Colin-Maillard.
Le nom de Colin-maillard appartient à l'histoire: c'est celui d'un héros liégeois.
Jean Colin naquit à Huy, dans la dernière moitié du dixième siècle, d'une famille riche et noble; mais il dissipa bientôt son patrimoine, et se trouva complètement ruiné à l'âge de trente ans (1). Trop fier cependant pour tendre la main et vivre de la charité publique, il sera mis au service d'un maître maçon chez qui il demeura deux ans. Mais la guerre éclate entre Notger, prince-évêque de Liège, et Lambert, comte de Louvain. Huy est assiégé par les ennemis; l'évêque vient au secours de la ville, et les deux armées se rencontrent dans la campagne d'Amay, à dix kilomètres de Huy. Jean, un maillet de maçon à la main, s'illustra dans cette journée comme un autre Charles Martel. En récompense de ses services, Notger le créa baron de Poilvache et mayeur du quartier de la Sauvenière, à Liège. C'est alors que Jean Colin pris les armes et le surnom de Maillard.
Il est inutile de le suivre dans les nombreux combats auxquels il a prit part; l'un d'eux lui fut des plus funestes; un habile archer lui creva successivement les deux yeux tandis qu'assis sur un tertre Jean soulevait la visière de son casque pour essuyer la sueur qui couvrait son front.
Bientôt une nouvelle guerre éclate. Quoique aveugle et âgé de soixante-dix ans, Colin veut suivre son prince, toujours armé de son terrible maillet. Dans un combat qui se livra à Wilryck, près de Malines, il se passa une chose bien bizarre et bien héroïque à la fois, dit un historien:
"Au fort de la mêlée, un homme aveugle se tenait la lance en arrêt, frappant dans toutes les directions, mais hélas! presque toujours dans le vide. Et à chaque coup qu'il portait sans rencontrer casque, cuirasse ni chanfrein, un cri de rage et de désespoir s'échappait de sa poitrine, une larme tombait de ses yeux caves et éteints. Puis le pauvre aveugle se ruait plus furieux sur son antagoniste, qui lui échappait comme une ombre en poussant des éclats de rire, en narguant l'impuissance du vieux guerrier, qui cependant, s'il n'atteignait personne, tenait encore au moins ses ennemis à distance, et n'en trouvait aucun d'assez hardi pour affronter sa lance, ni son maillet qu'il brandissait autour de sa tête...
Les ennemis des Liégeois, par rancune contre ceux-ci, qui avaient eu le dessus et les avaient rançonnés, firent un jeu de cet épisode héroïque de la vie du guerrier éburon. On s'avisa de mettre publiquement en scène, à Bruxelles, à Louvain, à Anvers, etc. , la bataille de Wilryck, où Colin avait figuré d'une façon si singulière.
Depuis, le colin-maillard a passé de la scène dans les réunions de famille et a fait le tour du monde. Des rois eux-mêmes s'y sont adonnés; Gustave-Adolphe en faisait son passe-temps favori au milieu de ses victoires. A Paris, au dix-huitième siècle, on le jouait avec une véritable fureur dans les salons dorés et musqués de la régence."
On vient de donner le nom de rue Maillard, à liège, à celle qu'habitait jadis le mayeur de la Sauvenière.
(1) Une vielle porte de Huy est encore nommée porte Maillard.
Magasin pittoresque, 1877.
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