, de robustesse ce mot magique: l'auto.

Le développement prodigieux d'une industrie.

En 1897, un gamin de vingt ans avait obtenu de sa maman un coin de son jardin de Billancourt pour y édifier un hangar. Aussitôt construit, cet abri retentit de coups de marteau et d'explosions violentes qui mirent en émoi les habitations du voisinage. Puis, un jour, on vit sortir de la propriété une minuscule petite voiture actionnée par un moteur à pétrole qui semblait obéir passivement à son jeune conducteur.


Renault en 1897.

En 1898, six ouvriers occupaient le hangar et, en douze mois, six voitures nouvelles sortaient de la propriété.
Tel une tache d'huile, le petit atelier de 40 mètres carrés s'est étendu et il couvre, à l'heure actuelle, une supercherie de 12.000 mètres carrés. Les six ouvriers de 1898 ont dû appeler à leur aide 5.000 de leurs camarades, et, cette année, cette ruche colossale, a dirigé sur tous les points du globe plus de 8.000 voitures automobiles.
Telle est l'oeuvre du sympathique constructeur qui a nom Louis Renault*.


1913. Vue panoramique des usines Renault, à Billancourt (Seine).

Connaître la raison de cette prodigieuse fortune me parut particulièrement intéressant. Voici comment on vient de me l'expliquer:
"Le rapide développement de nos usines est dû à la satisfaction complète que nos clients ont toujours eue, satisfaction qui a son origine dans nos méthodes de construction et dans les contrôles incessants que nous exerçons sur notre fabrication.
Nos châssis sont, en effet, complètement fabriqués par nos usines et sous nos yeux mêmes. Le principe de notre construction est celui de la fabrication en grande série, avec une surveillance minutieuse et permanente de toutes les pièces pendant toutes les étapes de la fabrication et du montage. Cette surveillance s'exerce avant même tout opération d'usinage, par la vérification rigoureuse de la composition, du grain et des coefficients de résistance des pièces brutes.
Les pièces du même modèle sont toutes fabriquées sur les mêmes machines. Chaque opération est suivie d'une vérification des cotes et du fini du travail, et d'un nouvel examen du métal pour le cas où des défauts impossibles à constater sur la pièce brute seraient apparus après le travail.
Les pièces qui ont satisfait à cet examen sont acceptées et poinçonnées, celles qui présentent la moindre imperfection sont immédiatement détruites.
Pour avoir la même régularité et la même sécurité dans toute notre fabrication, nous avons créé des ateliers spéciaux pour la fonderie, la forge, la cémentation, la construction des radiateurs, des roues, des bougies,etc.
Les différents organes: moteurs, changements de vitesse, axes arrière, essieux avant, direction, etc., sont montés séparément dans des ateliers spéciaux.
Chacun d'eux est ensuite, éprouvé isolément au moyen d'appareils spéciaux et dans les conditions de charge identiques à celles qu'il devra subir au maximum sur le châssis. Lorsque le fonctionnement est devenu parfait, un démontage est effectué pour vérifier toutes les pièces et examiner la façon dont elles se sont comportées.
Les organes ainsi éprouvés sont ensuite montés et ajustés sur les châssis avec le plus grand soin. Ceux-ci passent alors à l'atelier des essais, où il est procédé à leur mise au point définitive. Chaque châssis reçoit une caisse, lestée de masse de fonte représentant exactement le poids de la carrosserie et des voyageurs que la voiture aura à supporter en service. La voiture est successivement essayée sur les différentes vitesses et aux différentes allures du moteur; en côte, en palier et en descente, les freins sont longuement éprouvés et les organes de commandes réglés pour que leur manœuvre soit toujours facile et sûre. La réception n'est prononcée que lorsque la marche est devenue absolument silencieuse, le fonctionnement de tous les organes irréprochables et le rendement celui qui avait été prévu."
Les usines de Billancourt peuvent s'enorgueillirent d'une telle méthode et s'en féliciter puisqu'elle leur a assuré la renommée que l'on sait; mais, aujourd'hui, il n'y a pas que le particulier pour sentir le besoin de moyens de locomotion rapides.
A l'heure actuelle, toutes les grandes industries, toutes les entreprises bien gérées ont adopté le transport mécanique et en retirent chaque jour des avantages considérables.
Il n'est donc pas de commerçant ou d'industriel qui, pour conserver des armes égales devant la concurrence, n'ait à envisager son application immédiate ou prochaine, soit pour des gros camionnages, soit pour les services de livraison, de transport en commun, etc.
Les principes de construction que Renault a posés, dès le début, se sont généralisés progressivement. Ils sont, à l'heure actuelle, les règles à ce point que l'on a pu dire, en toute exactitude, que la voiture Renault 1898* renfermait la plupart des éléments constitutifs de la voiture moderne.
Ses véhicules industriels ont été conçus dans le même esprit et chacun peut constater que, depuis plusieurs années, ses modèles de toute nature ont, dans leur ensemble, un caractère définitif.
D'ailleurs, dans toutes les épreuves auxquelles ils ont participé, les camions de la maison Renault* ont toujours satisfait dans des conditions les plus parfaites les programmes imposés. Tous les véhicules présentés aux épreuves d'endurance du ministère de la guerre français ont été, sans exception, admis aux bénéfices de la prime. Est-il besoin de rappeler leurs éclatants succès au concours militaire* russe organisé en plein hiver 1912? Par un froid terrible, sur un parcours semé de fondrières, dans des chemins couverts de neige, sur des ponts rudimentaires que le moindre ralentissement faisait effondrer, les deux camions engagés accomplissaient seuls, sans pénalisation, l'épreuve imposée et se classaient ensemble en tête du concours.
Ainsi, partout merveilleusement conçue et réalisée pour le service qu'on lui demande, camion ou autobus, taxi ou élégant landaulet, la voiture Renault a sa physionomie et sa personnalité.
Ce même esprit de recherche de simplicité et d'accessibilité a présidé à l'établissement des dispositifs nouveaux qui ont complété les premiers: dégagement absolu de l'avant du moteur, refroidissement par thermo-syphon,etc.
Ainsi ont été créés successivement: le carburateur Renault à prise d'air additionnel, réglée par une soupape fonctionnant sans ressort, et dont les déplacements sont amortis par l'adjonction d'un frein à liquide; l'embrayage Renault, à cônes garnis de cuir et à cercle de friction scié suivant les lamelles qui assurent une progressivité rigoureuse; le radiateur Renault, disposé à l'arrière du moteur et ventilé par une turbine fixée sur le volant; les amortisseurs à liquide Renault; la bougie Renault, et de multiples détails spéciaux. Ce sont toutes ces créations originales, faites avec un esprit de suite rigoureux, et suivant des principes directeurs bien établis, qui ont fait la véritable personnalité de la voiture Renault et qui lui ont valu les qualités qu'on lui reconnait unanimement.

