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samedi 11 septembre 2021

 Pour comprendre la langue verte.


Azor. (Appeler).- Siffler un acteur sans plus de façon qu'un chien. "Dites donc, madame Saint-Phar, il me semble qu'on appelle Azor." (Canaihac)

Bachotter.- Escroquer au jeu de billard.

Bachotteur.- Filou chargé du rôle de compère dans une partie de billard à quatre.

Badouille.- Mari qui se laisse mener par sa femme. (J. Choux)

Bagatelle de la porte.- Parade destinée à faire entrer le public dans une baraque de saltimbanque.

Bain de pieds (prendre son).- Etre déporté à Cayenne.

Balancer son chiffon rouge.- Parler. Mot à mot: remuer la langue

Balancer sa canne.- Voler, se mettre à voler. Mot à mot: rompre son ban.

Bande (coller sous).- Acculé dans une situation difficile. Terme de billard. "Oui, nous voilà collés sous bande. Ah! nous nous somme bien blousés." (L. de Neuville)

Baquet de science.- Baquet de cordonnier. "Elle a été débarbouillée dans le baquet de science où trempent le cuir et la poix." (H. Lierre)

Barbe (Prendre la, Avoir son extrait de).- S'énivrer. "L'un d'entre eux, qui avait déjà son extrait de barbe, chancelle." (Moissand, 1841) - Signifie également, dans une acceptation d'origine récente: Quel ennui! "Assez discuté sur ce sujet, la barbe!"

                                                                                                           (A suivre)

Mon Dimanche, revue populaire illustrée, 11 juin 1905.

Ceux dont on parle.

 Le roi de l'Acier.


M. Carnegie, roi de l'Acier, est, après M. Rockfeller, l'homme le plus riche du monde. Sa fortune est évaluée à 1 milliard et quart, c'est à dire que, s'il la réalisait pour la partager avec tous les habitants de Paris, chacun d'eux pourrait recevoir 500 francs. Placée en rentes 3% sur l'Etat français, cette fortune produirait un intérêt annuel de 37 millions et demi. Comme il est à croire que les usines de M. Carnegie lui procurent des dividendes deux à trois fois plus considérables, il n'y a pas d'exagération à dire que, pour employer intégralement ses revenus, le "roi de l'Acier" doit dépenser 250 000 francs par jour.




Je ne sais pas s'il y parvient, mais ses proches et ses domestiques l'y aident de leur mieux. Lui-même a fait à maintes reprises de magnifiques cadeaux, représentant ses revenus d'une semaine ou deux, aux Universités et Bibliothèques de l'Amérique et de l'Ecosse, son pays natal.
Il méprise autant les richesses qu'il estime le travail, et répète souvent qu'on ne trouve réuni nulle part autant de courage, de dévouement et d'affection que dans un humble ménage d'ouvriers.
Aussi n'a-t-il pas trouvé mauvais que sa nièce épousât un cocher: "Herver n'est pas riche, mais il est sobre et honnête. Les époux ont fait un mariage d'amour; ils seront heureux." C'est égal, nos jeunes descendants de croisés ont manqué là une belle occasion de payer leurs dettes. Espérons qu'il se rattraperont avec la fille de Carnegie, qui est, paraît-il, une charmante héritière.
Les parents de Carnegie ne possédaient que de modestes ressources, ils se décidèrent à chercher fortune en Amérique. Là, le jeune Carnegie fut successivement apprenti dans une manufacture de coton, où il recevait 6 fr.25 par semaine, conducteur de machines dans une fabrique de bobines, petit télégraphiste à Pittsburg, puis opérateur au télégraphe. Les appointements étaient de 125 francs par mois: il avait alors quinze ans. (Il est né en1837).
Son activité le fit bientôt remarquer par le directeur de chemin de fer de Pensylvanie, qui lui offrit cinquante francs de plus pour entrer au service de la compagnie. Alors qu'il n'était encore qu'employé, Carnegie donna une preuve d'initiative et de présence d'esprit qui mérite d'être contée.
Un matin, un accident retarda un train express, pour le passage duquel plusieurs trains de marchandises était garés. Justement le directeur n'était pas arrivé à son bureau (il n'y a pas qu'en France que les chefs de bureau se mettent en retard). Carnegie prit sur lui de faire passer les trains de marchandises avant le train express, et expédia en conséquence des ordres télégraphiques signés du nom de son patron.
Quand celui-ci arriva et apprit la chose, il regarda fixement le "petit diable écossais", comme il appelait Carnegie, et ne prononça pas une parole; mais Carnegie ne tarda pas à devenir son bras droit. Sa situation était faite. La fortune lui vint grâce à son habileté à deviner les entreprises d'avenir, et à son audace à y participer; il acheta ses premières actions sans avoir un sou en poche, avec des sommes empruntées d'abord sur le petit bien de ses parents, puis à un banquier de la ville.
M. Carnegie quitta la direction du chemin de fer de Pittsburg pour se consacrer à la fabrication des ponts de fer qui commençaient à remplacer les ponts de bois. C'est l'industrie qui a couronné sa carrière; il est devenu milliardaire "par le le fer et par... l'acier".

