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jeudi 20 novembre 2014

La tonte des moutons.

La tonte des moutons.

Le mouton, est, de tous les animaux domestiques, celui dont la possession procure le plus d'avantages immédiats. Le cheval nous donne sa force et sa rapidité, le bœuf et l'âne leur labeur, la vache et la chèvre leur lait, le chien sa surveillance affectueuse; mais le mouton nous livre successivement sa toison, son lait et sa chair. ajoutez l'humeur inoffensive qui rend sa garde facile, sa sobriété et la nature de son tempérament qui l'approprie à certains cantons où les autres animaux domestiques se propagent avec peine; aussi les troupeaux de moutons ont-ils été les premiers formés par les hommes réunis seulement en familles. Nous les trouvons chez les patriarches, et ils composent encore presque l'unique richesse des peuples pasteurs.
Il y a d'ailleurs dans la nature du mouton une prédisposition particulière à l'association du troupeau. L'instinct d'imitation qu'on lui attribue en est un des premiers caractères; joignez-y la timidité qui le détourne des excursion hasardeuses affectionnées par la chèvre et l'obéissance facile au chien du berger.
On l'a seulement calomnié en l'accusant de stupidité: l'instinct du mouton n'est ni moins vif, ni moins soutenu que celui des autres animaux domestiques; tout au plus semble-t-il avoir moins d'initiative. Il suffit d'interroger les bergers pour entendre raconter cent anecdotes qui prouvent l'intelligence des béliers et surtout des brebis. Un pâtre écossais, devenu écrivain par hasard, Hog, nous a laissé, à cet égard, des détails pleins d'intérêt.
Il raconte qu'un de ses voisins ayant vendu une brebis avec son agneau à un Écossais qui la conduisit dans sa ferme, à près de vingt lieues de distance, la brebis s'échappa pour revenir chez son ancien maître. 
"Comme on s'était aperçu de son départ au Glen-Lyon, un garçon fut envoyé à sa poursuite; plusieurs bergers qu'il interrogea lui répondirent qu'ils avaient vu, en effet, passer la fugitive, qu'elle marchait avec ardeur et persévérance, ne s'inquiétant ni des troupeaux ni des chiens qu'elle rencontrait, et ne s'arrêtant que pour bêler son agneau lorsqu'il restait derrière à brouter les haies vives. Guidé par ces renseignements, il la suivi jusqu'à Grieff où il perdit sa trace. Cependant la brebis avait continuer sa route. Elle arriva le matin à Stirling; c'était jour de fête: les rues étaient pleines de promeneurs et de curieux. Pensant, sans doute, qu'il serait imprudent de s'aventurer au milieu de cette foule, elle fit halte, et demeura couchée, avec son agneau, sous une touffe de cytise. Ce fut seulement quand tout redevint tranquille, aux premières lueurs du jour, qu'on la vit traverser la ville, précipitant sa course au moindre grognement des chiens qui rôdaient encore dans les carrefours.
"Elle gagna ainsi la barrière de péage qui se trouve près de Saint-Ninian et essaya de passer furtivement. Le gardien qui la crut égarée voulut la saisir, mais elle lui échappa et profita du premier passage de troupeaux pour franchir, avec son agneau, la barrière que l'on avait fermée devant elle. Enfin, le samedi 14 juin, neuf jours après son départ, elle arriva à la ferme de Harehope, et se présenta à son ancien maître.
"Celui-ci, aussi surpris que touché, ne voulut point la renvoyer au Glen-Lyon; il remboursa à l'acheteur le prix de la brebis et la garda jusqu'à sa mort."
Le même Hog raconte que les brebis d'Ecosse montrent l'une pour l'autre, une véritable sollicitude. S'il arrive que l'une d'elles perde de vue le troupeau pendant la nuit, il est rare que ses compagnes l'abandonnent. Elles cherchent l'égarée, l'appellent et se placent aux bords des étangs pour l'avertir des dangers par leurs bêlements.
La garde des moutons demande beaucoup d'expérience, d'attention et même de courage. Aussi un bon berger est-il en grande estime dans les pays de pâture. L'usage est de lui abandonner la plus belle brebis que l'on nomme, par suite, la bien gagnée. Il y a ordinairement pour la garde du troupeau, outre le grand berger, qui a toute la responsabilité, un jeune garçon qui apprend le métier sous ses yeux et que l'on nomme le petit berger.


L'époque de la tonte est une occasion de réjouissance dans les bergeries; on la célèbre par des danses et des repas. Cette tonte, faite par les fermiers eux-mêmes lorsque la ferme nourrit seulement quelques moutons, attire dans les pays de grandes bergeries des tondeurs étrangers qui arrivent comme les coupeurs de blé dans la Beauce, coupent les laines et repartent. Il y a moins de deux siècles, on les payait en leur abandonnant une faible partie du produit; aujourd'hui ils sont payés en argent. Le prix ordinaire accordé aux tondeurs est de quinze centimes par mouton.

Le magasin pittoresque, juillet 1851.

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