Recherches historiques sur les enseignes. 3ème partie.
Nous n'empruntons à Beauvais que l'enseigne de l'épicier-moutardier.
C'est une de ces facéties dont nos pères, plus rieurs que nous ne le sommes à présent, ne se faisaient pas faute. Ce relief était placé sur une maison situé dans la rue de Châlié. Elle est conservée au musée d'antiquités de la ville.
Il existe encore à Bourges quelques enseignes remarquables. Nous signalerons celle que l'on voit dans la rue des Trois-Pommes, et qui a donné son nom à cette rue.
L'enseigne du Barbeau, dans la cour du Barbeau, section Saint-Privé, porte l'inscription suivantes en caractères gothiques: "Au Barbeau coronea".
Nous reproduisons aussi un pilier d'angle, sculpté de trois flûtes énormes, prises dans une seule pièce de bois, au coin des rues Joyeuse et Bourbonnoux.
La Poissonnerie de Bourges, bâtie en bois au quinzième siècle, nous offre un écu chargé de trois poissons placés l'un sur l'autre les têtes en haut; une à gauche, une à droite, la dernière au milieu.
Les poissonneries de plusieurs autres villes sont aussi décorées de semblables insignes.
Ainsi, à Chartres, un saumon est sculpté sur la poutre d'une maison de la place de la Poissonnerie.
A Rouen, place du Vieux-Marché, à l'endroit où se vend le poisson, la maison n° 17 porte une pièce de bois sculptée représentant un triton, une syrène et un poisson, qui paraît être un dauphin, au milieu de ces deux figures.
La ville d'Evreux ne possède qu'une seule de ces anciennes enseignes: "Les Quatre Fils Aymon", type curieux tiré d'une vieille légende et qui s'est multiplié dans toutes nos villes au seizième siècle. on voit aussi, à Lille, ce sujet sur une maison rue de la Barre.
La même enseigne existait à Blois, à Beauvais, où elle a passé dans les mains d'un armateur, à Valenciennes, etc.
Les quatre fils Aymon sont représentés casque en tête, cuirassés et armés, montés sur le même cheval qui est bardé de fer. L'un porte une hallebarde, l'autre une rondache; le troisième a la main sur un long poignard; et le quatrième l'a sur une épée. L'armure du cheval est composé de cinq pièces, savoir: du chanfrein, espèce de masque ou de petit bouclier modelé sur la forme de la tête du cheval et s'y appliquant exactement; de la crinière ou barde de crinière, pièce composée de tasseaux articulés et mobiles qui protégeaient la partie supérieure du cou; du poitrail ou devant de barde (ainsi que l'appelle une ordonnance de Henri II, de l'an 1649) , et des flancois. La première de ces pièces garnissait le poitrail, et les deux autres les flancs du cheval. Ce sujet est placé dans un paysage, où l'on voit à gauche une église, et à droite un fort.
On remarque dans la Grande-Rue, au Mans, une maison gothique, en bois, à deux étages. Sur les poteaux d'encorbellement du rez-de-chaussée, on voit deux personnages vêtus comme au quinzième siècle, entre lesquels s'élève un écusson sur lequel on lit en lettres modernes à l'encre: "Au deux Amis". Un autre personnage paraît être un voyageur qui porte un ballot sur son dos. C'était probablement l'enseigne d'une hôtellerie.
Orléans nous a fourni dans ses enseignes du seizième siècle plusieurs sujets sculptés en pierre. Telle est l'enseigne de l'Ours: "A l'Ovrs", marché de la volaille, n° 4, fort bien exécuté en bosse;
celle de "la Carpe", rue des hôtelleries, n°11, sculpté dans un joli cartouche du temps de Henri II
et celle de "l’Écrevisse", rue de l’Écrevisse. Une étoile et un poisson sont au-dessus pour faire connaître probablement que là on trouvait gite de jour et de nuit.