Les Annales politiques et littéraires, dimanche 19 octobre 1913.

Nota de Célestin Mira:

* Serpollet:

Châssis "double phaéton, vers 1900, équipé d'un moteur à vapeur,
de la société Gardner-Serpollet.
Il mesure 4 m de long, 2 m de large, 1,7 m de haut et pèse 800 kg.
(Musée de Lille)

Monsieur et madame Serpollet.



* Forest est l'inventeur du moteur à explosion:

Voiture de livraison de la société Gillet-Forest, 1904.



* Louis Renault:



* Renault type A, modèle 1898:





* Camions Renault divers:

1903


1908


1909



* Concours militaire, camion Renault 1911:



jeudi 13 juin 2019

Le Cours-la-Reine.

Le Cours-la-Reine.


Il est loin le temps où les rois de France allaient dans les garennes voisines de leur jardin des Tuileries, chasser au faucon. Depuis l'emplacement actuel de l'Orangerie où l'on construisit, en 1616, la belle porte de la Conférence*, la campagne s'étendait à perte de vue et les promeneurs, que leurs rêveries conduisaient en ces lieux, purent pendant longtemps, dire avec justesse:

Venant à cette porte, on a cet avantage, 
Qui ne se trouve pas aisément autre part:
C'est d'y voir tout d'un coup, la ville et le village,
Les traits de la nature et les effets de l'art.

