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vendredi 28 février 2014

De l'hygiène.


De l'hygiène.

L'hygiène est la science qui nous enseigne à conserver la santé, à prévoir et souvent à enrayer la maladie.
C'est l'hygiène qui règle la vie physique, modère la force, endurcit la faiblesse et réveille l'énergie.
La propreté est une condition essentielle de la santé; les deux principaux agents de la propreté sont les ablutions et les bains.

Ablutions journalières.

Il ne faut pas craindre de se laver à grande eau tous les jours, l'hiver comme l'été. L'air contient une poussière qui s'attache à la peau et l'encrasse; les grandes ablutions la rendent nette et entretiennent la santé.

Douches.

Les douches froides sont excellentes, mais ne doivent être employées que sur l'avis du médecin. A défaut de douches, une grosse éponge bien imprégnée d'eau froide, promenée très rapidement sur tout le corps, le fortifie et l'habitue à l'impression du froid. Inutile d'ajouter qu'on doit s'essuyer de suite.

Bains.

Les bains tièdes ou bains de propreté sont très utiles; on ne doit y rester qu'une demi-heure, trois quarts d'heure. Leur chaleur doit être de 30 à 35 °C. dans le cas de maladie, la température du bain est réglée par le médecin.
Pour prendre des bains adoucissants, on met 3 à 5 litres de son dans un sac en toile lâche, que l'on plonge dans l'eau chaude en le pressant entre les mains; puis on le laisse dans la baignoire.
Pour redonner de l'élasticité à la peau, on peut mettre avant de laisser couler l'eau chaude dans la baignoire, 1 kg de cristaux de soude; après la dissolution des cristaux, on continue de remplir la baignoire.
On peut aussi mettre avant l'eau chaude 2 à 3 kg de sel de cuisine.
Les autres bains médicaux sont ordonnés par le médecin.
Précautions à prendre. On ne doit pas se mettre dans un bain quel qu'il soit pendant le travail de la digestion; il faut attendre trois heures au moins après le dernier repas.
Un bain prédispose les jeunes enfants au sommeil; après leur avoir mis leur premier vêtement, il est bon de les coucher.
En entrant dans le bain, il est bon de rester une ou deux minutes les pieds dans l'eau, pour apprécier le degré de chaleur du bain; puis de se mouiller le creux de l'estomac et de s'y plonger ensuite doucement.
En sortant du bain, on devra s'essuyer fortement avec un linge sec, ou préalablement chauffé; puis on s'enveloppera soit dans un peignoir de laine, soit dans une couverture.
Bains froids. Les bains froids en été sont très hygiéniques, à la condition de se jeter immédiatement dans l'eau et de s'agiter; c'est à dire de marcher ou de nager. (Il est bon aussi de se mouiller préalablement le creux de l'estomac avant de se plonger dans l'eau.)
On doit éviter de se baigner en plein soleil ou pendant un orage.
Un bain de pieds chaud après un bain froid est une excellente chose.
Bains de pieds. En été, il est bon, en procédant à sa toilette, de se laver les pieds tous les jours; on les plonge dans l'eau et on les essuie de suite rapidement.
En hiver, on doit prendre un bain de pieds au moins une fois par semaine.
Bains de pieds pour la santé. On prend souvent un bain de pieds contre le mal de tête; dans ce cas, il ne doit pas durer plus de quinze minutes.
Il n'est pas nécessaire, sous prétexte de faire redescendre le sang, de mettre les pieds dans l'eau bouillante, comme quelques personnes le prétendent, de manière à n'y pouvoir tenir, ce qui est une souffrance inutile; mettez les pieds dans une eau chaude, supportable, et lorsqu'ils seront habitués à la chaleur, vous pourrez y ajouter à mesure de l'eau aussi chaude que vous voudrez.
On peut ajouter à un bain de pieds médicinal 500 grammes de sel de cuisine, ou le même poids de farine de moutarde.
Soins à prendre pour la tête. La tête doit être lavée souvent pour la débarrasser des pellicules qui s'y forment.
On nettoie la tête avec un jaune d’œuf délayé dans un peu d'eau tiède; on y ajoute ensuite de l'eau en suffisante quantité pour y tremper une petite éponge avec laquelle on frotte la tête également partout à la naissance du cuir chevelu.
On lave plus simplement la tête avec de l'eau tiède dans laquelle on fait dissoudre une noix de carbonate de soude dans un litre d'eau; ce lavage a l'avantage de nettoyer non seulement la tête, mais d'assouplir encore la chevelure. On doit, après avoir essuyé la tête, la laisser tout à fait sécher avant de se recoiffer.
Cheveux. Les cheveux doivent être peignés et brossés chaque jour.
Les cheveux ont quelquefois besoin d'être adoucis; on se servira de la pommade suivante:
Pommade pour la chevelure. Moelle de bœuf fondue au bain-marie dans un vase découvert; lorsqu'elle est retirée du feu, l'additionner peu à peu d'un quart d'huile d'amandes douces et du rhum: remuer fortement avec un pilon ou une spatule et ajouter, pour aromatiser, quelques gouttes d'essence au benjoin, à la bergamote, au citron, etc. On peut aussi faire fondre la moelle de bœuf dans l'eau bouillante; lorsqu'elle est figée, on la retire facilement avec l'écumoire et on procède comme ci-dessus.

Enseignement des Travaux du Ménage à l'usage des jeunes filles, 1889.

Entretien d'une lampe.

Entretien d'une lampe.

Une des conditions essentielles pour qu'une lampe ( à huile) donne une belle lumière, c'est que l'huile soit de bonne qualité, que la mèche soit coupée bien horizontalement; il sera bon d'avoir des ciseaux exprès, dits ciseaux-mouchettes, afin qu'il ne tombe aucune mouchure à l'intérieur; cependant si cela arrivait, on les retirerait à l'aide d'un petit morceau de bois; sans cette précaution, la lampe filerait  et fumerait.
Pour enlever l'huile et les impuretés de l'intérieur du bec, on fera un petit rouleau de papier buvard qu'on introduira dans le bec et qui le nettoiera parfaitement. Le papier buvard grossier est très utile pour le nettoyage des lampes: il économise du linge et absorbe l'huile mieux que tout autre chose.
On aura soin de laisser un ou deux millimètres de brûlé à la mèche pour l'allumer plus facilement.
Lorsqu'une lampe est neuve et qu'on met de l'huile pour la première fois, il faut couvrir le bec de la main gauche en remontant la lampe de la main droite, pour empêcher l'air de pénétrer à l'intérieur.



