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mardi 4 novembre 2014

Une enquête sous Louis XIV.

Une enquête sous Louis XIV.

Louis XIV avait eu, en 1682, un petit-fils auquel il avait été donné le nom de duc de Bourgogne. Cet enfant avait été entouré des soins les plus touchants, et le roi lui avait cherché des précepteurs capable d'en faire l'homme le plus vertueux, le prince le plus dévoué à son peuple. 
C'est pour lui que Fénelon écrivit son Télémaque, rêve d'un homme de bien. Les précepteurs du jeune duc de Bourgogne demandèrent que l'on fit une enquête sur la situation du pays, afin que leur élève, bien renseigné, pût porter un remède aux abus qu'on savait être considérables.
Le roi (qui s'offensait cependant des conseils de réforme de Fénelon, comme plus tard de ceux de Vauban) consentit aux désirs des précepteurs du duc de Bourgogne, et chargea les intendants des provinces du royaume, maîtres des requêtes du conseil, de vérifier ce qui se faisait. Il leur remit un travail intitulé: Mémoire que Sa Majesté a ordonné être envoyé à messieurs les maîtres de requête, départis dans les provinces.
La première partie concerne les gouverneurs des provinces et les lieutenants généraux du roi.
"Quoyque Sa Majesté connoisse tous les talents des gouverneurs et lieutenants généraux des provinces, Elle veut néanmoins, pour rendre les mémoires parfaits, que les dits commissaires commencent par les noms des gouverneurs généraux, leurs maisons et alliances dans ces provinces, s'ils y font résidence actuelle;
"Leur bonne ou mauvaise conduite;
"S'ils sont accusés de prendre de l'argent, ou de vexer les peuples par quelque autre voye;
"Si les accusations sont véritables; quel crédit ils ont parmy la noblesse et les peuples;
"Et comme la principale et la plus importante application que Sa Majesté veut que les gouverneurs de province ayent, est d'appuyer fortement la justice et d'empêcher l'oppression des faibles par la violence des puissants. Sa Majesté veut être particulièrement informée de la conduite passée de ces gouverneurs, pour juger ce qu'Elle en doit ou peut attendre à l'avenir;
"Au cas qu'il se soit passé quelques actions violentes d'éclat, dans chaque province, Sa Majesté sera bien aise d'être informée du détail, ensemble de quelle sorte les gouverneurs se seront conduits."
Le mémoire traite ensuite des nobles:
"S'ils commettent des violences sur les habitants de leurs terres, et au cas qu'il y en ait commis quelques unes de considérables qui n'aient point été punies, Sa Majesté sera bien aise d'en savoir le détail; s'ils favorisent ou empêchent les procédures de sa justice royale; des bailliages ou présidiaux."
Le mémoire passe des nobles aux gens de justice et demande pour ces derniers:
"S'il y a de la corruption ou non, les causes et les personnes qui en sont le plus soupçonnées;
"S'il s'est rendu quelque injustice manifeste, qui ait fait quelque bruit dans la province, et qui ait tourné à l'oppression du faible par la faveur de quelque ami, parent, ou quelques autres considérations aussi vicieuses, Sa Majesté désire en être informée;
"Comme aussi sur la longueur des procès et excès des épices, tant des compagnies souveraines que subalternes, étant important de savoir fort en détail ce qui concerne ces deux points, qui sont d'une grande charge aux sujets de Sa Majesté.
"Comme ces grandes compagnies sont établies par le Roy pour administrer la justice, et que leur principal objet doit toujours être de se servir de l'autorité qui leur est commise pour protéger les faibles contre les puissants, il doit s'informer si dans toutes les occasions de violence, comme meurtres, assassinats et mauvais traitements commis par les gentils-hommes et principaux des provinces, ils ont soutenu fortement la même autorité, et s'ils se sont portés sans crainte à faire les procédures, et justice, et sévère, contre les coupables, comme ils y sont obligés.
"Sa Majesté ayant aussi souvent reçu quelques plaintes que les officiers des compagnies souveraines se faisoient vendre par force les biens et fonds de terre qui les accommodent, sa dite Majesté sera bien aise d'être informée des lieux où cela se pratique."
Le mémoire s'occupe ensuite des gens de finance, et veut que l'on révèle, en ce qui les concerne, les faits de corruption, de concussion, de vexation et autres.
Un des passages les plus curieux de cette enquête est celui qui se rapporte aux faux-monnayeurs.
"Le Roy recevant en toutes les occasions diverses plaintes du préjudice et de la perte que souffrent les peuples pour les expositions de la fausse monnoye qui se fabrique, à ce qu'on dit, presque dans toutes les provinces de son royaume, et particulièrement dans les maritimes et les plus éloignées de sa cour. Sa Majesté désire que les dits maîtres des requêtes s'appliquent soigneusement à arrêter le cours de ce désordre sans qu'il soit besoin de le leur exagérer, à quoi ils auront d'autant moins de peine que les personnes qui s'en mêlent sont presque toujours connus publiquement dans chaque province, le Roy voulant que quand ils auront découvert le mal et l'auront pénétré jusqu'à la source, ils donnent tout leurs soins et emploient l'autorité qui leur est commise pour la punition des coupables, et, en cas qu'ils estiment que les seules forces qui sont dans les provinces ne soient pas suffisantes pour cela, sur l'avis qu'ils en donneront à Sa Majesté, il y sera pourvu promptement." (1)

(1) F. Malapert, De l'enseignement de l'Histoire de France.

Le magasin pittoresque, septembre 1876.

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