Une pièce d'argenterie romaine.
Fabricius ne voulait pas qu'un Romain, si élevé qu'il fût par sa naissance ou par ses fonctions, eût en sa possession d'autres pièces d'argenterie que la patère et la salière qui servaient aux sacrifices domestiques. Il censurait ainsi, en donnant lui-même l'exemple de l'austérité dans sa vie, la tendance qui se manifestait déjà sans doute de son temps ( au troisième siècle av. J.-C.) à imiter le luxe des nations voisines. Mais quand ces nations, avec toutes leurs richesses, furent devenues la proie des Romains, ceux-ci se laissèrent envahir à leur tour par les mœurs et la civilisation des vaincus.
Après la conquête de la Sicile, de la Grèce, de l'Asie, l'usage de l'argenterie devint rapidement d'un si commun usage que, vers la fin de la république, non-seulement elle paraissait sur les tables et s'étalait sur les buffets dans les maisons de tous les citoyens aisés, mais qu'on vit même chez plus d'un des ustensiles de cuisine fabriqués en argent et du plus élégant travail.
Ce fait était déjà connu; on en a eu des preuves nouvelles par la découverte, au mois d'octobre 1868, près de Hildesheim, dans le Hanovre, de tout un trésor d'argenterie que l'exécution et le style de ses ornements ont fait reconnaître, la plupart au moins, pour des ouvrages du temps d'Auguste. Comment ce trésor avait-il été enfoui à une si grande distance de toute habitation romaine, dans un pays barbare, au milieu des ennemis les plus déclarés des Romains? On a supposé (et cette supposition, dont nous ne pouvons pas développer ici toutes les preuves, a pour elle une certaine vraisemblance) que l'on avait retrouvé une partie de l'argenterie de Varus, devenue, après sa sanglante défaite, le butin des Chérusques, habitants de ce pays; cachée ensuite, comme c'était l'usage des Barbares, lors d'un retour offensif des Romains, elle fut oubliée peut être par suite de la mort de celui qui en était devenu possesseur.
Le trésor se compose de plus de soixante objets: vases à boire, à mélanger, à rafraîchir les boissons, plats et plateaux de dimensions et destinations diverses, salières, casseroles, etc. A côté de ceux dont la forme indique clairement qu'ils ont du servir effectivement à table ou dans la cuisine, il en est d'autres, ornés de figures en haut relief d'une exécution admirable, qui ne peuvent avoir été que des pièces d'apparat. Celles-ci mériteraient d'être représentées et décrites à part. Nous les laisserons toutefois de côté pour le moment.
Le plat que représente la gravure est de ceux dont il est facile de deviner l'usage après un léger examen.
Il était fait pour servir des œufs et en pouvait contenir une douzaine. La forme et la capacité de chacun des douze compartiments qui le bordent correspondent exactement à la forme et au volume d'un œuf de poule. On sait que les œufs étaient le mets indispensable par où commençait tout repas servi dans les règles. Le proverbe romain ab ovo ad mala (des œufs jusqu'aux fruits) , ou au moins la moitié du proverbe, a passé jusqu'à nous. Avec les œufs on mettait ordinairement sur la table des poissons, des salades, et toutes sortes d'assaisonnements qui devaient mettre les convives en appétit. L'espace vide laissé au milieu du plat que nous considérons était peut-être destiné à recevoir une salière ou une saucière; en effet, un autre plat faisant partis comme celui-ci du trésor de Hildesheim, et d'ailleurs sensiblement semblable, est muni en son centre d'un vase creux en forme de bol qui ne peut avoir eu d'autre emploi.
Magasin pittoresque, 1870.
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