Beaucoup d'autres curieuses enseignes au nombre desquelles on citait: "les Lacs d'amour, le Tabour (tambour), la Fontaine de Jouvence, etc." ont successivement disparu d'Orléans depuis vingt-cinq ans environ.
Dans la rue de la Pierre-Percée est l'enseigne du "Sagittaire", mais le bas-relief est fruste, et totalement dégradé. "Le Bon Pasteur", rue Vieille-Peignerie, n°9, est une sculpture assez bien conservée.
A part la maison de la rue aux Fèvres, couverte de sculptures de l'époque Louis XII, et qu'une assez juste célébrité a conservé jusqu'ici, Lisieux a perdu en grande partie sa physionomie du moyen âge.
Nous avons été assez heureux, cependant, pour rencontrer dans la rue de la Boucherie, une maison de la fin du quinzième siècle ou du commencement du seizième, à la porte de laquelle un médecin et un apothicaire sont sculptés, chacun à part, sur les montants.
Le médecin, vêtu d'un long manteau, a la tête couverte d'un chapeau et regarde le contenu d'une bouteille qu'il tient d'une main, tandis que l'autre est appuyée sur une escarcelle. Devant lui est un lutrin portant un livre ouvert. L'apothicaire a dans les mains un tamis double. Une sorte de torsade très-peu apparente, qui se trouve au milieu de la partie cylindrique, semble indiquer la place du crin. Ces bas-reliefs sont fort curieux pour le costume et pour l'ameublement. Au-dessous de chacun d'eux se trouve un écu dont les armoiries ont été mutilées. Trois cornets font partie du blason que l'on voit sous l'apothicaire. Aussi la maison s'appelle-t-elle l'hôtel des Trois-Cornets.
Par une coïncidence qui paraîtrait singulière si l'on ne savait qu'au moyen âge et à la renaissance les reproductions identiques étaient fréquentes, il se trouve que le même sujet de médecin avec l'accessoire du lutrin existe à la cathédrale de Rouen, côté gauche du portail du Nord ou des Libraires. C'est le septième médaillon en remontant à la hauteur de la troisième grande niche de sa statue. Non loin du médecin que nous venons de signaler, en figure un autre, mais sous une forme épigrammatique. C'est une oie dont la partie supérieure représente un homme une fiole à la main.
A Sillé-le-Guillaume (Sarthe), sur le pilier d'angle d'une maison bâtie au seizième siècle, vis-à-vis du château, on voit un bas-relief représentant un personnage pilant dans un mortier. Ce personnage et ce pilier sont peints de couleur verte, et au-dessous du relief sont gravés les mots: "Au pilier vert". C'était évidemment la maison d'un apothicaire. A Nantes, on voyait aussi la curieuse enseigne d'un apothicaire à l'angle d'une maison détruite il y a douze ans environ. Elle consistait en un haut-relief en bois, colorié, d'environ un mètre de proportion, représentant un garçon apothicaire, revêtu du costume en usage au temps de Louis XII, et pilant des drogues dans un mortier.
A Argentan, on voyait encore, il y a quelques années, une enseigne d'apothicaire semblable aux précédentes.
Qu'il nous soit aussi permis de citer: "l'Agnus Dei", ancienne auberge de Caen, rue de Bayeux, qui a conservé son enseigne de pierre: "l'Agneau Pascal"; dans la rue de la Cloche, au n° 40, à Douay, un fort demi-relief; très explicitement expliqué par cette suscription: "A la Cloche"; "le Chapeau rouge" en face du grand portail de l'église de Neufchâtel (Seine-Inférieure) : c'est un chapeau de cardinal, demi-relief en pierre; et à Valenciennes, un bas-relief en pierre représentant une ville avec ses clochers gothiques en pyramides, dit "la Ville de Rome", où cependant on n'a jamais vu de semblables monuments; enfin "le Cheval volant", enseigne de l'époque de Louis XV.
Nous terminerons en notant que Lille et Lyon, surtout, possède encore un grand nombre d'enseignes des dix-septièmes et dix-huitièmes siècles.
Le magasin pittoresque, mars 1851.
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