On met une mèche neuve à l'aide d'un morceau de bois fait exprès, de la grosseur du bec. On place ce bâton habillé de la mèche dans l'intérieur du bec de lampe, on retire ensuite doucement le bâton en descendant le bec avec la clef. Les mèches neuves sont très difficiles à allumer; voici un moyen ingénieux de le faire aisément: on place en travers de la mèche un brin de coton, on met le feu aux deux extrémités, il se communique à la mèche. Lorsque la lampe est allumée, il faut que la mèche reste blanche de quatre à cinq millimètres entre le bec et la flamme, pour donner une belle lumière: c'est ce qu'on appelle brûler à blanc.
Il faut pour cela, exhausser la mèche à l'aide de la vis, élever le verre pour donner de l'air et tenir le coude du verre un centimètre au-dessus de la mèche.
Pour nettoyer (les verres de lampe), il suffit d'y passer un chiffon sec chaque jour. Lorsqu'ils sont encrassés, il faut les faire tremper dans l'eau chaude avec quelques cristaux de soude, mais avoir grand soin que l'eau n'arrive pas à ébullition. On peut aussi les frotter avec du papier émeri. Pour rendre les verres moins cassants, il faut les recuire. On place les verres dans l'eau froide et on laisse bouillir l'eau sur le feu; une bouilloire convient parfaitement pour cet usage, en ce sens qu'on peut y tenir les verres debout. On retire ensuite la bouilloire du feu et on laisse refroidir. Puis on essuie chaque verre.

Enseignement des Travaux du Ménage à l'usage des jeunes filles, 1889.

jeudi 27 février 2014

Chronique du journal du Dimanche.

Chronique.

Il est des endroits auxquels tous les événements se réunissent pour attacher une sombre célébrité.
On vient de commettre un vol dans le cimetière de Saint-Aubin, à Toulouse; et c'est la troisième fois, depuis quelques années, que ce lieu consacré et assez retiré de la ville est marqué par le crime.
On se souvient de l'immense retentissement qui s'attacha au meurtre de Cécile Combette. Cette pauvre enfant du peuple, la fille d'un simple allumeur de réverbères, occupa d'elle, pendant plus de trois mois, la France entière. Son corps avait été jeté, après l'attentat commis sur elle, dans l'angle du cimetière qui touche au couvent des Frères de la Doctrine chrétienne; et, de là, vint le procès extraordinairement célèbre, dans lequel Léotade fut condamné.
Dans la rue qui longe ce cimetière et qui en porte le nom, le mois de décembre dernier, M. B..., statuaire, fut tué dans son domicile par M. P..., qui lui tira un coup de pistolet à bout portant.
Madame P... aurait déclaré à son mari qu'elle avait été victime d'un outrage commis avec violence par le statuaire B...
Sous le coup de cette cruelle révélation, le mari offensé s'est rendu dans l'atelier de l'artiste. Sans prononcer un mot, il a déchargé sur lui un pistolet dont la balle a traversé le cou de la victime de part en part, puis il s'est retiré.
Ceci rappelle l'honneur de ces femmes antiques qui ne voulaient pas qu'il eût sur la terre deux hommes pouvant dire les avoir possédées.
M. B... était tombé près du balcon de l'atelier, et son sang, qui coulait à flots, tombait jusque dans la rue.
Au pied de la table étaient les débris d'une de ses statuettes, que l'artiste tenait au moment de l'entrée du meurtrier, et qui a été frappée avec lui.
M. P... a pris la fuite. Sa femme, après des secousses si funestes, est devenu folle.
Et, le lendemain, les restes du statuaire ont été transportés dans le cimetière voisin de Saint-Aubin.
Eh bien, c'est dans ce même cimetière que se sont introduits dernièrement des malfaiteurs... on peut bien dire de la pire espèce, car il est très-mal de dépouiller ceux qui peuvent le moins se défendre. Les voleurs ont enlevé les flambeaux d'argent et autres objets précieux qui se trouvaient enfermés dans des chapelles, sur divers tombeaux.

A Paris, les habitations continuent toujours à être bouleversées de fond en comble. Comme pour faire concurrence au gouvernement, les millionnaires de nos jours achètent partout des terrains et se font élever de magnifiques hôtels.
M. Benoit-Champy, le nouveau président du tribunal civil de la Seine, fait donc ériger aussi une nouvelle et somptueuse habitation, dans la rue de la Chaussée-d'Antin.
Parmi les vieilles constructions abattues pour y faire place, se trouvait l'ancien hôtel habité par la marquise de Valory, qui au moment de la révolution, se réfugia dans une ville du midi de la France, où elle mourut presque subitement.
Il y a quelques jours, dans les travaux exécutés pour poser les fondations de l'hôtel que fait construire M. Benoit-Champy, un ouvrier, en donnant des coups de pioche pour démolir un pan de muraille, trouva enclavée dans cette maçonnerie, une armoire recouverte d'une ancienne tapisserie.
Cette armoire renfermait des robes, des châles, des dentelles, des bijoux d'un grand prix. Ces étoffes, ces dentelles, tous ces objets de toilette, étaient aussi frais, aussi bien conservés que s'ils eussent été déposées-là de la veille. On pouvait voir là une chose très-extraordinaire, c'est à dire des robes faites à la mode du siècle dernier et portant tout l'éclat des parures nouvelles.
Cette armoire avait été disposée ainsi par la marquise de Valory, qui, en quittant Paris en 89, espérait sans doute bientôt y revenir.
M. Benoit-Champy a fait aussitôt la déclaration de cette trouvaille chez le commissaire de police de la Madeleine.
Peu de jours après, le fait parvint, par la voix publique, à la comtesse de Bondy, fille de la marquise de Valory. Elle s'empressa de réclamer des objets qui lui étaient précieux comme souvenir de sa mère, et M. Benoit-Champy s'est hâté de faire droit à sa demande en lui envoyant ces parures, qui sont aussi devenus des objets de curiosité les plus rares.
L'ouvrier qui a rendu au jour ce dépôt ignoré a été généreusement récompensé.