De cette porte partait, en longeant la Seine, la belle promenade que Marie de Médicis avait fait tracer. Le Cours-la-Reine, ou Petit-Cours, comme on l'appelait également, pour le distinguer du Grand-Cours, devenu depuis, l'avenue des Champs-Elysées; était séparé de la Seine par un quai, qui, du débarquement constant des moellons et des blocs destinés aux constructions de la Ville, tenait son nom de quai aux Pierres; de l'autre côté, un saut de loup interdisait l'accès du cours au public et, dans le fossé, le menu peuple pouvait, les dimanches d'été, venir jouer aux quilles ou au cochonnet.
C'est dans ce cours, dont le nom était emprunté au corso italien, que Marie de Médicis et ses courtisans venaient parader; c'est là que cette reine apparut, traînée dans un coche d'une singulière forme ronde, ressemblant à celui de Cendrillon; c'est là que Bassompierre "lança" le premier carrosse fermé par des glaces que l'on eut en France; c'est le même seigneur qui, fanatique d'une promenade conduisant si commodément à Chaillot, où il possédait sa maison des champs, insista pour qu'on surélevât le quai, afin d'éviter les inondations et contribua même aux frais des travaux.


Une des portes du Cours-le-reine,
d'après la gravure d'Israël Sylvestre
.

Longtemps, le roi, la reine, les princes de sang, les familiers de la Cour eurent seuls le privilège de parcourir les ombreuses allées du Cours; heureuses étaient les vieilles dames qui, mettant en avant leurs infirmités, recevaient l'autorisation d'aller prendre l'air dans cette promenade.
Le duc d'Antin, le premier, leva cette consigne sévère et ouvrit plus largement les grilles jusqu'alors seulement entre-bâillées. Pour rajeunir ces allées, il décida de les replanter et, par un véritable tour de force, ne mit que trois heures à accomplir ce travail. Des trous avaient été creusés, auprès de chaque fosse un arbre déposé et un soldat posté. Au premier roulement de tambour, chaque arbre était saisi et placé au "portez armes!", au second roulement, il est déposé dans la fosse; au troisième, la terre est rejetée sur les racines.
D'ailleurs, le surintendant des bâtiments était coutumier de pareilles singularités. Un jour, pour complaire à Louis XIV, auquel un bois voisin de Fontainebleau déplaisait, il fit scier plus qu'aux trois-quarts chacun des arbres, et, sur un simple signe du duc, la forêt s'écroula, aux yeux étonnés du monarque.
- Si le roi avait demandé nos têtes, s'écria la duchesse de Bourgogne, M. d'Antin les ferait tomber de même.

Vue de Paris prise de la hauteur du village de Chaillot,
montrant le long du fleuve, la promenade du Cours-la-reine
d'après une estampe de Rigaud.

