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mardi 11 novembre 2014

Le carnet de madame Elise.

Le moyen de parvenir.

Nous avons dit précédemment les qualités que doit posséder un jeune homme pour faire bravement son chemin dans la vie.

La jeune fille.

"Mademoiselle", bien qu'ayant généralement a soutenir des luttes moins vives et trouvant dans son mari, pas toujours hélas!, le soutien, l'ami qui se réserve les tâches pénibles, doit néanmoins se forger une personnalité capable d'affronter ce que nos aïeules appelaient dans un style qui nous parait bien "rococo", mais qui est resté fort expressif, "les bourrasques de la vie".
Elle doit s'efforcer d'apporter dans ses pensées, ses jugements et ses actes moins d'imagination que de goût.
L'imagination! C'est une qualité qui joue souvent de bien mauvais tours aux jeunes filles. Le mode d'éducation généralement adopté en France qui consiste à leur laisser ignorer non seulement les laideurs, les hontes, mais aussi toutes les difficultés de la vie, empêche les jeunes filles de discerner, sous l'apparence des choses, la réalité, le fond trop souvent beaucoup moins enchanteurs que la forme. C'est ainsi que les lectures de romans, et j'entends bien de romans dits "pour jeunes filles", œuvres de pure imagination dont ni les personnages, ni les situations ne sont de la vie réelle, remplissent d'idées fausses leur esprit, en leur faisant croire, par exemple,  que la sentimentalité prime, dans l'existence, les considérations pratiques et que le mariage notamment, leur ordinaire préoccupation, est uniquement une question de cœur, d'affection. Hélas!
La jeune fille ne devra donc pas faire dans ses lectures une place trop grande à ces œuvres fades et mensongères que sont généralement les "romans pour jeunes filles"; nous lui indiquerons d'ailleurs prochainement comment elle devra composer sa bibliothèque; elle devra s'intéresser à ce qui se passe autour d'elle, observer le plus possible pour n'être pas, plus tard, trop déçue.
Elle doit se méfier de ses enthousiasmes et de ses exaltations toujours éphémères pour s'attacher aux êtres et aux objets qui lui inspirent une sage et tranquille affection.
Elle doit acquérir toute la grâce et tous les charmes que l'attention, l'étude ou la volonté peuvent donner.
Elle doit cacher avec une coquetterie modeste ses talents et sa science pour procurer à ceux qui l'approchent le plaisir de les découvrir un à un par leur perspicacité et leur goût.
Elle doit suivre la mode sans en être toutefois l'esclave et l'adapter à sa personnalité, se créer une originalité discrète et de bon ton.
Elle doit conserver jalousement les trois biens qui rehaussent tout mérite: la grâce, la beauté, la réputation sans tache.
Elle doit chercher à se rendre agréable aux hommes, tout en s'appliquant à rester toujours supportable aux femmes.
Elle ne doit pas s'aliéner ses amis par des succès insolents. Elle ne doit pas sacrifier son repos ou son intérêt à la vanité d'un triomphe passager.
Elle ne doit jamais révéler ses ambitions, mais témoigner au contraire un parfait contentement de son sort.
Elle doit poursuivre son but avec ténacité, mais sans éclat et sans bruit.
Elle ne doit pas se laisser éblouir par le luxe des situations brillantes, mais peser sagement les avantages et la sécurité de chacune d'elles.
Quelque soit son rang, elle doit développer en elle les qualités ménagères de propreté, d'ordre, d'économie, d'activité et les pratiquer ouvertement avec une bonne humeur souriante.
A côté des vertus de douceur, de dévouement, d'abnégation qui sont inhérentes à sa nature féminine, elle doit s'efforcer d'acquérir les vertus de bienveillance, de discrétion, de pondération et de calme qui peuvent lui être étrangères et dont la possession lui assure l'estime générale.

                                                                                                                   Madame Elise.

Mon Dimanche, revue populaire illustrée, 16 août 1903.

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