A propos de toilette de femmes, contons un événement désastreux, arrivé à un grand dîner de la semaine dernière. Nous pouvons en garantir l'authenticité.
On sait la mode étrange, épouvantable, qui s'est introduite dernièrement dans le monde. Les femmes se peignent le visage ni plus ni moins qu'on ne badigeonne une maison; il y entre du blanc, du bleu, du rouge, les trois couleurs nécessaires pour parfaire une figure comme un drapeau national.
Donc, une dame portant à la face les trois glorieuses couleurs, arrive, à l'heure du dîner, chez madame de G... L'invitée avait eu la malheureuse pensée d'apporter au petit garçon de la maison un délicieux cheval de chocolat. L'enfant goûte au cheval, il le trouve bon, et lui mange toute la tête. dans sa reconnaissance... dont il faut lui savoir gré, car les bambins ne montrent guère cette vertu-là... il saute au cou de la dame, et lui applique deux gros baisers sur la joue.
Les lèvres du petit gourmand laissent de larges marques de la plus belle couleur chocolat.
La maîtresse de maison s'empresse; elle fait apporter à la dame une serviette de toilette et de l'eau. Mais jamais position ne fut si affreuse; il lui était impossible de garder les traces de ces malheureux baisers, et elle savait bien que, en se lavant la joue, elle emporterait son teint de lis et de rose.
Enfin, il n'y avait pas à s'en défendre, étant là sous les regards de vingt personnes. Elle prit la serviette, et enleva ensemble la peinture et le chocolat. Pendant tout le dîner, on eut le spectacle d'une femme d'une pâleur livide d'un côté du visage , et de la plus belle carnation de l'autre. 

A ce même dîner, il s'est dit un mot très-heureux.
On parlait de la discrétion des femmes pour la nier, et on assurait qu'il n'était rien qu'elle fussent sans cesse prêtes à divulguer.
- C'est une indigne calomnie! s'est écrié M. de P... Demandez-leur leur âge, et vous verrez qu'elles savent toutes garder un secret.

                                                                                                                        Paul de Couder.

Journal du Dimanche, 1er mars 1857.

La Banque de France.

La Banque de France.

La banque de France est située dans un palais que Louis XIV avait fait bâtir pour le comte de Toulouse. Ce palais, dont l'intérieur est très vaste, n'a du reste aucune apparence monumentale; on dirait qu'en le construisant, on a plus sacrifié à la sûreté qu'à la beauté et à l'élégance des proportions.



La Banque de France a succédé, en 1803, à la caisse des comptes courants, ou plutôt, c'est le même établissement dont on a changé le nom, en lui accordant un privilège fort étendu au détriment de plusieurs compagnies qui faisaient concurremment le service d'escompte de la place de Paris, et qui émettaient toutes des billets de circulation.
La Banque de France, depuis cette époque, a seule le droit d'émettre des billets au porteur, qui font office de monnaie. Ces billets sont remboursables à volonté. La loi assimile aux faux-monnayeurs les contrefacteurs des billets de banque.
Le capital primitif de la Banque de France, qui fut fixé à 45 millions, a été porté, par une loi du 22 avril 1806, à 90 millions, qui sont divisés en 90 mille actions. La Banque a racheté une partie de ses actions. Au 1er janvier 1833, il y en avait en circulation 67.900 réparties entre 3.827 actionnaires.
La Banque de France est à la fois une caisse d'escompte et une caisse de dépôt.
Comme caisse d'escompte, elle ne rend pas tous les services qu'on serait en droit d'attendre.
Beaucoup de personnes ont fait et font journellement à la Banque le reproche de ne pas courir assez de risques, et d'être trop difficile sur le papier qu'elle admet à l'escompte. Quant à nous, ce n'est pas le même reproche que nous lui adresserions; nous lui ferions celui de tenir son intérêt à un taux trop élevé; car elle empêche ainsi une foule de maisons de lui porter leur papier. La banque, en escomptant à 4 %, pendant qu'il est à Paris beaucoup de particuliers qui prennent des effets de commerce à 2 et 2 et demi %, se place volontairement dans une fausse position.
Son portefeuille ne dépasse presque jamais 29 millions, et il s'est trouvé souvent réduit à 18 millions.
L'état de ses espèces a été en 1832 à 216 millions au plus bas, et s'est élevé à 281 millions.
La plus forte somme de billets au porteur qu'elle ait eu en circulation dans la même année a été de 253 millions. Cette somme est descendue à 181 millions.
On voit, par le rapprochement de ces chiffres, que le montant des espèces de la Banque  est supérieur aux billets qu'elle émet, ce qui est un contre-sens.
La Banque ne prend que du papier à trois mois et revêtu de trois signatures au moins. Il n'y a qu'un certain nombre de maisons dont on apprécie la solvabilité, qui sont admises à lui présenter des effets à l'escompte. Tous les effets qu'elle prend doivent être timbrés. Nous profitons de cette occasion pour engager ceux de nos sociétaires des départemens qui sont dans le commerce à ne pas faire, comme cela arrive trop souvent, l'économie d'un timbre, car les effets sur papier libre se négocient d'autant plus mal qu'ils ne peuvent être reçus à la Banque.
Comme caisse de dépôt, la Banque rend de très-grands services au commerce de Paris.
La plupart des maisons de la capitale, et beaucoup de particulier, versent dans ses caisses, sans intérêt, les sommes qu'il ont de disponibles, et font faire par la Banque tous leurs paiemens sur de simples mandats. La majeure partie des paiemens qui se font dans le commerce de Paris a lieu par l'intermédiaire de la Banque, sans qu'il y ait un sou donné ou reçu. La Banque, sur les avis qui lui sont transmis, transporte tout simplement des sommes d'un compte à un autre. Ce système de compensation est on ne peut plus ingénieux.
La figure ci-dessous représente l'intérieur d'une des caisses où l'on va recevoir ou déposer à volonté les mandats tirés sur la Banque par des personnes qui sont en compte courant avec elle.



La Banque se charge encore gratuitement de recevoir les effets d'un grand nombre de maisons de commerce.
En 1831, le mouvement de ses caisses a été de:

                                                                3.878.378.500 francs en billets
                                                                   615.607.121  francs en espèces
                                                                2.727.034.324 francs en mandats de virement ou                                                                                                        sommes portées d'un compte à un autre.
                                                              _____________
                                                                7.221.019.945 francs

La Banque tient près de 2.000 comptes courants, qui sont soldés chaque soir.
Les espèces de la Banque sont contenues dans des tonneaux, et déposées dans les caves de son palais. Ces caves sont solidement construites; toutes les issues en sont fermées. Les espèces y sont descendues par un puits, et en remontent par une seule ouverture.

