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jeudi 27 novembre 2014

Le clergé grec.

Le clergé grec.

On sait que les Grecs suivent la foi chrétienne sans admettre la prééminence du successeur de Saint-Pierre. Toléré, avoué même par les capitulations des empereurs musulmans, qui révèrent Jésus sous le nom d'Issa, comme le prophète qui doit un jour procéder au jugement universel, leur culte fleurirait peut-être encore, si les ministres (les papas), pour la plupart ignorans et grossiers, ne se déshonoraient journellement par une conduite constamment en opposition avec les principes qu'ils prêchent publiquement.
Les ministres de la religion grecque peuvent être divisés en réguliers et en séculiers; les patriarches, les évêques tirés de la classe des caloyers ou religieux cloîtrés, sont voués au célibat. C'est dans cet ordre que l'on trouve aujourd'hui les seuls hommes un peu instruits dans les matières théologiques. 
Ces caloyers, destinés à être un jour patriarches ou évêques, font ordinairement leurs premières études dans les monastères du mont Athos . La plupart d'entr'eux appartiennent aux familles les plus distinguées de la Grèce.
Ils apprennent dans ces monastères, et surtout dans celui de Pathmos, à connaître les Pères de l'Eglise; ils pourraient même y lire Bossuet et les meilleurs théologiens français, dont ils possèdent des traductions; mais avec leur esprit subtil, les caloyers du mont Athos hérissent de distinctions et de chicanes les articles les moins contestables de la croyance des chrétiens. Il semble qu'ils aient reporté les sophismes de l'école, les querelles de la dialectique dans la patrie d'Aristote.
Si l'on trouve encore quelques monastères d'hommes en Morée, il n'existe plus dans cette région qu'un petit nombre de couvens de religieuses. Ils occupaient autrefois les sites les plus rians de la province; mais les Albanais, dans les dernières guerres, les incendièrent après avoir égorgé ou vendu celles qui les habitaient. Quelques uns de ces couvens se relevèrent depuis; on y vit accourir des femmes malheureuses douées d'une imagination ardente, que le besoin d'aimer portait à se jeter dans les retraites consolantes de la religion. Peu de jeunes femmes, encore moins de jeunes filles, peuplent ces demeures silencieuses.
Les évêques ont la surveillance de tous les couvens de leur diocèse. Ils rappellent, par la simplicité de leurs mœurs et par celle de leur demeure, les évêques de la primitive Eglise. Le luxe ne les environne que dans les cérémonies du culte. On les voit bien souvent, voyager, au milieu de leur diocèse, à pied, ou quelquefois montés sur un âne, portant le bâton pastoral, symbole de la douceur de leur fonction et de la puissance qui leur est accordée. Occupés non-seulement de consoler le peuple, mais encore de le protéger par tous les moyens qui sont en eux, ils interviennent comme médiateurs dans les discussions. Par l'influence de leur rang, indépendamment des moyens de persuasion que leur donne une éducation soignée, ils concilient journellement, les intérêts les plus opposés; mais dès qu'il s'élève, pour la démarcation de leur diocèse, quelques contestations avec les évêques voisins, l'homme se montra alors; ils sortent de ce caractère paisible qui leur attirait le respect, oublient leur dignité, et se livrent aux éclats les plus scandaleux.
Une des fonctions les plus pénibles que les évêques aient à remplir dans la Grèce, c'est de maintenir l'ordre et la discipline parmi le clergé inférieur, parmi ces papas ignorans et fanatiques dont le plus grand nombre déshonore leurs ministères par des mœurs peu régulières.
Ces ministres, ou espèce de curés, qui communiquent intimement avec les fidèles, sont ou mariés ou célibataires. Le papa qui a contracté mariage avant l'ordination, peut continuer de vivre avec sa femme. Il résulte de cette loi, que la plupart de ceux qui se destinent à l'état ecclésiastique, se marient avant d'entrer dans les ordres; ils choisissent en conséquence, autant que possible, une femme robuste, qui promette une longue suite d'années, car si elle vient à mourir, ils ne peuvent contracter d'autres liens.
Ces papas, par leur saleté et leur grossièreté, sont vraiment un objet dégoûtant; ils ne sortent jamais sans avoir leur étole dans la poche, pour faire quelque acte de leur ministère, chose dont on les requiert assez fréquemment. Presque tous ceux que j'ai connus, dit un voyageur français étaient fourbes, avides, méchans, adonnés au vice, à la rapine, et ils détestaient tous les chrétiens étrangers à leur communion, dont ils ne parlaient qu'avec dédain, ou en faisant des imprécations. Aussi ce rebut de la société, ces vils papas, ne tiennent-ils pas tellement à leur état, qu'ils ne le quittent au gré de leur intérêt; j'en ai vu d'assez bas pour se faire  domestiques, ou pour danser dans les lieux publics. D'autres, aussi dégradés, mais plus coupables, ne rougissent pas de mêler aux bandes de brigands qui infestent la Romélie, ou qui se mettent à la tête des expéditions maritimes des forbans du cap Ténare et de l'Epire. Aussi, rarement prenait-on une barque de pirates ou une bande de brigands sans y trouver un aumônier que les Turcs avaient grand soin de faire empaler en tête des voleurs, auxquels ils ne faisaient jamais grâce.
La spéculation des brigands et des papas est toute naturelle, d'après l'idée que ces misérables se font de la religion, dont ils profanent les cérémonies les plus saintes. Ils vendent l'absolution des crimes aux hommes parmi lesquels ils se trouvent, sauf à eux à se pourvoir auprès d'autres papas, qu'ils trouvent toujours accessibles pour de l'argent.

Magasin universel, 1834.

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