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jeudi 27 novembre 2014

Les croisades.

Les croisades.


Les croisades ont exercé une influence très remarquable non-seulement sur le moral des nations chrétiennes, sur le gouvernement ecclésiastique et civil, mais sur le commerce et l'industrie. Elles ont, non pas déterminé, mais hâté la grande révolution qui s'est faite dans l'état de l'Europe.
Les guerres sacrées donnèrent plus d'étendue et d'activité au commerce que faisaient avec le levant plusieurs ports de mer de l'Italie et de la France. Marseille obtint des rois de Jérusalem l'exemption de tous impôts, de tous péages, et dans chaque ville maritime, un quartier où les Français eurent leurs libertés, leurs lois et leurs magistrats. Les Marseillais donnèrent à leur marine un tel accroissement, que, dans l'année 1190, ils purent transporter à la Terre-Sainte, toute l'armée anglaise de Richard Cœur-de-Lion.
Les croisades développèrent les ressources de l'industrie. Il est hors de doute que l'Asie et l'Europe trouvèrent de nouveaux débouchés; que l'augmentation de travail accrut l'aisance générale, le bien être de la vie privée, et contribua à l'adoucissement des mœurs. Mais à cet égard nous avons peu de renseignemens précis, et à peine pouvons nous recueillir dans les historiens, quelques particularités. La fabrication des étoffes de soie passa de la Grèce en Sicile et de là en Italie. L'usage du lichen rocella (orseille) , du safran, de l'indigo et de l'alun, substances précieuses pour la teinture, s'introduisit ou devint plus commun. Tyr possédait des verreries fameuses qui servirent de modèles à celles de Venise. On apprit des Arabes à mieux travailler les métaux, à fixer l'émail sur leur surface, à monter des pierreries avec plus de goût et peut être à polir le diamant. On voit par ces légers détails que les croisades multiplièrent surtout les manufactures de luxe. Aux XIIe et XIIIe siècles, la magnificence orientale brilla sur les vêtemens, dans les armures et dans les équipages.
Sous le rapport scientifique et littéraire, les croisades n'ont produit que de faibles avantages. Les rudes guerriers de l'occident n'étaient point capables d'une noble culture. Ils allaient en Orient pour conquérir et non pour s'éclairer. C'est en vain qu'ils firent un long séjour dans l'empire grec où le génie de l'antiquité jetait encore quelques étincelles. Les préjugés nationaux, la différence de langue et de religion mirent des obstacles insurmontables à la communication des idées.
La quatrième croisade (celle qui se termina par la prise de Constantinople) , causa aux lettres et aux arts un irrémédiable dommage. L'incendie de cette ville anéantit un grand nombre d'ouvrages précieux, de marbres, de bronzes animés, par la main de Lysippe, de Phidias, de Praxitèle.
Comme l'observation de la nature était tout à fait négligée, les sciences naturelles ne firent aucun progrès ou s'égarèrent. Les mathématiques ne furent pas moins négligées. Les croisés parcoururent, il est vrai, des pays peu fréquentés; des voyageurs pénétrèrent dans des régions jusqu'alors ignorées de l'Europe moderne; mais faute de connaissance en géométrie et en astronomie, ils n'eurent que des idées confuses et inexactes sur les limites de ces diverses contrées, sur la vraie situation des lieux, sur le gisement des côtes, et ils accréditèrent un grand nombre d'erreurs géographiques.
L'agriculture et le jardinage d'Europe s'enrichirent de plusieurs végétaux utiles ou d'agrément; la canne à sucre fut transportée de Syrie en Sicile, et déjà portée à Madère d'où elle passa plus tard dans le Nouveau Monde.
La navigation et l'architecture navale reçurent quelques perfectionnemens. On donna de meilleures proportions aux diverses parties du navire. Au lieu d'un seul mât, on en dressa plusieurs; on appris à mieux disposer les voiles et à faire route avec un vent presque contraire.
L'architecture civile prit une face nouvelle. Parmi les croisés, il y avait des architectes, des charpentiers, des ouvriers de toute espèce, qui, de retour dans leur patrie, imitèrent l'architecture syrienne, arabesque ou sarrasine, à laquelle on a donné sans raison le nom de gothique.