Sous Louis XV, le Cours-la-Reine, toujours fréquenté par le public, n'eut pas l'honneur de voir passer le roi. C'est pourtant là que le Bien-Aimé aperçut Mlle de Romans, qui faillit, un instant, porter ombrage à la marquise de Pompadour.
Les élégantes du jour étaient, lorsque la nuit tombait, remplacées par des malandrins à figures sinistres, qui, bien souvent, dans le fossé du Cours, détroussaient les passants. Mazière, le fermier général, ne reçut-il pas l'ordre de déposer 360 livres au pied du poteau auquel on amarrait le bac qui joignait les deux rives du fleuve, et ne dut-il pas s'exécuter, par crainte des représailles?
Les gardiens, qui la nuit, veillaient aux portes d'entrées, et le jour, vendaient des rafraîchissements, ne pouvaient suffire à assurer la sécurité des passants, car l'ombre était propice aux maraudeurs.
Pour faciliter la surveillance, on établit, en 1729, des lanternes tout le long du Cours, en espérant que la lumière éloignerait les rôdeurs.
Mais le lieu que Marie de Médicis avait mis à la mode, que Mlle de Scudéry décrit dans son Grand Cyrus, qui, pendant l'été 1714, connut la joie des promenades nocturnes aux flambeaux avec accompagnement de musique et de danses, où l'abbé Prévost place un des épisodes de Manon Lescaut, commença à être délaissé à la fin du dix-huitième siècle.
Les tristes échos de la Révolution retentirent dans ses allées abandonnées, on y perçut le bruit de la foule, qui, le 5 octobre 1789, conduite par Théroigne de Méricourt, traversa les Champs Elysées pour aller chercher à Versailles "le Boulanger, la Boulangère et la Petit Mitron"; on y entendit le roulement de la berline qui ramenait à Paris le roi après la fuite à Varennes, et, quelques mois plus tard, les cris du peuple rassemblé sur la place Louis XV (aujourd'hui de la Concorde), saluant par des acclamations la mort de son souverain.
Les Admirables et les Incroyables vinrent redonner quelque animation aux Champs-Elysées et au Cours-la-reine. C'est dans l'allées des Veuves* (aujourd'hui avenue Montaigne), qui joignait l'extrémité du Cours au rond point des Champs-Elysées, que fréquentait cette jeunesse dorée. Elle était bien accueillie par une Merveilleuse d'hier, dont Thermidor avait fait une héroïne, presque une divinité. C'est là, en effet, qu'était située la "Chaumière"* que Tallien habita avec sa femme, la belle Thérésa Cabarrus*, jusqu'au jour où celle-ci l'ayant abandonné, sa fortune politique déclina. Il dut quitter ce nid qui avait abrité son bonheur, et qui devint une gargote à l'enseigne de l'"Acacia". Quelles devaient être les pensées de ce déchu, lorsqu'il voyait, de la misérable chambre qu'il avait loué chez un maraîcher voisin, cette demeure qui lui rappelait la femme qu'il aimait toujours et qui l'avait quitté pour devenir princesse de Chimay?
Après avoir côtoyé l'histoire et traversé le roman, le Cours eut une plus prosaïque fortune.
C'est sur le Cours-la Reine que fut inauguré, en 1853, le premier tramway sur rail* qui, de la place de la Concorde conduisait à Passy. A toutes les expositions, on vit transformer la misérable promenade et tous se souviennent encore des suites de celle de 1900. La porte de la Parisienne* et la rue de Paris avaient disparues depuis longtemps que le quai de la Conférence était encore encombré de plâtras et de madriers; les immenses serres*, avant d'être démolies, gâtèrent pendant de nombreuses années, la perspective de ce ravissant paysage. Le Cours était redevenu depuis une promenade. Mais les inondations y amenèrent de nouveaux bouleversements. Comme jadis Bassompierre, la ville voulut en empêcher le retour. On piocha, on terrassa, afin de relever, et le sol et le parapet.
Enfin, tout étant réparé, la Société Nationale d'Horticulture  obtint d'aménager en jardins l'ancien emplacement des serres et d'y exposer, à chaque saison, ses plus belles essences. Et en ce moment même, c'est une ravissante exposition de fleurs d'automne qu'on peut y admirer.

                                                                                                                           George Servant.


Nota de Célestin Mira:

* Porte de la conférence construite en 1632 et démolie en 1730:





* Paris, allée des Veuves:

Allée des Veuves, au XVIIIème siècle.


Allée des Veuves: la promenade.
Fin XVIIIème début XIXème siècle.

* Paris, la Chaumière, allée des Veuves:



* Thérésa Cabarrus, épouse de Tallien:



* Paris, premier tramway sur rail tracté par des chevaux, place de la Concorde,  dit: tramway américain:



* La Parisienne, réalisée par Binet, porte monumentale d'entrée de l'Exposition universelle de 1900 à Paris:



* Paris, les serres du palais de l'Horticulture de l'Exposition universelle de 1900:


mercredi 12 juin 2019

La planète Mars.

La planète Mars.


Un astronome suisse, M. Le Coultre, a cru discerner des lueurs intermittentes sur la planète Mars. Il se demande si ce ne sont pas des signaux à l'adresse de la Terre.
Les Martiens existeraient donc. Comment sont-ils faits?
Beaucoup de savants ont émis des hypothèses, à commencer par notre ami Camille Flammarion.
" On peut imaginer, dit aussi le président de l'Académie Royale de Londres, que les hommes de Mars sont grands parce que la pesanteur y est plus faible, blonds parce que la lumière y est atténuée, ont quelque chose, avec plus de gracilité, des membres de nos scandinaves et ont aussi probablement le crâne plus élargi.



Leurs yeux bleus sont plus grands et doués d'une faculté d'accommodation plus étendue; leur nez également plus fort, leurs pavillons auditifs plus grands. Leur tête volumineuse, leur vaste poitrine, leurs membres longs et grêles, l'absence de taille séparant le thorax de l'abdomen, leur donnent un aspect général assez différent que celui que nous présentons; leurs grands yeux, leur nez puissant, leurs larges pavillons auditifs constituent un type de beauté que nous n'apprécierions sans doute pas beaucoup."
M. H. G. Wells, auteur d'une Guerre des mondes, a une autre idée des Martiens.
" Les habitants de la planète Mars, écrit-il, ont d'énormes corps ronds, ou plutôt ils ont pour corps d'énormes têtes ronde d'environ quatre pieds de diamètre avec un visage au milieu. Ce visage n'a pas de nez, mais une paire de gros yeux de couleur sombre et immédiatement sous les yeux une sorte de protubérance charnue. A l'arrière du corps se trouve l'oreille. La bouche est entourée de seize tentacules effilés semblables à des fouets.



