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samedi 22 novembre 2014

Incendie de New-York.

Incendie de New-York
        aux Etats-Unis.



L'incendie qui dévora, en 1835, une partie de la ville de New-York, a prouvé quelles prodigieuses ressources le commerce des Etats-Unis pouvait trouver dans sa confiance, son bon sens et son admirable activité: c'est pour le vieux monde un sujet d'émerveillement et un exemple qu'il est bon de lui rappeler. Quand on cite la prospérité croissante de ce grand peuple, on en cherche toujours la cause dans sa position exceptionnelle, ses vastes territoires inoccupés, et les mille richesses naturelles dont il a été gratifié par la providence; mais ici le génie américain fut seul chargé de réparer ce désastre, et c'est dans le caractère du peuple, dans ses institutions et ses habitudes, qu'il faut chercher l'explication de tout ce qui fut accompli.
L'événement eut lieu au mois de décembre. Le froid était très-violent et les cours d'eau avaient gelé, ce qui enlevait tout moyen de combattre le feu. Dans ce cas, qui se présente fréquemment en hiver aux Etats-Unis, on a coutume de miner les maisons pour couper l'incendie; mais, par une sorte de fatalité, la poudre manquait.
Le cri: Au feu! se fit entendre vers huit heures du soir. Les flammes, qu'on avait aucun moyen de combattre, gagnèrent, de maison en maison, avec une rapidité prodigieuse; des squares entiers brûlèrent en quelques heures. On jetait pèle-mêle au dehors les marchandises les plus précieuses. "La terre, dit un témoin oculaire, était jonchée de cachemire; les chevaux marchaient dans la dentelle jusqu'au ventre; les soieries françaises étaient embarrassées et déchirées dans les roues des chariots."
Ces chariots même ne se vendaient qu'au poids de l'or: une mésintelligence existait depuis quelque temps entre les négociants et les charretiers, qui refusèrent de marcher à moins de 20 dollars (100 francs) par chargement; quelques-uns même ne voulurent accepter aucun prix. Un négociant français, qui ne pouvait décider un de ces derniers à lui louer sa charrette et son attelage, les lui acheta 500 dollars, et sauva ainsi pour deux millions de marchandises.
Quand on eut enfin réussi à arrêter les flammes, il se trouva que cinquante-quatre acres, la veille couverts de magasins et de maisons, ne présentaient plus qu'un amas de décombres et de cendres!
La plupart des négociants perdirent tout ce qu'ils possédaient, et jusqu'à leurs livres de commerce; les compagnies d'assurance se trouvèrent insolvables! Nul doute qu'en Europe un pareil malheur n'eût entraîné des faillites innombrables; à New-York il n'y en eut pas une seule! Les négociants et les banquiers qui avaient échappé au désastre vinrent au secours de leurs confrères; ils reculèrent les échéances des billets souscrits par eux; ils leur fournirent de nouveaux fonds pour poursuivre les affaires. Le crédit de la place, étayé par toutes les ressources de ceux qui avait évité l'incendie, ne fut point ébranlé, et les gens qui la veille se croyaient perdus rentrèrent dans le mouvement commercial avec un redoublement d'ardeur. On eût dit, en effet,  que la nécessité de réparer tant de pertes donnait à tous une activité, un bon vouloir et une intelligence surhumaine. Sept mois après l'incendie, les cinquante-quatre acres incendiés étaient de nouveau transformés en rues, en places, en squares, et l’œil d'un étranger eût vainement cherché la plus légère trace du désastre.
La surexcitation donnée aux affaires eut même pour résultat d'enrichir des gens qui s'étaient regardés comme ruinés. Une famille de New-York qui venait s'établir en France y apprit l'incendie, dans lequel toutes ses propriétés avaient été dévorées. Elle se réembarqua, décidée à chercher un travail quelconque pour les membres qui la composaient, et à recommencer la vie parmi les plus pauvres citoyens de l'Union; mais, en débarquant, elle apprit que les terrains sur lesquels s'élevaient ses maisons valaient plus à eux seuls qu'elle n'eût vendu les maison elles-mêmes. Le feu qui avait tout dévoré, loin de l'appauvrir, venait de doubler sa fortune.
L'incendie de New-York fit cependant subir au commerce de cette ville une perte de dix-huit millions.

Le magasin pittoresque, février 1851.

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