                                                                                                                            Jean-Louis


Pour devenir milliardaire.

Un ex-ami de M. Carnegie, pauvre diable que le milliardaire avait connu alors qu'il était lui-même "sans le sou", écrivit un jour au roi de l'Acier pour lui demander quelques subsides.
Carnegie lui répondit: "Vous me demandez un secours, je fais mieux; je vous donne gratuitement le moyen de devenir milliardaire comme moi. Voici ma recette:

1.- Naître sans le sou.
2.- Remplir strictement ses engagements.
3.- Ne rien faire à la hâte et sans soin.
4.- Ne pas faire faire par d'autres ce que l'on peut faire soi-même.
5.- Ranger toutes choses à sa place.
6.- Accomplir tout ce qui doit être accompli si les circonstances permettent de la faire.
7.- Agir promptement et avec décision vis-à-vis de ses clients.
8.- Préférer le comptant au crédit, et les petits bénéfices en risquant peu, aux gains plus considérables mais plus hasardeux.
9.- S'expliquer clairement dans tous ses marchés.
10.- Ne pas se fier à sa mémoire et noter par écrit tous les faits importants.
11.- Garder copie de toutes les lettres envoyées, conserver toutes celles reçues et les classer.
12.- Avoir soin que son bureau ne soit jamais encombré de papiers de toutes espèces.
13.- Garder toujours le gouvernement de ses affaires; car si on l'abandonne, on ne le retrouvera pas.
14.- Ne pas se fier à celui dont le crédit est suspect.
15.- Examiner constamment ses livres.
16.- Faire régulièrement sa balance et transmettre ses comptes courants à ses clients.
17.- Eviter autant que possible toute transaction en matière d'argent et les procès, dès qu'ils sont un peu risqués.
18.- Economiser et toujours dépenser moins que son revenu.
19.- Avoir sans sa poche un carnet pour noter les rendez-vous, les adresses et les menues dépenses journalières.
20.- Se montrer généreux chaque fois que l'humanité l'exige.

Mon Dimanche, revue populaire illustrée, 11 juin 1905.

jeudi 9 septembre 2021

 Dans le grand monde et le petit.




- Pourquoi donc, cher papa, tousses-tu si fort quand il y a du monde au salon?
- Ma fille, c'est pour te marier plus facilement, il faut donner des espérances
 aux jeunes gens!



Le marquis de Vieille Souche tombé dans la plus noire des purées:
- Tiens! mon ancien chapelier!



- Parce qu'il a bu quelques demi-septiers, il a du coton dans les jambes,
et ça nous a promis aide et protection devant le maire et le curé!


Mon Dimanche, revue populaire illustrée, 11 juin 1905.

mercredi 8 septembre 2021

 Derrière les grilles du cloître.


Les romanciers ont contribué à répandre l'opinion que les monastères  ne sont autre chose que des retraites pour des personnes que la vie a durement malmenées et qui, désabusées des joies de ce monde, espèrent trouver l'oubli dans la solitude.
En réalité, ce n'est que très exceptionnellement que les mondains vont demander le calme à la claustration monacale: il faut une vocation réelle en raison même de la sévérité de la règle qu'il faut suivre immuablement, comme un cadavre, disent les livres saints;

Un examen sévère. cruelles épreuves.

Au reste, les ordres ne confèrent le "capuchon" symbolique de novice qu'après un examen des plus rigoureux. Tout d'abord le candidat doit subir devant le Provincial, chef de l'ordre dans lequel il désire entrer, un long interrogatoire, fouillant l'âme, pour prouver l'entière sincérité de sa vocation. Si ses réponses sont satisfaisantes, il est admis comme postulant, et pendant de longs mois il est astreint aux travaux domestiques de la maison, sans cesser d'être sous la surveillance d'un Frère de la communauté, qui signalerait la moindre indécision dans le caractère du candidat.
S'il est, après ces épreuves, reconnu prêt à tous les sacrifices, on lui confère le capuchon, et il devient novice. Mais il n'est point au bout de ses peines. C'est alors au contraire que commencent à être essayées la souplesse de son caractère et la passivité de son obéissance, par une série de petites épreuves que le père gardien varie à sa fantaisie.
Le novice a-t-il balayé des appartements, épousseté des meubles, lavé du linge avec le plus grand soin? Sous le moindre prétexte, il est accusé de malpropreté et condamné à recommencer un ouvrage répugnant. A-t-il un mouvement de révolte? il subira une dure pénitence. Et s'il résiste ouvertement, il sera chassé.
Parfois même le novice peut être soudainement appelé, au milieu de la nuit, à accomplir quelque besogne fantastique; et pas un murmure ne doit sortir de ses lèvres, pas plus qu'il ne doit chercher à connaître le motif d'un ordre qui lui est donné, sans quoi il démontrerait irréfutablement qu'il n'est pas mûr pour la dure vie monastique.
A la fin du noviciat, qui dure généralement un an et un jour, le frère renouvelle ses vœux de pauvreté, de chasteté et d'obéissance, et il est enfin admis comme membre de l'ordre. A ce moment, au contraire, si ses idées se sont modifiées, il peut renoncer à la vie monastique.
Mais il est rare que ces défaillances se produisent. Pendant l'année du noviciat, le corps et l'esprit se sont habitués à cette existence si bien réglée qu'elle ne laisse pas de place aux surprises et tue toute émotion personnelle.
Toutefois la vie au cloître ne manque pas de variété, malgré sa routine inflexible. Voici, par exemple, la journée d'un Franciscain.