Journal des connaissances utiles, janvier 1834.

Fauteuils hygiéniques

Fauteuils hygiéniques.

Chacun sait, par expérience, avec quelle difficulté on entretient autour des malades, des valétudinaires ou des vieillards, une chaleur douce, égale et soutenue. Si on augmente le feu dans le foyer, on risque de donner à la chambre une température trop élevée et dès lors insalubre, si, au contraire, on maintient un feu faible, le malade peut avoir froid, et si on le rapproche du foyer, il court risque d'être fortement chauffé par devant, d'avoir froid par derrière, ou, si c'est un vieillard ou un enfant, de mettre le feu à ses vêtemens.
M. Gille, rue du Temple, n° 129, à Paris, vient de faire connaître un fauteuil de son invention, qui remédie à tous les inconvéniens signalés ci-dessus pour le chauffage des appartemens. 



L'appareil complet, du prix de 140 francs, se compose:
1° d'un fauteuil semblable, dans sa forme, à ceux ordinaires, mais dont le dos et les côtés sont formés d'une double enveloppe de zinc, qui forme une sorte de boite qui n'a d'issue que par une ouverture pratiquée sur un des côtés du fauteuil. Ce siège, au reste, est revêtu d'étoffe et muni d'un coussin comme tous ceux en usage.
2° Une paire de chenets avec leur galerie ou garde-cendres qui se place devant la cheminée, et qui ne diffère de ceux ordinaires qu'en ce que la galerie est creuse et qu'on peut verser de l'eau par une des boules ou pommes qui surmontent la galerie, et qui, à cet effet, est formée de deux demi-sphères dont l'une est mobile.
3° Un tuyau flexible et élastique en cuir ou autre substance et dont les extrémités sont garnies de pièces de cuivre, se vissent d'un bout sur une ouverture pratiquée sur le côté de la galerie, et de l'autre, à l'ouverture pratiquée dans le côté du fauteuil.
La manière de se servir de ce fauteuil est  bien simple: on fait chauffer un peu d'eau, on la verse, quand elle est bouillante, dans la pomme ouverte; la température de cette eau se maintient ainsi dans le vide de la galerie par la chaleur qui se dégage du foyer. Quand l'eau est introduite, on referme la pomme, et aussitôt la vapeur d'eau bouillante s'élevant dans le tuyau flexible, se répand dans la double enveloppe en zinc du fauteuil, et ne tarde pas, en quelques secondes, à faire éprouver à toute la partie postérieure du corps du malade une chaleur douce et agréable qui se maintient à la même température tant qu'il y a de l'eau dans la galerie et du feu dans le foyer.
Un petit tuyau de cuivre, dirigé sous le manteau de la cheminée, sert au dégagement de la vapeur surabondante qui pourrait incommoder si elle se répandait dans la chambre. Un verre d'eau suffit pour la journée. Le siège des fauteuils n'est pas chauffé, mais M. G. peut le faire quand on le demande, et même adapter des chauffe-pieds.
On conçoit de suite les avantages qu'on pourra retirer de ce meuble hygiénique, non seulement en cas de maladie, de santé faible ou autrement, mais dans une foule d'autres circonstances, telles que pour les personnes qui transpirent facilement et redoutent les refroidissemens, les gens de lettres ou les personnes sujettes à de longs et pénibles travaux de cabinet, les individus qui craignent de s'approcher d'un feu violent, etc. 
Le fauteuil de M. G. n'est guère plus pesant qu'un autre et peut facilement être placé dans tous les sens, il a encore l'avantage, au besoin, de fournir un bain de vapeur très-prompt et très-simple. Pour cela, il suffit de déshabiller le malade et de le couvrir d'un peignoir, sous lequel on dirige le tuyau flexible qu'on aura divisé. La vapeur se répand aussitôt sous le linge baigné et pénètre le corps du malade, jusqu'à ce qu'on juge à propos de cesser le bain.

Journal des connaissances utiles, janvier 1834.

Les petits princes d'Allemagne.


Les petits princes d'Allemagne.

L'empereur Guillaume II a six enfants, six garçons, dont l'aîné a onze ans. Nos lecteurs apprendront sans doute avec intérêt de quelle manière ces petits princes passent leur journée.
Dès maintenant, ils sont habitués à une obéissance complète, et tenus aussi sévèrement que des soldats. Été comme hiver, ils se lèvent à six heures du matin, et aussitôt, suivant la mode anglaise, ils prennent une douche d'eau glacée. En une demi-heure, ils doivent être habillés; puis ils vont prendre leur premier déjeuner avec leur père.
En entrant dans la salle à manger, ils portent leur petite main à leur front et font gravement le salut militaire. On se met à table, en famille, et l'empereur, qui est un excellent père, s'amuse à leur bavardage.
Le déjeuner achevé, les petits princes se lèvent et sortent en faisant de nouveau le salut militaire. Les deux aînés vont travailler avec leurs professeurs. Quant aux plus jeunes, après avoir étudié ce qu'on apprend à leur âge, ils vont jouer dans le parc du Palais Impérial, s'il fait beau, ou dans leur salle particulière , s'il pleut. Le plus souvent, ils sont revêtus d'un uniforme de l'armée allemande, et ils s'amusent aux soldats. Comme jouet, tout récemment on leur a fait construire une petite forteresse proportionnée à leur taille, et renfermant des petits canons que l'on charge avec de la véritable poudre.
A une heure et demie, on se retrouve en famille pour le déjeuner, qui est fort simple, au contraire de se qu'on pourrait se figurer. Les enfants vont ensuite faire une promenade, souvent à Potsdam, la résidence de campagne de la cour, où ils prennent un goûter. A sept heures, c'est le dîner, puis les petits princes jouent un instant, mais il faut qu'à huit heures, ils aillent se coucher, afin de pouvoir se lever de grand matin le lendemain.
Bientôt les jeunes princes entreront tous à la grande école militaire des cadets de Lichterfelde, près Berlin, pour devenir des officiers; déjà, l'aîné, Guillaume, est élève à cette école, et, qui plus est, officier, lieutenant en second dans le premier régiment de la garde à pied, en garnison à Potsdam. Quand il a reçu son brevet d'officier, son père lui a donné une petite épée sur laquelle se trouve gravés ces mots: "A mon cher fils Guillaume" et toute une série de sentences morales.

