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lundi 12 janvier 2015

Chronique du Journal du Dimanche.

Chronique.

On se rappelle le malheur qui arriva, il y a quelque temps, sur la ligne du chemin de fer de l'Est, et les condamnations prononcées contre quelques-uns des agents de la Compagnie.
Parmi les voyageurs se trouvait un Anglais, homme de mérite et savant linguiste; il avait avec lui sa femme et ses deux filles. Lorsqu'on releva les victimes, madame*** avaient les deux jambes brisées. En reprenant ses sens, elle dit simplement:
- Je suis bien heureuse: quand l'accident est arrivé, ma fille Mary allait prendre ma place.
Cette parole vaut tous les mots touchants et sublimes que l'amour maternel a dictés et que garde l'histoire.
On sera heureux d'apprendre que madame*** malgré la gravité de ses blessures est à peu près guérie; on espère même qu'elle pourra encore marcher.

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Un accident qui a donné lieu à un acte de dévouement est arrivé hier, vers deux heures de l'après-midi, dans l'avant-port du Havre. Au moment où entrait l'Hercule, une embarcation, montée par un mousse, se trouvait juste devant lui. Le capitaine, pour éviter de la couler, fit aussitôt marcher en arrière, mais cela n'empêcha pas le canot de recevoir un léger choc, et le mousse, qui godillait, perdit l'équilibre et tomba à l'eau. Aussitôt, par bonheur, le capitaine Chemin plonge, tout habillé, du haut du tambour, et ramène sain et sauf le pauvre enfant.

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Un sinistre vient d'anéantir presque entièrement le bourg de Viuz-en-Salaz.
Le 14 août, à trois heures du soir, la foudre a éclaté et a embrasé instantanément plusieurs maisons. Le feu s'est rapidement communiqué aux maisons voisines, de sorte que, quelques minutes, le bourg était transformé en un vaste brasier.
Pour comble de malheur, les récoltes, engrangées depuis quelques jours seulement, lui donnaient un aliment terrible. Aussi a-t-on craint un moment de voir le feu envahir les maisons écartées du bourg, et de là gagner les hameaux voisins.
Heureusement les habitants, épouvantés au premier abord, ont bientôt repris leur énergie et se sont mis à l'oeuvre pour arrêter le feu. La population de la vallée est accourue en foule, et avec elle sont arrivés les pompiers de Saint-Jeoire et de Boëge. Tous alors, animés d'un dévouement au-dessus de tout éloge, ont réunis leurs efforts pour arrêter les progrès de l'incendie.
Néanmoins trente-deux maisons ont été littéralement consumées: rien n'a été sauvé.
La perte totale est de 209.000 fr. environ, perte qui pèse sur 39 familles, comprenant 133 personnes.

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On lit dans le Droit commun de Bourges:
"Il y a quelques jours, M. Renaudet, curé de Lunery, voulut se donner la distraction de jeter quelques coups d'épervier dans le Cher, dont les eaux basses promettaient une pêche fructueuse. Au lieu dit la Voie, où le Cher bifurque, il lança son épervier. Le filet se trouva pris. Afin de le retirer, M. le curé s'avança lentement sur un banc de sable, jusqu'à la profondeur de soixante-dix centimètres. Tout à coup le sable mouvant du Cher se déroba sous ses pieds, et il plongea en une fosse profonde. Ne sachant pas nager, la malheureuse victime reparut plusieurs fois à la surface, appelant à son secours un vieux garde forestier plus que septuagénaire, seul témoin de ce terrible drame. Ce vieillard s'effraya et appela au secours. On accourut mais on ne retira plus qu'un cadavre.


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Un malheureux événement vient d'arriver au sein d'une famille, par suite d'habitudes d'intempérance chez le mari.
Louis B..., âgé de 33 ans, marié depuis quelques années à peine, était cultivateur du canton de Septeuil près Paris. Il faisait mauvais ménage avec sa femme, qui n'avait pas lieu de se féliciter de la funeste passion qui l'entraînait au cabaret. Au retour, une querelle s'élevait infailliblement.
Avant-hier, B... revenait du cabaret; il fut accueilli par des remontrances un peu vives, qui furent suivies d'une lutte. Voulant échapper à la colère de son mari, la femme B... s'élança au dehors. A peine était-elle arrivée sur le pas de la porte, que la double décharge d'un fusil à deux coups retentit; les projectiles ne l'atteignirent pas. L'ivrogne se calma tout à  coup. Comprenant toute l'étendue de son crime, il courut après sa femme, l'embrassa et la ramena à la maison. Après l'avoir enfermée à clef, il lui dit qu'il ne lui ferait à l'avenir aucun mal; puis il prit la fuite.
Depuis lors, Louis B... n'a pas reparu, et l'on craint qu'il n'ait attenté à sa vie.

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On lit dans les Petites Causes célèbres de M. Frédéric Thomas:
"Deux avocats plaidaient au sujet d'un râtelier artificiel. Celui qui était chargé de soutenir la note du dentiste parla très-longtemps; mais, quand ce fut le tour de son adversaire, les choses changèrent de face.
"Messieurs, dit celui-ci, mon adversaire a plaidé trois quarts d'heure; je ne veux, moi, plaider que trois secondes, et en trois mots, messieurs, vous connaîtrez tout le procès. Je le résume ainsi: On devait nous mettre pour cinq cents francs de dents, et on nous a mis dedans pour cinq cents francs; voilà tout."
Et il s'assit.
Les juges, enchantés de prouver qu'on peut avoir raison en si peu de mots, s'empressèrent de lui faire gagner son procès.

Journal du Dimanche, 20 septembre 1857.

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