M. Flammarion n'est pas de cet avis.
Il dit:
" Les habitants de Mars ne peuvent qu'être pareils à notre espèce humaine. Ils doivent être plus grands, plus légers, d'une forme différente. Ils doivent être aussi plus beaux que nous et meilleurs."
Le professeur Hyslop, dans les Annales des Sciences Psychiques, a tracé le portrait d'un Martien d'après un médium, Mme Smead. Elle s'est bornée à dire:
"Les habitants de Mars, en chair et en sang, ressemblent à des Indiens de l'Amérique du Nord."
La Presse de Montréal, a publié, en 1900, deux images de Martiens.
L'une d'après l'astronome Nicolas Climius, dont le nom ne nous est pas très familier. Pour Nicolas Climius, le Martien, il l'a dessiné est un homme-arbre. Son tronc est un vrai tronc ligneux et ses bras sont des branches. Quand les Martiens sont en mouvement, on crorait voir marcher la forêt dans Macbeth.



Tout autre est le Martien pour sir Humfry Davy's.
" Le Martien, d'après ses études, est de taille immense; il ressemble à un humain. Mais ses membres sont d'un développement extraordinaire."



En un mot, et c'est pour lui assurer le respect de certaines gens, le Martien a le bras long.
La science, et non sans témérité, en est là. Nous nous garderons bien de conclure et de choisir. D'autant plus que la galerie des types de Mars par les types de la Terre n'est pas près d'être close.
Et qui sait si les personnages singuliers des toiles futuristes ou cubiques ne sont pas tout simplement des Martiens qui se sont à l'esprit d'artistes en communication avec Mars sans le savoir!

Les Annales politiques et littéraires, 26 octobre 1913.

mardi 11 juin 2019

Les rues de Paris.

Les rues de Paris.