                                                                                                                               D. B.

Mon journal, recueil hebdomadaire illustré pour les enfants, 9 juin 1894.

Adolphe Adam.

Adolphe Adam.


L'illustre musicien Adolphe Adam, l'auteur du chalet, du Postillon de Lonjumeau, de Si j'étais roi et de beaucoup d'autres opéras-comiques charmants, était, dans son enfance, le petit bonhomme le plus paresseux qu'il y eût au monde. Il adorait la musique, mais il ne voulait pas se donner la peine de l'apprendre. Il se plaisait à tapoter sur le piano, à improviser sans savoir ses notes, et comme il était très bien doué, il arrivait parfois à trouver de jolis airs; quant à faire des exercices, à s'astreindre à étudier, rien ne pouvait l'y décider.
Son père, Louis Adam, était un professeur de piano très renommé, sa mère était elle-même bonne musicienne, et ils recevaient chez eux un grand nombre de célébrités artistiques. Parmi les intimes de la maison était les parents de Ferdinand Hérold, l'auteur du Pré-aux-Clercs. Le jeune Ferdinand avait pour parrain M. Adonsi dont il était un des meilleurs élèves. Du même âge que Sophie Adam, la sœur d'Adolphe, il avait douze ans de plus que celui-ci et se moquait souvent de l'ignorance de son petit camarade, ignorance complète, car si Adolphe ne savait pas ses notes, il ne connaissait pas d'avantage ses lettres.
Un jour de l'an, Hérold lui apporta un cadeau soigneusement enveloppé et attaché de belles faveurs. Le petit Adolphe, enchanté, s'empressa d'ouvrir le papier, impatient de voir quelles superbes étrennes il cachait. Jugez de sa déception, quand il découvrit un paquet de verges! Ferdinand et Sophie riaient de sa mine déconfite et de son air épouvanté.
"Méchant!" cria-t-il à Hérold en rejetant vivement les redoutables verges et en faisant la moue.
Déjà les yeux du pauvre mystifié étaient pleins de larmes, qui cependant furent vite séchées, car la paquet, en tombant, s'était ouvert, et il s'en échappait une grande quantité de bonbons.
Adolphe sauta au cou de son grand ami, mais il ne lui promit pas de travailler: la promesse aurait été trop difficile à tenir. Il resta longtemps encore un élève indocile et paresseux; cependant, grâce à sa brillante organisation musicale, aux soins que ses parents prirent de son instruction, au dévouement de ses professeurs, il parvint à faire de sérieuses études; son talent se développa et il devint un artiste célèbre. Quant à Hérold, il fut un des plus illustres compositeurs français, et tous deux ont laissé des œuvres connues et applaudies dans le monde entier.

                                                                                                   Marie Moreau-Marmignat.

Mon Journal, recueil hebdomadaire illustré pour les enfants, 24 février 1894.

mercredi 26 février 2014

Un émule de Nordenskiold.

Un émule de Nordenskiold.

Jusque dans ces derniers temps, les géographes et les explorateurs de la région arctique partageaient en général l'opinion que le Groenland méritait son nom de "terre verte" et qu'au delà de ses côtes de glace il y avait des vallées offrant une végétation abondante. Nordenskiold lui-même était de cet avis. Mais le voyage qu'il entreprit en 1883 et celui de Peary et du danois Margaard en 1886 donnèrent des résultats tout à fait contraire à la théorie presque unanimement adoptée jusqu'alors, et fit supposer que tout l'intérieur du Groenland est enseveli sous une couche de glace. Aujourd'hui, cette supposition se trouve pleinement confirmée par l'expédition que vient d'achever il y a quelques semaines à peine l'explorateur Nansen.
Désormais, il est hors de doute que l'intérieur du Groenland est un vaste plateau recouvert de neige de 3.000 mètres d'altitude d'où émergent quelques rares cimes de montagnes comme des îles paraissant à la surface de la mer. Le Dr Nansen a entrepris de traverser le Groenland de l'est à l'ouest pour résoudre ce problème resté depuis tant de siècles un desideratum. Parti de Christiana en juillet dernier, il est arrivé à la côte orientale du Groenland le 27 du même mois, et s'est vu arrêté par les violentes trombes de neige qui s'opposaient complètement à leur débarquement au nord du cap Farewell où il avait l'intention d'atterrir. Changeant alors son itinéraire, il s'est dirigé vers Godthaab, et, descendu là, non sans difficulté, il a eu devant lui, un pays où aucun Européen n'avait mis le pied. Ce n'est toutefois pas avant la fin de septembre que l'expédition a pu franchir la barrière de glace. Elle est arrivée le 3 octobre à Godthaab, sur la côte occidentale.
M. Nansen, d'après la dépêche qu'il a fait parvenir à un négociant de Copenhague, séjournera pendant une quinzaine de jours à Godthaab où il compte retrouver la trace d'un navire français "La Lilloise" disparu depuis 55 ans.
En 1885, un danois, le capitaine Holm, trouva, dans un village d'esquimaux, quelques objets qui parurent faits de la main de nos nationaux, et s'il faut en croire les conclusions de M. Blangsted à ce sujet, les ouvrages dont il s'agit auraient été exécutés par les marins de "La Lilloise". Ce sont des morceaux de bois sur lesquels figurent les contours du Groenland, sculptés par des mains habiles et expérimentés.



 Le Dr Friedhiof Nansen est un tout jeune homme. Il est né en 1861, d'une ancienne famille norvégienne. Son père est avocat. Cette exploration est l'un des événements géographiques les plus considérables de notre époque et place Nansen au même rang que Nordenskiold.

La petite revue, premier semestre 1889.

Les gaîtés de la réclame.

Les gaîtés de la réclame.

Aujourd'hui la réclame est partout et prend toutes les formes; c'est un art nouveau qui demande du goût et de l'ingéniosité et dont les manifestations deviennent chaque jour plus originales.
Un soir au théâtre de Rotterdam, des spectateurs qui occupaient toute une rangée de fauteuils d'orchestre, il n'y a pas bien longtemps,  gardèrent leur chapeau sur leur tête, quoique le rideau fut levé depuis quelques minutes. De tous les côtés de la salle des clameurs éclatèrent: "Chapeau! chapeau!" Alors, d'un même geste et en même temps, les vingt-trois messieurs se décoiffèrent et on vit apparaître vingt-trois crânes chauves sur lesquels il était peint en lettres majuscules le nom d'un nouveau fromage.
C'est assurément en Amérique que l'on ferait encore la plus ample moisson de réclames originales:
A Saint-Paul-Minnéapolis, des plaques de cuivre taillées en formes de pieds nus sont encastrées dans le macadam du trottoir, et tous ces pieds d'hommes, de femmes, d'enfants, se dirigent vers la boutique voisine qui est celle d'un marchand de chaussures.
Une des formes notables de la réclame pour les débits de boissons en Amérique est le "free lunch". En face du comptoir, sur une table, sont alignés des plats remplis de salaisons et autre aliments excitant à boire.
Chacun peut en user sans payer autre chose que sa boisson. En ayant soin de varier le choix de ses établissements, voilà un moyen tout indiqué pour s'alimenter gratis!