Les croisades inspirèrent les historiens et les poètes. Auparavant, on n'avait que des chroniqueurs; les moines compilaient des annales froides et indigestes. Les expéditions saintes éveillèrent le talent, par la nouveauté, la grandeur et l'intérêt des sujets; elles furent décrites, tantôt avec énergie tantôt avec une aimable naïveté. Les sires de Ville-Hardouin, et de Joinville donnèrent leurs relations en français vulgaire. C'était pour la première fois que l'histoire moderne parlait aux peuples dans leur langue; elle avait à raconter des faits populaires, dont on s'entretenait dans les cabanes, aussi bien que dans les cloîtres et dans les palais.
Les troupes ou plutôt les masses indisciplinées que nos rois conduisirent en Terre Sainte, ne se composaient que d'hommes sans instruction militaire, marchant avec confusion et combattant sans ordre comme sans tactique. Lorsque la première de ces expéditions, se mit en marche, elle était divisée en trois corps principaux, et en deux corps de réserve. La formation définitive du premier, eut lieu en Souabe: il était de cent mille hommes, dont douze mille de cavalerie; le second, organisé en Provence, se trouvait sous les ordres de Godefroy de Bouillon, et se composait de quatre-vingt mille hommes dont dix mille de cavalerie; le troisième comptait seulement trente mille hommes. La force des deux corps de réserve, consistait en deux cent cinquante mille fantassins et cavaliers. Ainsi le total de cette armée, dont l'Europe attendait des prodiges, comprenait un effectif de quatre cent soixante mille combattants. Mais cette force, mal dirigée, sans vivres et mal administrée, ne pouvait aller loin? Ces formidables colonnes s'acheminèrent lentement vers la Hongrie et la Bulgarie. Une partie de ces troupes ayant commis de graves désordres dans ces deux pays, les habitans se réunirent pour attaquer l'armée sainte, la vainquirent et en firent un grand carnage. Le principal corps commandé par Godefroy de Bouillon, ne connut et ne souffrit aucune injure, et parvint sous les murs de Constantinople; il était composé à cette époque de cent soixante-cinq mille hommes d'infanterie, et de quinze mille de cavalerie. Cette armée aborda aux rives africaines en 1096, mais y éprouva une suite de défaites. Une seconde armée fut envoyée au secours de la première, et mit à la voile en 1099. Elle était composée de Français, d'Allemands et d'Italiens, et comptait environ trois cent mille combattans. Après quelques succès assez brillans, mais sans aucun avantage réel, elle fut en parte détruite.
Louis-le-Jeune partit avec deux-cent mille hommes pour la conquête de la Terre-Sainte, après s'être joint à l'empereur Conrad. Ce fut alors qu'on imagina, pour éviter toute confusion et prévenir les malheurs précédens, de donner une espèce d'uniformité à l'habillement des troupes. Il fut décidé qu'elle porterait une croix d'étoffe sur la poitrine ou sur l'épaule. Chaque nation eut sa couleur particulière. Cette croix était rouge pour les français; noire pour les Allemands; pour les Anglais blanche; pour les Italiens jaune; pour les flamands verte. C'est ce signe qui leur fit donner le nom de Croisés. Les chevaliers étaient armés d'un casque et d'un bouclier, d'une masse d'armes ou d'une lance. Les serfs s'armaient de toute espèce d'instrumens et d'armes tranchantes: ils portaient quelquefois la lance; un casque rond et léger, sans aucune espèce de garniture, défendait leur tête des coups de l'ennemi.
La troisième expédition, si funeste aux armes de Philippe-Auguste, fut entreprise et exécutée en 1190. Richard, roi d'Angleterre et l'empereur Frédéric-Barberousse, se croisèrent avec le roi de France. L'armée expéditionnaire comptait quatre cent cinquante mille combattans, dont cent vingt mille français, quatre-vingt mille anglais, cent cinquante mille allemands, et soixante mille italiens. La quatrième croisade, dont on ne connait pas la force, sortit du golfe de Venise en 1202, sous la conduite de Boniface, marquis de Montfort.
En 1248, Louis IX s'embarqua à Aigues-Mortes, pour aller soumettre les infidèles de la Palestine. Après quelques succès, la fortune l'abandonna; il fut vaincu par les Sarrasins à Charmasac, et conduit, captif, à Massoure. Il acheta sa liberté et revint escorté des faibles débris de son armée, décimée par les combats, les supplices et les prisons.
Nous avons fait connaître, à l'occasion de la mort de Saint-Louis le triste résultat de la seconde expédition, entreprise par ce prince en 1270. Cette croisade fut la dernière. Le nombre des troupes envoyées par Louis IX, dans ces deux voyages d'outre-mer, s'élevait à soixante ou quatre-vingt mille hommes, dont vingt à vingt-cinq mille de cavalerie.

Magasin universel, 1834.

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