A voir le Paris moderne avec ses rues larges, alignées, ouvertes à tout air et à tout rayon de soleil, et leur double rangée de maison si propres, si blanches, si riches, si coquettes qu'on les prendrait pour autant de palais, il serait difficile de se faire une idée du Paris d'autrefois, de se représenter cet inextricable labyrinthe de rues tortueuses sans nom et sans fin, sentiers bourbeux et infects tracés au pied de maisons grimpées les unes sur les autres et dont le ventre affaissé menace d'écraser le passant, mares pestilentielles qui recèlent souvent des cadavres et où vivent des troupes immondes de pourceaux affamés et féroces à qui l'on est obligé de disputer sa vie; carrefours maudits, routes impraticables où le bourgeois isolé, aussi bien que les gens du guet et les hommes d'armes du roi, deviennent la proie des truands, des malandrins, des mauvais garçons et autres bandits, à qui ils servent de repaires. L'imagination recule épouvantée devant cet horrible spectacle d'abîmes fangeux, de cimetières, d’égouts, de voiries, de charniers et de gibets avec leur exhibition permanente de cadavres tombants en lambeaux et de squelettes hideux, balancés au gré des vents. Cette cité boueuse, noire, empestée, avec sa population de mendians, d'estropiés, de lépreux, de scrofuleux et d'assassins, semble une création fantastique, un cauchemar qui tourmente un esprit malade; et pourtant ce n'est qu'un tableau exact et au dessous encore de la réalité.
Cependant, ce Paris si vieux, si sale, si laid, a son aspect curieux aussi, pittoresque, attachant même: plus ces populations nous apparaissent sauvages et abruties, plus on regrette cette bienfaisante influence de la foi, loi unique qui pût les moraliser; plus ces soudards, ces gueux sans nom et sans nombre, ces habitants de la fameuse cour des Miracles*, ces farouches truands, ce hideux gibier de toutes les prévôtés, sont redoutables, menaçans, plus on a lieu d'admirer, de bénir la puissance, la seule qu'ils reconnussent, de cette religion qui, plus forte que les rois, leurs gardes et leurs bourreaux, muselait, à la voix d'un prêtre, ces bêtes fauves et les transformait en dociles agneaux.
Puis parmi ces noms ridicules ou effrayans de rues du Sabot*, de la Femme-sans-Tête*, du Chat-qui-Pêche*, du Pet-au-Diable*, du Grand-Hurleur*, Trousse-Vache*, Tire-Chappe*, on rencontre avec satisfaction ceux toujours frais et sourians de la Cerisaie*, des Lilas*, du Champ-de-l'Alouette*, des Acacias*, des Amandiers*, qui vous parle encore, au sein de la cité, d'air frais, de beau soleil, de riche verdure, ou de ceux qui racontent d'une façon comique les mœurs et usages du temps, comme les rues Brise-Miches*, Taille-Pain*, Vide-Gousset*, ou bien encore comme la rue de l'Echelle*, où l'on pendait les condamnés; la rue Guillorg, où l'on coupait les oreilles; la rue du Bouloi*, où on les faisait bouillir, et la rue de la Croix-du-Trahoir*, où on les écartelait.
De tous les points du Paris qui nous reste, la Cité, qui fut le berceau de la grande ville, la fameuse Lutèce d'autrefois, a encore conservé son caractère primitif. Cependant, sans remonter aux dates reculées du moyen âge, nous trouverions encore une différence inimaginable entre les rues d'aujourd'hui et celle de l'avant-dernier siècle seulement et sans aller plus loin, sous Louis XIV lui-même, ce monarque surnommé le grand, le magnifique, et dont le goût est passé en proverbe, on regardait comme une chose miraculeuse d'avoir découvert un moyen d'échapper à l'action délétère et empestée de l'air qu'on respirait à Paris.
Une sorte d'agent voyer écrivait à la louange du roi dans un rapport de police: " Ceux d'entre nous qui ont vu le commencement du règne de sa majesté se souviennent encore que les rues de Paris étaient si remplies de fange que la nécessité avait introduit l'usage de ne sortir qu'en bottes; et, quant à l'infection que cela causait dans l'air, le sieur Courtois, médecin, que demeurait rue des Marmousets*, a fait cette petite expérience, par laquelle on jugera du reste: il avait dans sa salle sur la rue, des gros chenets à pommes de cuivre, et il a dit plusieurs fois aux magistrats et à ses amis que tous les matins il les trouvait couverts d'une teinture vert de gris assez épaisse, qu'il faisait nettoyer pour faire l'expérience le jour suivant; et que depuis 1663, que la police du nettoiement des rues a été établie, ces taches n'étaient pas reparues."
Ainsi, au dix-septième siècle on citait à la gloire du grand roi un acte d'assainissement pratiqué aujourd'hui dans le dernier de nos hameaux sans que le moindre procès-verbal transmette à la postérité reconnaissante le nom du maire ou du garde champêtre ordonnateur de la mesure.
Pourtant, dès le douzième siècle, quelques rues de Paris commencèrent, il faut le dire, à devenir presque praticables. Philippe-Auguste ordonna qu'on y posât des pavés de grès gros et forts; mais pour avoir des dénominations officielles et certaines, car jusque là chaque rue n'avait dû son nom qu'au hasard, qu'au caprice ou au souvenir des individus, il fallut attendre encore jusqu'au 16 janvier 1728, jour où l'on plaça les premières inscriptions au coin des rues.

Le Salon littéraire, dimanche 2 avril 1843.

Nota de célestin Mira:

* La cour des Miracles:




* Paris, rue du Sabot en 1867:




* Pais, Île Saint-Louis, rue de la Femme sans Tête:



* Paris, rue du Chat qui Pêche:




* Paris, rue du Pet-au-Diable devenue rue du Tourniquet-Saint-Jean:


* Paris, rue du Grand-Hurleur: la rue du Grand-Hurleur située vers la porte Saint-Denis dans le 3ème arrondissement, est aujourd'hui disparue.

* Paris, rue Trousse-vache devenue rue de la Reynie:




Paris, rue Tire-Chappe, située dans le 4ème arrondissement, disparue en 1854:




* Paris, rue de la Cerisaie, en 1876:



* Paris, rue des Lilas:



* Paris, rue du Champ-de-l'Alouette:




* Paris, rue des Acacias:



* Paris, rue des Amandiers:



* Paris, rue Brise-Miche en 1911:




* Paris, rue Taille-Pain:



* Paris, rue Vide-Gousset:



* Paris, rue de l'Echelle:



* Paris, rue du Bouloi:



* Paris, la rue de la Croix-du-Trahoir située dans le 4ème arrondissement, est aujourd'hui disparue. La fontaine de la Croix du Trahoir nous rappelle son existence passée:



* Paris, rue des Marmousets, 1865:


lundi 10 juin 2019

Un château en loterie.

