Chaire à prêcher.
Saint-Thégonnec (Finistère).
Saint-Thégonnec (Finistère).
Saint-Thégonnec, assez gros bourg du Finistère, était, avant la création du chemin de fer, traversé par la grand'route de Rennes à Brest. Aujourd'hui, il se trouve à plus d'une demi-lieue au nord de la station, laquelle est établie au hameau de Marquès. Il ne faudrait pourtant pas que cette petite distance empêchât le voyageur d'y faire un crochet, s'il avait quelques instants devant lui; il ne regretterait certainement pas sa course.
L'arc de triomphe par lequel on entre dans le cimetière, et qui date de la fin du seizième siècle; le calvaire du commencement du dix-septième siècle, avec toutes ses statuettes qui représentent les scènes de la Passion; la crypte, des premières années du dix-huitième siècle, avec un groupe de grandeur naturelle qui figure la mise au tombeau du Sauveur; l'église, en majeure partie du style renaissance, avec sa petite flèche de pierre et sa tour en dôme, avec les sculptures en bois de ses autels et de sa chaire, pourrait fournir plus d'une note intéressante au point de vue de l'histoire de l'art en Bretagne.
Mais la principale richesse artistique de ce bourg, c'est la chaire à prêcher de l'église.
Le pied, d'une silhouette élégante, se compose de deux rangées de consoles, volutes et palmes, séparés par une bordure bombée en dehors sur laquelle s'entrecroisent des rubans. Cette bordure dont les lignes sont droites et simples, empêche la confusion que ne manquerait pas de produire la grande quantité de lignes courbes et un peu compliquées des volutes, palmes et consoles, si ces ornements régnaient, sans temps d'arrêt, depuis la base du support jusqu'à la chaire même.
La chaire et l'escalier qui y conduit sont formés de médaillons rectangulaires, à pans coupés, garnis de scènes en bas-relief et encadrés dans des bordures de feuilles et de fleurs d'un riche travail. Deux personnages en bois sculpté, dans des attitudes pieuses, sont disposés symétriquement aux deux côtés du médaillon central. Peut-être pourrait-on désirer que la manière dont elles se tiennent fût plus justifiée. On voit souvent des figures en bois sculpté adaptées à des extrémités de poutres et soutenant des étages ou des rebords de toit, affecter des positions gênées et même bizarres; mais le genre le permet, et d'ailleurs, elles sont pour l’œil du passant dans un rapport de distance, de position et de grandeur qui fait qu'on n'est pas choqué. Mais ici les figures sont très-près du spectateur; elles sont d'assez grande taille, et, bon gré mal gré, le regard réclame l'observation de cette loi essentielle en architecture, et souvent nécessaire dans les autres arts, à savoir que l'esprit du spectateur ne doit éprouver aucune impression contraire à l'idée de sécurité.
L'abat-voix est formé par un dais très-ornementé dans le style du support. Deux grands anges, d'un beau dessin et d'un mouvement simple et noble, soutiennent ce dais, et leurs ailes étendues entrent fièrement dans la décoration et lui donnent de l'ampleur. De petits anges posés sur les angles du dais, dans des attitudes de prière et de prédication, corrigent ce que ce dais pourrait avoir de trop profane avec ses lignes sinueuses et ces circonvolutions soigneusement fouillées, mais quelque peu enchevêtrées. Suspendu sur un pied, l'ange symbolique du jugement dernier, sonnant de la trompette et déployant ses ailes, complète le caractère religieux de cette partie de la chaire.
L'impression d'ensemble de cette oeuvre est certes des plus satisfaisantes: les lignes générales sont symétriques, sans sécheresse; les proportions sont bien gardées, sans lourdeur; les détails sont riches, et la fantaisie n'y choque pas la raison. Il est bon nombre de grandes églises, même renommées, dont les chaires ne méritent pas les éloges que l'on peut dresser à la chaire de l'humble Saint-Thégonnec.
Magasin pittoresque, 1877.
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