Nos loisirs, n°32, 8 août 1909.

Les bizarreries de la langue française.


Les bizarreries de la langue française.

La langue française embarrasse quelquefois les étrangers. Et cela n'a rien de surprenant, si l'on s'en rapporte aux homonymes suivants/

Les poules du couvent couvent.
Mes fils ont cassé mes fils.
Il est de l'Est.
Je vis ces vis.
Cet homme est fier, peut-on s'y fier?
Nous éditions de belles éditions.
Nous relations ces relations intéressantes.
Nous acceptions ces diverses acceptions de mots.
Nous exceptions ces exceptions.
Le président et le vice-président président tout à tour.
Je suis content qu'ils content cette histoire.
Il convient qu'ils convient leurs amis.
Ils ont un caractère violent: ils violent leurs promesses.
Ils expédient leurs lettres; c'est un bon expédient.
Nos intentions sont que nous intentions ce procès.
Ils négligent leurs devoirs, je suis moins négligent.
Nous objections beaucoup de choses contre vos objections.
Ils résident à Paris chez le résident d'une cour étrangère.
Les cuisiniers excellent à faire ce mets excellent.
Les poissons affluent à un affluent.

Et l'on pourrait encore allonger cette liste. C'est égal, allez donc vous y reconnaître!

Nos loisirs, n° 32, 8 août 1909.

Les Elfes.


Les Elfes.

                                                   Couronnés de thym et de marjolaine,
                                                   Les Elfes joyeux dansent sur la plaine.

                                                   Du sentier des bois aux daims familier, 
                                                   Sur un noir cheval, sort un chevalier.
                                                   Son éperon d'or brille en la nuit brune;
                                                   Et, quand il traverse un rayon de lune,
                                                   On voit resplendir, d'un reflet changeant,
                                                   Sur sa chevelure un casque d'argent.

                                                   Couronnés de thym et de marjolaine,
                                                   Les Elfes joyeux dansent sur la plaine.

                                                   Ils l'entourent tous d'un essaim léger
                                                   Qui dans l'air muet semble voltiger.
                                                   - Hardi chevalier, par la nuit sereine,
                                                   Où vas-tu si tard? dit la jeune Reine.
                                                   De mauvais esprits hantent les forêts;
                                                   Vient danser plutôt sur les gazons frais.

                                                   Couronnés de thym et de marjolaine,
                                                   Les Elfes joyeux dansent sur la plaine.

                                                   - Non! ma fiancée aux yeux clairs et doux
                                                   M'attend, et demain nous serrons époux.
                                                   Laissez-moi passer, elfes des prairies,
                                                   Qui foulez en rond les mousses fleuries;
                                                   Ne m'attardez pas loin de mon amour,
                                                   Car voici déjà les lueurs du jour.

                                                   Couronnés de thym et de marjolaine,
                                                   Les Elfes joyeux dansent sur la plaine.

                                                   - Reste, chevalier, je te donnerai
                                                   L'opale magique  et l'anneau doré,
                                                   Et, ce qui vaut mieux que gloire et fortune,
                                                   Ma robe filée au clair de lune.
                                                   - Non, dit-il. - Va donc! Et de son doigt blanc
                                                   Elle touche au cœur le guerrier tremblant.

                                                   Couronnés de thym et de marjolaine,
                                                   Les Elfes joyeux dansent sur la plaine.

                                                   Et sous l'éperon, le cheval noir part
                                                   Il court, il bondit et va sans retard;
                                                   Mais le chevalier frissonne et se penche;
                                                   Il voit sur la route une forme blanche
                                                   Qui marche sans bruit et lui tend les bras:
                                                   - Elfe, esprit, démon ne m'arrête pas!

                                                   Couronnés de thym et de marjolaine,
                                                   Les Elfes joyeux dansent sur la plaine.

                                                   - Ne m'arrête pas, fantôme odieux!
                                                   Je vais épouser ma belle aux doux yeux!
                                                   - O mon cher époux, la tombe éternelle
                                                   Sera notre lit de noce, dit-elle.
                                                   Je suis morte! - Et lui, la voyant ainsi,
                                                   D'angoisse et d'amour tombe mort aussi.

                                                   Couronnés de thym et de marjolaine,
                                                   Les Elfes joyeux dansent sur la plaine.

                                                                                                Leconte de Lisle.

Nos loisirs, n° 32, 8 août 1909.

Les risques des régimes.

Les risques des régimes.

La magistrature allemande a rendu, au profit d'un de ses membres, un jugement dont les conséquences peuvent être graves: elle a décidé qu'une femme épousée grasse n'a pas le droit de se faire maigrir!
En l'espèce, il s'agissait de la femme d'un juge silésien, qui avait sacrifié son embonpoint aux exigences de la mode; elle avait voulu une taille fine; elle avait voulu un corset long et sinueux, un corset qui supprime l'abdomen, les hanches et le reste; elle avait voulu enfin sauver "la ligne" compromise par de trop fortes saillies. Mais le juge, son époux a demandé la séparation de corps alléguant que sa femme transformée ne répondait plus à l'idéal de son âme. Et le tribunal a prononcé la séparation. Entre confrères, on ne se refuse pas un petit service.
On peut aller plus loin dans cette voie. Combien de femmes, épousées minces, deviennent sans le vouloir de très grosses dames? Les femmes aussi pourront se plaindre. Elles aussi s'éprennent d'un jeune homme à cause de sa jolie tournure, de sa taille svelte et de sa chevelure ondulée. Dix ou quinze ans plus tard, le beau jeune homme est chauve comme un œuf, et son ventre proéminent l'empêche de voir ses bottines. L'épouse désillusionnée aura donc la facilité de le répudier?
Les tribunaux, composés uniquement d'hommes ne se rappellent pas que les deux sexes ont maintenant les mêmes droits civils. Ou bien, ils sont décidés, sans le dire, à n'accorder jamais aux demanderesses ce qu'ils accordent aux demandeurs. Voilà bien la partialité masculine!