Un château en loterie.


La loterie française est supprimée par une bonne loi; mais on subit quelquefois, en France, malgré tous les efforts de la police, les spéculations de la loterie étrangère. Combien de palais, de manoirs, de baronnies et de comtés, à peu près imaginaires, n'ont-ils pas été mis en tombola depuis quelques années par d'honnêtes financiers allemands! Ces jeux de la fortune et de l'industrie se renouvellent périodiquement et viennent à de courts intervalles tenter l'aveugle cupidité. Naguère encore, par ce fragile moyen, les grandeurs et les richesses sont venus s'offrir aux amateurs.
Voulez-vous rêver un instant que vous êtes prince de***, avec château, cour d'honneur, chapelle gothique, beau jardin, jets d'eau, terres, mobilier moderne, confectionné à Paris, tapis, fauteuils, divans, bougeoirs, bibliothèques, tentures, tire-bottes, pendules et secrétaire renfermant une somme de cinquante mille florins? - Si cela vous convient, il ne vous coûtera que la bagatelle de cent francs pour une demie action divisée en cinq coupons jaunes dont un rouge.
Sérieusement, il est bon de mettre le public en garde contre les séductions de ce genre. Les prospectus de ces magnifiques loteries sont répandus avec profusion à Paris et ailleurs. On reçoit parfois à domicile, sous enveloppe et franc de port, une liasse de papiers contenant les détails de l'affaire, le modèle des souscriptions et la lettre lithographiée. Il n'y a peut-être pas un seul contribuable parisien qui ne reçoive de temps en temps de pareils hameçons. Ce qu'il y a d'étonnant, c'est que la badauderie parisienne s'y laisse prendre. Il est vrai de dire, tout amour-propre national mis à part, qu'en général le prospectus allemand est infiniment supérieur au prospectus français. On y retrouve la même pompe de style, la même habilité de rédaction, et de plus, une teinte de naïveté germanique qui lui donne un prix inestimable. En voici un exemple mémorable:
"Le château de ***, disait naguère le charlatanisme d'outre- Rhin, est situé dans une belle contrée, riche et fertile." comment se nomme cette contrée, voilà ce qu'on ne dit pas; c'est une simple omission, bien excusable si l'on considère que le rédacteur a mis tous ses soins à décrire les agrémens de ce domaine, "qui sera remis à l'actionnaire gagnant franc et libre de toute hypothèque." Voilà l'essentiel. Après le tirage, il sera toujours temps d'apprendre à l'actionnaire gagnant le nom du fortuné pays où il trouvera son château non hypothéqué.
"Nous ne nous adressons qu'aux personnes intelligentes et jouissant d'une bonne position sociale," ajoute la tombola. - Ce compliment est destiné à flatter quelques lecteurs. Le prospectus continue: "Il vous a été réservé une action complète (une action de 200 francs), qui sera très probablement favorable, d'après le choix des coupons." - Notez bien que cette phrase, imprimée dans la circulaire, s'adresse à toutes les personnes intelligentes qui prendront des billets, et qu'ainsi chaque action doit être probablement favorable, pour les cent cinquante mille actionnaires!!! Du reste, la banque s'explique d'une façon très nette, en disant: "Il se trouvera un actionnaire favorisé, c'est infaillible; pourquoi ne serait-ce pas vous?"" Impossible de réfuter cet argument. C'est la logique allemande dans toute sa solidité.
Mais voici le triomphe du prospectus. - La tombola se place sous l'invocation de l'église, et sous le patronage des sentiments religieux. C'est surtout dans cette sublime et sainte péroraison que l'industrie allemande déploie toute sa supériorité. Lisons donc ces lignes que nous transcrivons et soyez édifiés:
"La loterie du château de *** étant une affaire unique, afin d'en perpétuer le souvenir, il a été résolu que les noms, titres et qualités de tous les souscripteurs qui auront obtenu, soit le lot principal, soit un des lots accessoires, seront gravés en lettres d'or sur une table de marbre qui sera scellée à toujours dans la partie principale de la chapelle du château. Cette chapelle est en grande vénération dans le pays et renferme les tombes des princes abbés.
"Si cette disposition ne convient pas à l'actionnaire qui aura gagné le château, la table de marbre sera placée dans l'église paroissiale de la commune.
" De plus, sur le résultat de l'opération, il sera prélevé la somme nécessaire pour assurer à perpétuité une fondation pieuse à l'effet de célébrer chaque année, au jour anniversaire du tirage, un office divin en l'honneur et à la mémoire de toutes les personnes qui auront pris intérêt dans l'affaire.
" Par ce moyen sacré, ces noms seront conservés et honorés en pays étranger."
Pendez-vous, spéculateurs parisiens! vous avez inventé bien des choses, mais vous ne vous seriez jamais avisés de cet expédient pour glisser le coupon aux âmes pieuses.
Convenons que les châteaux d'outre Rhin sont devenus les synonymes des châteaux en Espagne.

