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jeudi 22 janvier 2015

L'arbre et le puits de la Vierge.

L'arbre et le puits de la Vierge.
                           (Egypte)


A deux heures de marche, au nord nord-est du Caire, est situé le village de Matarich, qui recouvre en partie les ruines de l'ancienne Héliopolis. Un obélisque, le plus ancien de tous ceux que l'on connait, est seul resté debout pour témoigner de la splendeur passée de la ville du Soleil; d'autres ont été transportés à Alexandrie et à Rome.
" On montre à Matarich, dans un jardin appartenant à des coptes, un sycomore énorme, sous lequel, dit la légende locale, Joseph avec la Vierge Marie et l'Enfant Jésus se reposèrent lors de leur voyage en Egypte. l'arbre est fort beau; son écorce est tailladée par la main des pèlerins et des curieux." 


Quand nous eûmes l'occasion de visiter ces lieux, trois hommes armés d'instruments tranchants se présentèrent immédiatement, non pour défendre les abords de l'arbre vénéré, mais pour nous offrir d'en détacher quelque fragment moyennant une faible rétribution.
Il suffit de comparer notre dessin qu'a publié Mengin en 1823 (1) pour s'assurer qu'un grand nombre de fidèles se sont ainsi procuré des reliques à bon compte; car le tronc était alors deux fois plus grand.
Cet arbre n'a rien de commun avec le faux sycomore où érable blanc de nos climat. Son nom vient de deux mots grecs: syké, figuier, et morea, mûrier.
"Le figuier sycomore acquiert dans l'Egypte une grande élévation et une grosseur considérable. Ses branches sont très-étendues; ses fruits, d'un blanc jaunâtre, d'une saveur douce, mais d'un goût peu délicat, petits, naissent sur le tronc ainsi que sur les grosses branches, par touffes dépourvues de feuilles. Son bois, que les anciens regardaient comme vénéneux, passait pour incorruptible. La plupart des caisses renfermant des momies égyptiennes sont faites avec ce bois. Les Égyptiens en faisaient encore ses statues, des tableaux, etc. (2)
Les représentations mythologiques du temps des Pharaons nous montrent souvent la déesse Nou-t montée sur plusieurs branches de sycomore dont elle distribue les fruits aux âmes bienheureuses.
Un puits voisin du sycomore est consacré par la même tradition religieuse. Il y a peu d'années, on voyait dans le mur qui l'entoure une niche où, disait-on, Marie avait posé le berceau de Jésus. On avait même bâti auprès une chapelle dont il ne reste aucune trace. 


Il existe, du reste, en Orient beaucoup de citernes désignées sous le nom de Marie. A la plupart se rattache la légende du refus qu'on aurait fait d'un peu d'eau à la mère de Jésus. Pour les Orientaux, refuser de l'eau à une femme qui vient de traverser des sables brûlants, c'est une chose inhumaine; mais à Myriam, à Marie, la mère de Issa, le Christ, c'est un crime d'une telle impiété, que le musulman l'a autant en horreur que le chrétien le plus fervent. On rencontre, par exemple, un puits de ce nom à peu de distance de Bethléem. Le sieur de Villamont, ce vieux voyageur parti de Bretagne, en 1596, pour visiter les lieux saints, en parle dans un langage dont on aime la grâce naïve. Le bon chevalier raconte les effets de la colère divine à propos de certains musulmans qu'il a pu connaître encore, et qui s'étaient permis de tollir divers objets enlevés aux lieux saints, puis il dit:
"Et de ceste frayeur, ils sont tombez en une telle superstition, qu'ils n'oseroient prendre du genet qui est là auprès, parce qu'ils disent qu'à l'ombre d'iceluy, la Vierge Marie se reposoit quelquefois, et s'il advenoit qu'il en veissent prendre à nous autres, ils nous blasmoient et s'en scandalisoient de sorte que, prenant bien peu de cet arbre, nous estions contraicts de le cacher sous nos robles. Laissans cette église, nous tournasmes visage pour nous en retourner en Bethléem, mais par autre chemin, et arrivasmes à un pauvre village à l'entrée du quel est un puits qui nous fust montré, où la Vierge Marie voulut une fois boire en passant, mais les païsans et les vilains de ce village ne lui en voulurent tirer, et elle pria Dieu, et à un moment l'eau creut jusqu'au bord du puits, et la Vierge beut de l'eau à sa suffisance. Ceux de ce village, quand nous arrivasmes, nous furent un peu plus courtois, car c'estoit à qui nous en tireroit avec un seau de cuir, et à qui nous inviteroit à boire: mais c'estoit, ce crois-je, afin d'avoir quelques meudins (3) de nos bourses." (4)

(1) Histoire de l'Egypte; Atlas, pl. 11.
(2) Bouillet.
(3) Petite monnaie; les médini étaient frappés à Constantinople.
(4) " Les voyages du Sr de Villamont, augmentez en ceste dernière édition de son second voyage et du dessin du troisième. A Paris par la veuve claude de Monstroe, en la court du Palais, au nom de Iesus" 1609. La 1ère édition est de Paris, 1604, in-8; Arras, 1605; Lyon, 1606; Paris, 1614.

Magasin pittoresque, 1870.

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