Village nègre.
(Guadeloupe)
(Guadeloupe)
Les premiers nègres transportés en Amérique le furent en 1503, c'est à dire très-peu de temps après l'établissement des Européens sur ce continent. On ne tarda pas à découvrir qu'ils étaient beaucoup plus propres que les naturels du pays aux pénibles travaux des habitations, et on en fit venir un plus grand nombre.
Cette exportation d'esclaves sur le nouveau continent devint un privilège que Charles-Quint accorda, en 1517, à un gentilhomme flamand; celui-ci le vendit aux Génois. Plus tard, les Portugais devinrent les fournisseurs d'esclaves des établissements américains. En 1702, les Français prirent leur place; puis l'Angleterre se chargea de cette triste mission. La compagnie formée dans ce but devait fournir au moins 4.800 noirs par an, et plus si elle en trouvait le placement; elle payait au gouvernement espagnol 180 livres de droit pour chaque tête de nègre.
Nos colonies françaises des Antilles restèrent assez longtemps sans travailleurs noirs. Ce furent des blancs emmenés de France sous le nom d'engagés qui défrichèrent ces terres encore vierges, et y établirent les cultures de café et du tabac. A la fin de son engagement, chacun de ces hommes recevait une certaine étendue de terrain qu'il cultivait à son profit.
Grâce à ce système, nos colonies eurent bientôt pour habitants un nombre considérable de petits planteurs endurcis par le travail, vivement animés du sentiment national, et qui défendirent admirablement les nouveaux établissements contre les agressions des puissances étrangères. L'introduction de la canne à sucre changea cet ordre des choses; les cultures élargies demandèrent des bras plus nombreux; les riches colons firent venir des nègres, achetèrent les propriétés qui avoisinaient les leurs, et insensiblement les petits planteurs ou petits blancs disparurent en grande partie.
On substitua ainsi à une population vaillante et dévouée, une population esclave, difficile à maintenir en temps de paix, et encore plus dangereuse pendant la guerre. La forte race des travailleurs blancs qui s'était acclimatée dans les Antilles fit place à un petit nombre de colons amollis par toutes les aisances de la vie, et on arriva à oublier si bien la manière dont les Antilles avaient été primitivement défrichées, que l'on répéta souvent et que l'on répète encore que le travail des blancs y est impossible, et que les nègres seuls peuvent supporter les ardeurs du climat.
L'introduction d'une population africaine aux Antilles obligea à une nouvelle organisation de la colonie. Il fallut promulguer un code noir, qui établissait les droits des maîtres et leurs obligations envers les esclaves. On régla le travail que l'on pouvait exiger d'eux, la quantité de vivres et de vêtements qui devaient leur être distribués par les planteurs; ceux-ci durent, en outre, abandonner des parcelles de terre pour la culture desquelles ils laissaient quelques journées à leurs noirs.
En conséquence de ce système, chaque habitation compte plusieurs hameaux où les esclaves vivent dans des ajoupas bâtis par eux et entourés de petits jardins qui leur fournissent des denrées supplémentaires. Là ils vivent à leur guise, préparant eux-mêmes leurs aliments, et passant une partie des nuits, après de pénibles journées de travail, à chanter, à danser ou à raconter leurs traditions. Notre dessin reproduit un de ces campements, et montre deux noirs faisant, selon l'habitude, leur cuisine en plein air. Le commandeur qui fait sa ronde, s'est arrêté et les observe.
Le magasin pittoresque, juin 1851.
Nos colonies françaises des Antilles restèrent assez longtemps sans travailleurs noirs. Ce furent des blancs emmenés de France sous le nom d'engagés qui défrichèrent ces terres encore vierges, et y établirent les cultures de café et du tabac. A la fin de son engagement, chacun de ces hommes recevait une certaine étendue de terrain qu'il cultivait à son profit.
Grâce à ce système, nos colonies eurent bientôt pour habitants un nombre considérable de petits planteurs endurcis par le travail, vivement animés du sentiment national, et qui défendirent admirablement les nouveaux établissements contre les agressions des puissances étrangères. L'introduction de la canne à sucre changea cet ordre des choses; les cultures élargies demandèrent des bras plus nombreux; les riches colons firent venir des nègres, achetèrent les propriétés qui avoisinaient les leurs, et insensiblement les petits planteurs ou petits blancs disparurent en grande partie.
On substitua ainsi à une population vaillante et dévouée, une population esclave, difficile à maintenir en temps de paix, et encore plus dangereuse pendant la guerre. La forte race des travailleurs blancs qui s'était acclimatée dans les Antilles fit place à un petit nombre de colons amollis par toutes les aisances de la vie, et on arriva à oublier si bien la manière dont les Antilles avaient été primitivement défrichées, que l'on répéta souvent et que l'on répète encore que le travail des blancs y est impossible, et que les nègres seuls peuvent supporter les ardeurs du climat.
L'introduction d'une population africaine aux Antilles obligea à une nouvelle organisation de la colonie. Il fallut promulguer un code noir, qui établissait les droits des maîtres et leurs obligations envers les esclaves. On régla le travail que l'on pouvait exiger d'eux, la quantité de vivres et de vêtements qui devaient leur être distribués par les planteurs; ceux-ci durent, en outre, abandonner des parcelles de terre pour la culture desquelles ils laissaient quelques journées à leurs noirs.
En conséquence de ce système, chaque habitation compte plusieurs hameaux où les esclaves vivent dans des ajoupas bâtis par eux et entourés de petits jardins qui leur fournissent des denrées supplémentaires. Là ils vivent à leur guise, préparant eux-mêmes leurs aliments, et passant une partie des nuits, après de pénibles journées de travail, à chanter, à danser ou à raconter leurs traditions. Notre dessin reproduit un de ces campements, et montre deux noirs faisant, selon l'habitude, leur cuisine en plein air. Le commandeur qui fait sa ronde, s'est arrêté et les observe.
On comprend sans peine comment cette existence précaire et sans but, soumise au maître pour le travail, privée de surveillance morale dans le repos, a dû engendrer milles vices que l'on reproche peut être trop durement à une race que tout contribuait à corrompre. L'être qui a cessé de se posséder lui-même perd forcément la responsabilité, ce premier des besoins de l'homme, parce qu'il s'y trouve, en même temps, une excitation et un frein. Il est difficile que le nègre respecte la propriété, lui qui l'a vue violée jusque dans son individualité; ou même la vérité, lui qui ne peut échapper au châtiment que par le mensonge. Comment estimerait-il le travail, quand il voit qu'on en fait un des caractères de l'esclavage? Pour juger définitivement ce que l'on peut attendre de la race africaine, il ne faudrait point la démoraliser par une longue servitude. La seule chose que l'on puisse constater maintenant, c'est que, par suite de cette démoralisation, les vices des noirs étaient devenus assez pénibles et assez dangereux aux maîtres eux-mêmes pour leur faire sentir douloureusement une organisation dont ils semblaient primitivement ne devoir retirer que plaisir et profit.
Le magasin pittoresque, juin 1851.
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