Le parc Mousseaux.
On donne à ce parc différents noms: Mousseaux, Mouceaux et Monceaux; mais les documents les plus anciens s'accordent à nommer Mousseaux le village sur le territoire duquel il a été créé et dont il doit avoir tiré son nom. Aujourd'hui pourtant, on le nomme plus communément Monceaux, du nom officiellement donné au quartier qui l'avoisine et à la ville de Batignolles-Monceaux qui lui fait face.
Ce parc, planté en 1778 par Philippe d'Orléans (père de Louis-Philippe), à ce moment duc de Chartres, ne fut compris dans l'enceinte de la capitale qu'en 1786, lorsque Louis XVI, sur les propositions des fermiers généraux, y fit entrer les faubourgs, et éleva, bien malgré eux, le mur de clôture actuel, à propos duquel circula ce vers si connu:
Le mur, murant Paris, rend Paris murmurant.
Mais, afin que ce mur ne nuisît pas trop au parc du duc de Chartres, et ne le privât pas de la vue des campagnes environnantes, on le bâtit au fond d'un vaste fossé, ainsi qu'on le voit encore à cette heure.
Le dessin du parc Mousseaux et de toutes ses constructions est l'oeuvre de Carmontelle, à l'imagination duquel le duc Philippe donna toute latitude en lui permettant toutes dépenses. Rien ne fut épargné pour en faire un lieu de plaisance remarquable; les sommes énormes qu'il coûta lui valurent pendant quelque temps le surnom de "Folies de Chartres". L'emplacement sur lequel il fut établi était une vaste plaine plate et aride, et l'on comprend quels travaux considérables il fallut exécuter pour lui donner les pittoresques mouvement de terrain qui en soit l'un de ses principaux attraits.
Si magnifique qu'il soit encore, il a bien déchu depuis sa création. On y voyait tout ce que l'imagination peut enfanter de merveilleux: des ruines grecques et gothiques, des statues, des tombeaux, des temples, des pagodes, des obélisques, des kiosques, des grottes, des rochers; un château fort démantelé avec ponts et créneaux; une sorte de petite rivière avec son île; un moulin à vent hollandais avec l'habitation rustique du meunier; une pompe à feu; des vignes à l'italienne, avec des poteaux de sept pieds de hauteur plantés en quinconce et leur servant d'échalas; des cascades, des jets d'eaux, des fontaines; et mille jeux, jeux de bague, jeux de paume, balançoires, etc. ; le tout disséminé ça et là au milieu de gazons et de bouquets d'arbres indigènes et exotiques de toute beauté.
Le jardin d'hiver était féerique.
Le jardin d'hiver était féerique.
En voici la description telle que nous la trouvons dans un écrit du temps:
"C'est une vaste galerie couverte. Sa porte d'entrée est cintrée et décorée de deux immenses cariatides qui soutenaient en entablement dorique. Derrière les arbres placés près de cette porte, une statue de Faune tenant deux torches éclaire l'entrée d'une grotte formant cabinet à l'anglaise. L'eau tombe en cascade sur les rochers qui sont auprès. Parmi les arbustes groupés sur ces rocs sont des raquettes et des coraux factices dont les tubes creusés servent à placer des bougies le soir. Sur un mur du fond, derrière les arbustes, sont peints, avec un grand fini et une grande vérité, des marronniers d'Inde chargés de fleurs. Le plafond, aussi peint, représente ces même marronniers entre-croisant leurs branches. A ces branches simulées sont suspendues, une multitude de lampes en cristal d'où la lumière s'échappe à flots chaque nuit. Vers le milieu de la galerie se trouve une grotte extrêmement profonde; une espèce d'antre formé par des rochers saillants y sert de cheminée". L'abbé Delille, dans son poëme, en parlant des jardins où l'art sait faire régner le printemps même aux jours les plus rigoureux de l'hiver, cite ce parc comme un modèle:
J'en atteste, ô Monceaux, tes jardins toujours verts!
Le parc de Mousseaux est encore aujourd'hui un délicieux jardin anglais. La plupart des fabriques dont il était décoré ont disparu; mais il a conservé ses sites romantiques, son ruisseau, ses gazons et ses beaux arbres.
Quelques-unes de ses principales constructions sont encore debout, sa naumachie entre autres, formée par un vaste bassin ovale entouré en partie d'une magnifique colonnade corinthienne, et un pavillon gothique couronnant le sommet d'un coteau d'où l'on domine une grande étendue du pays qui n'a de bornes que l'horizon: de là on découvre Montmartre, Belleville, l'Observatoire, Vanves, Issy, Meudon, Bellevue, Sèvres, Saint-Cloud, le mont Valérien, etc.
Le 16 floréal an II (mai 1794) , la Convention, qui avait ordonné la vente des biens dits nationaux, décréta que ce parc ne serait pas vendu, mais entretenu pour être affecté à divers établissements. Il fut alors exploité comme jardin public, à la façon de Tivoli, Beaujon, Marbeuf, etc. On y dansa pendant dix ans; son éloignement le fit ensuite déserter de la jeunesse qui se plait aux fêtes, et il tomba dans l'abandon. A son avènement au trône, Napoléon le donna à l'archichancelier Cambacérés. Mais celui-ci, après une possession de quatre ou cinq ans, trouvant que l'agrément de cette propriété ne compensait pas la dépense qu'elle nécessitait en entretien, le rendit à l'empereur, qui la réunit alors à son domaine particulier, où elle demeura jusqu'en 1814. A cette époque, Louis XVIII la restitua à la famille d'Orléans, qui y fit exécuter de grands travaux de réparation et de modification.
Marie-Antoinette, la veille de la fuite à Varennes, se promenant sur le boulevard extérieur avec le dauphin, y entra et y cueillit un énorme bouquet de roses, fleurs dont ce jardin possédait la collection la plus nombreuse et la plus rare qui fût alors. Après la révolution de 1848, l'état-major des ateliers nationaux y fut installé, et l'on vit un moment ce parc encombré d'instruments de travail, de brouettes, pelles et pioches.
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