Le Salon littéraire, dimanche 22 juin 1843.

dimanche 9 juin 2019

Les cartes.

Les cartes.


La bibliothèque de Rouen vient de s'enrichir d'une véritable rareté bibliographique: c'est la collection qu'un ancien chef du contentieux au ministère de l'intérieur, M. Leber,  a formé depuis trente ans de toutes les cartes à jouer qui ont été fabriquées depuis leur invention en tout temps et en tout pays.
Cet imposant témoignage des délassemens séculaires et contemporains des hommes d'autrefois et des joueurs d'aujourd'hui, prouve qu'on s'amuse et qu'on se ruine aussi bien dans les pampas de l'Amérique, dans les steppes de Moscou, dans les marécages de la Hollande que dans les salons de Baden, de Londres et de Paris.
On fait remonter les cartes à jouer au règne de Charles VI; mais au moyen de cette collection, on pourrait prouver qu'elle est plus ancienne. Parmi celles qui figurent fabriquées pour ce malheureux monarque, on distingue les images du peintre Jacquemin Gringonneur*; elles datent de 1392 et sont au nombre de dix-sept. Ce sont des quadrilatères de 6 pouces et demi de hauteur sur 3 pouces et demi de large. Chacune offre un petit tableau remarquable par la naïve expression des figures symboliques qu'elle représentent, telles que la Force, la Mort, la Tempérance, etc.
La Force* est représentée par une espèce de virago douée d'un poignet vigoureux, et qui brise comme verre un gros pilier. Quant à la Tempérance*, elle transvase du vin d'une bouteille dans une autre, sans céder à la tentation d'en goûter. La Mort* galope sur un cheval de sinistre figure, tout en fauchant au passage les grands comme les petits. Le Pendu* est accroché la tête en bas, tenant deux sacs d'argent, pour indiquer la nature du méfait qu'il expie. Quant au Soleil*, Jacquemin Grangonneur le représente resplendissant dans les cieux, tandis que, sous ses feux rayonnans, une humble bergère file sa quenouille, afin de prouver qu'il luit pour tout le monde, pour les villageoises comme pour les reines.
Il y a dans cette collection des cartes historiques imaginées par Mazarin pour amuser la jeunesse de Louis XIV; puis des cartes d'Indous* rondes et un peu moins petites que les écus de six livres; après cela viennent des cartes négrophiles, où les noirs de St-Domingue se vengent en peinture de la supériorité de la race blanche; des cartes républicaines où les rois sont remplacés par Solon* (cœur), par Jean-Jacques Rousseau* (trèfle), par Caton d'Utique* (carreau), et par Junius* (pique); les valets par Annibal, Décius, mucus-Scœvola et Horace* qui doivent être peu flattés de cette assimilation. Depuis ont été inaugurées les cartes impériales sous l'empire, et les cartes monarchiques sous la restauration.

Le Salon littéraire, dimanche 18 juin 1843.

Nota de Célestin Mira:

* La force:




* La Tempérance:



* La Mort:


* Le Pendu


* Le Soleil:



* Cartes Hindoues:




* Solon (roi de cœur)



* Jean-Jacques Rousseau (roi de trèfle)


* Caton d'Utique (roi de carreau)


*  Aucune trace de Junius, il s'agit probablement d'une erreur: l'ex roi de pique est représenté par Brutus (source BNF)




* Annibal, Décius et Horace:










* Quelques cartes de jeu historique dites de Jacquemin Gringonneur (source BNF)