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lundi 26 janvier 2015

Vitrail de la bibliothèque de Strasbourg.

Vitrail de la bibliothèque de Strasbourg.


C'est M. Ferdinand de Lasteyrie qui nous a fait connaître ce vitrail. Nous le reproduisons ici d'après son excellent ouvrage sur les vitraux peints du moyen âge. Il représente, comme l'indique la légende, "la milice scolastique traversant les tentes des ennemis qui assiègent la citadelle de Pallas, c'est à dire la vraie science."


Le premier de ces ennemis, c'est l'Ignorance. De petits enfants se rendent à l'école, avec cet air insouciant et distrait qui témoigne la frivolité de leur esprit.
Vient ensuite la Crainte. Il faut respecter son maître, et, dans une certaine mesure, le redouter. Mais quand on a toujours les yeux fixés sur la verge qu'il porte à la main, cette préoccupation exclusive altère, hébète l'esprit. Une confiance modeste vaut bien mieux qu'une crainte servile.
La troisième tente est occupée par ce vice naturel qu'il convient de nommer, en français, Défaut d'entendement. Les Latins disent plus simplement stupor, ce que Cicéron traduit par tarditus ingenii debilitasque linguœ. Le regard laissé vers la terre, le pauvre écolier ne sait rien répondre aux questions du maître. Celui-ci les reproduit et les explique, accompagnant les intonations de sa voie de gestes cadencés qui viennent ajouter à l'énergie des mots. On le voit, la verge repose immobile sur son bras oisif. Ce n'est pas avec des châtiments que l'on réforme une intelligence tardive, mais avec de douces et fréquentes réprimandes.
La quatrième tente est celle de la Paresse. "Les paresseux, dit Vauvenargues, ont toujours envie de faire quelque chose." Ceux que représente notre vitrail sommeillent de corps et d'esprit. C'est une tente qu'il faut traverser à la hâte: l'air qu'on y respire engourdit les sens. Il est vrai que le maître n'est pas là; mais il ne tardera pas à venir, et sa main, toujours armée de l'inexorable verge, ne ménagera pas, on peut y compter, nos coupables dormeurs.
Le cinquième bataillon des ennemis de Pallas marche sous les enseignes de la Volupté. La Volupté, c'est le souverain bien d'Epicure. Dans l'école de Platon, où l'on enseignait une morale plus sévère, on la définit par l'appât de tous les maux. Cette définition est incontestablement la meilleure. Tous nos écoliers chantent, boivent ou courent s'ébattre dans la verte plaine, ils négligent leur Donat et leur Euclide, et souvent, ce qui est grave, de ces habitudes relâchées, naît le goût de la débauche qui vient pervertir leurs esprits et leurs cœurs.
La septième tente est moins fréquentée. C'est l'asile des timides, des poltrons. Le jeune écolier qui va s'y réfugier en inclinant la tête vient d'être provoqué sur quelque chapitre des Sentences par un habitant de la huitième tente, celle des arrogants, et il a fui le combat. Son adversaire porte la tête haute, et d'une main fière il présente le texte qu'il s'agit d'interpréter contradictoirement.
Enfin toutes les tentes sont franchies, et l'écolier va pénétrer dans la citadelle. On y arrive par sept degrés, qui portent les noms des trois arts et des quatre sciences: la Grammaire, la Dialectique et la Rhétorique, la Sphérique, l'Ethique, la Physique et les Mathématiques. Il faut remarquer que cette distribution des sciences appartient au seizième siècle; les quatre sciences du treizième siècle étaient, suivant les préceptes de Martin Capella, de Cassiodore et d'Isidore de Séville, la Géométrie, l'Arithmétique, l'Astrologie et la Musique. Au cinquième degré, l'écolier reçoit la couronne de laurier fleuri, bacca lauri; au septième, on lui présente les insignes du doctorat, le bonnet et l'anneau.
C'est la Théologie qui, sous la figure de Pallas, occupe le centre de la citadelle. Puisque cette allégorie est du seizième siècle, le peintre a certainement voulu représenter la théologie dogmatique. Dans le siècle suivant, toute l'économie des études scolastiques sera modifiée par la plus accréditée des corporations enseignantes: la compagnie de Jésus. Dans les emblèmes composés sous sa méthode, la théologie dogmatique sera remplacée par la théologie morale.

Magasin pittoresque, avril 1853.

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