Une journée bien remplie.

A cinq heure et demie, le "frère portier" frappe à la porte de la cellule en disant Benedicamus Dominum (Bénissons le seigneur); le frère doit répondre: Deo gratias, et se lever. 



A cinq heures et demie, le frère portier frappe à la porte
de la cellule en disant: "Benedicamus Dominum".
Le novice doit immédiatement quitter sa couchette.


En quelques minutes, il a revêtu sa robe et gagné la chapelle où on chante des psaumes en chœur. S'il arrivait en retard au service, il risquerait d'être condamné à rester agenouillé au milieu du chœur, les bras étendus. Deux par deux, les frères entrent dans la chapelle, se saluant réciproquement, et vont se placer à droite et à gauche, sur leurs bancs coutumiers.
Le chant des psaumes est suivi d'une heure de méditation, puis de la messe.



Un moine en méditation, les bras levés vers le ciel.


A sept heures et demi, le déjeuner est servi, composé d'un bol de café et de pain sec. Ce repas est pris debout et dans le silence le plus absolu.
Après déjeuner, les frères vont à leur besogne déterminée: les uns s'occupent du jardinage, les autres de cuisine ou de travaux de ménage, nul n'est jamais oisif.
A onze heures et quart a lieu le second service à la chapelle, suivi à onze heures et demie du dîner qui consiste en une soupe, un plat de viande et un fromage.
Après dîner, une heure et demie de récréation. Les frères jouent comme des écoliers pleins de gaieté, et à des sports tout aussi enfantins.
Cette récréation est suivie d'une demi-heure de sieste dans les cellules, puis d'un troisième service qui dure jusqu'à trois heures, et le travail ordinaire est repris, coupé à quatre heures et demie par la collation, composée de pain et d'une tasse de thé.
A six heures et demie, méditation d'une demi-heure à la chapelle, puis un dîner substantiel, de la viande, du poisson  ou des œufs, de la bière brassée au monastère.
Pendant les repas, des lectures sont faites à haute voix dans le réfectoire.
Puis jusqu'à neuf heures un quart, les moines sont de nouveau en récréation. A ce moment ils sont parfois admis à la bibliothèque, où ils peuvent lire des journaux, car ils ne sont pas rigoureusement tenus dans l'ignorance des choses du monde extérieur. Cependant c'est la plupart du temps par l'intermédiaire du frère gardien qu'ils sont informés des événements importants.
A neuf heures un quart, la cloche sonne le "grand silence". Dès lors plus un mot ne doit être prononcé jusqu'après la méditation du matin suivant. Les frères se retirent dans leur cellule, d'où ils seront obligés de sortir à une heure et demie du matin pour aller à la chapelle chanter mâtines pendant une heure.
Somme toute, ce genre de vie demande quelque endurance et physique et morale. Et il est peu probable que les gens du monde, écœurés de leur existence de convention, soient capables de supporter longtemps la monotonie de cette règle inflexible.
Il convient d'ajouter que les frères, ayant fait vœu de pauvreté, n'ont jamais d'argent à leur disposition. Quand les ressources de la communauté baissent, un frère va quêter chez les riches du voisinage, et très rarement l'aide lui est refusée pour reconstituer les provisions des moines.



Un moine revenant de la quête dans le village.


Chez les capucins, quand il n'y a plus de pain dans la huche, on sonne une cloche spéciale qui avertit les fidèles que le couvent n'a plus rien à boire ni à manger.
Le capucin ne possède rien, même pas la robe de bure qu'il a sur lui. Elle appartient à la communauté qui la reprend à sa mort et la donne à un autre frère. Souvent un capucin porte pendant vingt ans la même robe qui n'est plus composée que de pièces et de morceaux. On en cite un dont la robe était faite de plus de cinquante pièces différentes.

Mon Dimanche, revue populaire illustrée, 11 juin 1905.

 Combien coûterait un voyage à la lune?


Un Américain, qui doit avoir beaucoup de temps de reste, a calculé le prix d'un billet de chemin de fer, en troisième classe, de la terre à la lune. D'après les tarifs des chemins de fer américains, ce ticket reviendrait à 930 000 dollars, ou 4 650 000 francs.
En prenant pour base les tarifs allemands, il coûterait cinq millions de marks, soit 6 250 000 francs.
A raison de 60 kilomètres à l'heure, le voyage durerait 2 500 000 heures, ce qui représente 104116 jours, ou 285 ans. Voilà un petit tarif que n'avait pas prévu Cyrano de Bergerac.

Mon Dimanche, revue populaire illustrée, 11 juin 1905.