Nos loisirs, n° 32, 8 août 1909.

Élégance.

Une femme n'est pas une vraie femme si elle n'est pas élégante en robe de chambre.

On l'a dit bien souvent: le premier devoir d'une femme est de ne jamais apparaître, dans son intérieur,  aux yeux de son mari et de ses proches, dans un costume disgracieux et négligé.
Sans doute, une robe d'apparat serait de très mauvais goût pour s'habiller le matin chez soi. Avant tout, une robe de chambre doit être commode, facile à mettre, facile à quitter.
Mais de là à choisir pour se faire une robe de chambre n'importe quel chiffon d'étoffe, n'importe quelle coupe, il y a loin. Etre gracieuse, seyante, agréable à regarder même en robe de chambre, même en négligé du matin, c'est beaucoup plus qu'une nécessité prescrite par l'élégance et par la mode, c'est un devoir et un devoir familial.
Si vous faites des efforts pour être belle, en visite ou au bal, au profit des étrangers, il faut en faire bien davantage pour plaire à ceux qui vous entourent. On a tout dit sur ce sujet. Il faut être bien habillée pour les siens et pour soi-même. Sinon, on est une coquette et une coquette de la mauvaise espèce. Mais il est une coquetterie qu'il faut encourager. C'est celle qui fait de la femme une créature aimable, toujours agréable à regarder, même quand elle n'est pas en toilette de cérémonie, même quand elle est chez elle, dans son cadre, au naturel.
Aussi bien, on peut se vêtir d'un "négligé du matin" sans être pour cela négligée. L'élégance de la robe intime n'est pas la même que l'élégance de la robe habillée, voilà tout. C'est pourquoi, il faut attacher au choix d'une robe de chambre autant d'importance, sinon plus, qu'aux choix de tout autre costume.
Le style empire convient tout spécialement aux robes d'intérieur, il est si gracieux, si attrayant, si simple, qu'il remporte tous les suffrages.



Voici une robe en soie d'Orient, une de ces soies légères à grande fleurs, garnie de bandes de dentelles et de rubans. Toutes les lignes en sont gracieuses et cependant d'une simplicité extrême. L'ouverture en carré du col est à la fois jolie et agréable, ainsi que les manches trois-quarts. Quelques modifications peuvent toutefois être apportées et on peut faire la robe montante avec un col rabattu et des manches longues si l'on désire quelque chose de plus chaud et de plus prosaïquement utile.

Nos loisirs, n° 16, 19 avril 1908.

Une jeune fille qui a coûté 187.000 francs.

Une jeune fille qui a coûté 187.000 francs.

Un auteur anglais s'est amusé à calculer la somme dépensée pour l'éducation d'une jeune fille de l'aristocratie anglaise, depuis sa naissance jusqu'à son mariage.
De un an à huit ans, on compte pour le services des "nurses" et domestiques, pour le linge et les dépenses diverses, une somme de 5.000 francs. De neuf à quinze ans, les institutrices, les gouvernantes, les professeurs de musique et de danse représentent une dépense annuelle de 7.000 francs qui, multipliée par sept,  donne un total de 49.000 francs.
Les trois années suivantes, de quinze à dix-huit ans, les frais de pension et les frais de cours coûtent chacune 11.750 francs, en tout 35.250 francs.
Puis vient une année de séjour à Paris et à Dresde, pour se perfectionner dans l'usage du français et de l'allemand, coût:18.750 francs. Une saison à Londres est absolument indispensable pour former une jeune fille de l'aristocratie à la vie mondaine. Et au cours de cette saison, il faut absolument obtenir une présentation à la cour. Une saison de trois mois à Londres et les toilettes nécessitées par la présentation à la cour supposent une dépense de 75.000 francs. 
Alors la jeune Anglaise peut prétendre à se marier. 
Si l'on additionne toutes ces sommes, on constate que la jeune fille à marier, arrivée à l'âge de vingt ans, a coûté à sa famille la somme de 187.000 francs.

Nos loisirs, n° 16, 19 avril 1908.

mardi 25 février 2014

De par la loi.

"De par la loi", Henriette est interdit, mais Sabigothon et Tanche sont permis.

Napoléon 1er, empereur, a réglé souverainement presque tous les actes de notre vie publique et privée, dans les lois et senatus-consultes auxquels nous sommes encore soumis. Par exemple, il a choisi les prénoms que les citoyens français pourraient donner à leurs enfants; et les officiers de l'état civil continuent de nous interdirent les autres.
Il faut une autorisation du Procureur général pour appeler une petite fille Henriette. Mais la loi du 11 germinal an XI, complétée par un arrêté de 1863, offre à notre choix, pour baptiser notre progéniture, des vocables de ce genre:
Pour les garçons:
Abacun, Abédécalas,  Anéimpodiste, Aproncule, Asclépiodote, Azodonnes, Barsanuphe, Bauffenge, Bicor, Bestamons, Boithazates, Caralampe, Dé, Deogratias, Dondon, Erelpiste, Flamidien, Frichoux, Gourdin, Gobdelas, Guinfroie, Hegothroces, Hermenigilde, Hospice, Hypoce, Injurieux, Ithomore, Ké, Kerntegern, Kulhn, Kyneth, Libérateur, Lo, Loyer, Ley, Macrobe, Molonasche, Mommole, Needs, Nil, Nom, Nonne, Océan, Ode, Ouil, Ours, Out, Pabut, Patrobas, Patu, Pausicoque, Pégase, Pélade, Pion, Pipe, Pompone, Porchoire, Pourçain, Pouange, Quart, Qué, Quodrulteur, Rufin, Rustique, Sohy, Sierge, Sendre, Serein, Satyre, Sosie, Sospice, Specieux, Speusippe, Stapin, Stratège, Succene, Surin, Syr, Theopiste, Theopompe, Theopupides, Tritteins, Triphyle, Tripodes, Tychique, Usthozades, Vas, Vette-Epazothe, Ynigo, Zé, Zet, Zothique, Zotoucque, etc.
Pour les filles:
Abs, Aboodance, Ammonariom, Anastason, Arthonhathe, Auge, Aroubourg, Béate, Bebée, Bée, Beggue, Calomondre, Carème, Concene, Conching, Cunégonde, Doucing, Dynyme, Encratide, Ethelride, Eulimpie, Eustadiole, Eustachium, Félicule, Finèque, Floborde, Fromeuse, Fructueuse, Gale, Golinduche, Goule, Grotte, Guinfroie, Hildegonde, Hildegarde, Hunigonde, Ide, Ie, Illuminée, Ite, Keintergen, Kynémide, Lée, Libre, Lumineuse, Lupite, Mocre, Macrin, Moico, Mongonde, Mustrole, Nonne, Nymphodore, Nunilon, Offe, Otte, Ouin, Panacée, Pauduin, Pontagope, Pee, Peronnelle, Pome, Piale, Piamum, Pienche, Piste, Preure, Primitive, Pusinne, Quinte, Quintille, Raveneuse, Restitue, Réparate, Rusticule, Sabigothon, Segondille, Segondole, Sexburge, Specieuse, Semirergue, Tanche, Taté, Tatie, Tette, Thecuse, Traphimène, Tusque, Tulle, Uboldesque, Ulphe, Vaudru, Veneuse, Vilfutruy, Vilgéforte, , Viole, Visse, Yde, Yé, Yphenge, Zingue, Zite, etc.,etc.

