Avant le sommeil.
Le soir est venu, la journée est terminée. Depuis le matin, l'homme s'est livré à son dur labeur, car il n'a que ses bras pour subvenir aux besoins du pauvre ménage. La femme, de son côté, s'est occupée sans relâche des soins de l'intérieur. A ces lourdes tâches les années ont ajouté leur fardeau, non-seulement la faiblesse, mais encore les soucis, les chagrins inévitables.
Voici enfin le moment du sommeil, le moment bienfaisant et souhaité du repos, de l'oubli. pourtant les deux époux ne s'empressent pas de s'endormir; un autre devoir, volontaire celui-là, et à leurs yeux sacré, leur reste à accomplir.
Tandis que sa femme, qui s'est mise la première au lit, écoute assise, les mains jointes, le mari s'est installé auprès d'elle, il a posé sur ses genoux un gros livre, le seul qu'ils possèdent, la Bible, et il en lit des passages, à haute voix.
Les mots de Dieu, de sainteté, de repentir, de pardon, d'espérance, retentissent dans le silence de la petite chambre; une expression de pieux recueillement se peint sur ces rudes visages, flétris par les fatigues et les épreuves, et les empreint d'une noblesse inattendue.
Par cette heure quotidienne de méditation et de prière, les pauvres gens échappent aux réalités qui les oppriment; ils pénètrent dans le domaine de l'idéal; ils possèdent, à l'égal des esprits les plus cultivés, des intelligences plus hautes, ce qui fait le privilège de l'homme, le signe distinctif et glorieux de notre race: la contemplation de l'invisible, l'aspiration au bien et au bonheur infinis.
Magasin pittoresque, 1870.
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