Nos loisirs, n° 16, 19 avril 1908.

La tour Eiffel.

La tour Eiffel.

Les travaux de la tour de 300 mètres se poursuivent avec autant de précision que de régularité; actuellement, elle atteint 270 mètres de hauteur et sera terminée à la fin de ce mois. Un des caractères remarquables de la poursuite de ce grand travail, consiste dans la régularité avec laquelle les chantiers successifs s'installent.
On s'imaginait volontiers dans le public que les grandes hauteurs atteintes influeraient sur le moral des ouvriers,; il n'en a rien été: montant incessamment avec la construction elle-même les hommes n'ont éprouvé aucun des phénomènes psychologiques ou physiologiques que leur prêtait à l'avance le spectateur attaché au sol.
A 57 mètres de hauteur, quand le premier plancher a été posé, les ouvriers ont trouvé, pour ainsi dire, un nouveau sol; à 115 mètres, au deuxième étage, ils en ont trouvé un second, qui semble s'élever avec eux; quant au danger couru, il est infiniment moindre qu'on pourrait le croire: à mesure que la tour monte, un plancher, muni de garde-fous et de claies, s'élève avec elle.
Ce qui est actuellement intéressant à étudier, c'est le systèmes de grues employées pour monter les matériaux; à partir de 115 mètres, il a du subir des modifications: au lieu de quatre grues montant dans les quatre piliers, deux seulement sont devenues nécessaires; elles glissent sur un pilier central et vertical qui doit, plus tard, servir de guide aux ascenseurs. 



Ces deux grues, ainsi que le représente notre gravure, sont fixées de chaque côté du pilier de manière à se faire contre-poids; mais comme le pilier n'aurait pas donné une prise suffisante aux griffes des grues, M. Eiffel a fait établir, de chaque côté, trois cadres de chacun trois mètres de haut. Dès que la grue a franchi ces neuf mètres, trois nouveaux cadres sont installés au-dessus de l'espace parcouru et le travail continu sans interruption. L'élévation progressive des grues se fait au moyen de vis de rappel et de patins qui se boulonnent sur les bandes verticales des cadres. Les châssis de la grue sont munis de vérins de sûreté qui s'opposent à tout glissement de haut en bas, au cas où les patins viendraient à lâcher prise. De plus, de grands cadres en fer horizontaux réunissent les hottes des deux grues l'une à l'autre, de telle sorte qu'en cas de rupture de boulons, aucun renversement ne puisse se produire par rotation. Enfin les jeux de cadres opposés sont réunis par des entretoises provisoires qui solidarisent l'ensemble.
Sans changer d'altitude, grâce à la liberté de leurs mouvements latéraux, les grues ainsi disposées peuvent monter tout un panneau de la tour sur une hauteur de 10 à 11 mètres. Leur relevage, à bout de course, y compris la remise en place des cadres, ne demandent que 48 heures de travail, durée relativement bien courte si l'on considère que le poids total des engins à déplacer en plusieurs manœuvres successives atteint 45.000 kilogrammes.

*****

Le couronnement de la tour et la campanile.

Les ascenseurs déposeront les visiteurs sur un plancher établi exactement à 273,13 m au dessus de la base de la tour, à la cote 309,03 m au dessus du niveau de la mer. C'est de là que le public pourra admirer le superbe panorama entourant le monument. 




L'accès de la partie supérieure extrême est réservé à M. Eiffel qui, à 2,58 m. plus haut, s'est ménagé une installation complète; c'est là que se prépareront et que s'exécuteront toutes les belles expériences scientifiques projetées. Un balcon octogonal de 10, 90 m. sur les grandes faces, de 3,96 m. sur les petits côtés, règne autour de ce logis original, que surplombent, comme le montre notre dessin, de grandes poutres entretoisées et quatre grands arceaux en fer constituant le campanile. Un escalier tournant de 14,20 m. de hauteur s'enroule autour de l'axe du campanile, et conduit sur un nouveau plancher circulaire à balcon, situé à 290,815 m. au dessus de la base de la tour, c'est à dire à 326,715 m. au dessus du niveau de la mer; sa largeur est de 5,750 m.
A cette hauteur vertigineuse, le visiteur se trouvera au bas  d'un phare électrique de 6,785 m. de hauteur et de 3 mètres de diamètre, avec feu fixe de premier ordre donnant des éclats bleus, blancs et rouges. Des projecteurs électriques, en ce moment à l'étude, enverront sur le Champ de Mars et sur Paris, des faisceaux de lumière.
Le sommet extrême de la calotte du phare est exactement à 300 mètres au dessus du sol et à 333,50 m. au dessus du niveau de la me. Il est surmonté d'un grand paratonnerre relié à toute la masse métallique et chargé de pourvoir à l'écoulement dans le sol des grandes effluves électriques de l'atmosphère.
Il nous resterait à parler maintenant de la construction des ascenseurs et des expériences faites pour vérifier la verticalité, laquelle a été reconnue absolument exacte à la hauteur de 230 mètres. Nous reviendrons prochainement sur ce sujet.

                                                                                                                   Max de Nansouty.

La petite revue, premier semestre 1889.