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dimanche 4 janvier 2015

Les ossuaires.

Les ossuaires.

Aujourd'hui, sans que le respect des morts ait diminué, les lois de l'hygiène obligent à séparer les cimetières des églises, à les placer aux extrémités et même à une certaine distance des villes et des villages. Il n'en était pas ainsi autrefois; le cimetière entourait toujours l'église, il en faisait en quelque sorte partie; on voulait que les morts dormissent à l'ombre de l'édifice sacré.
Lorsque le sol du cimetière était occupé tout entier par les sépultures, il fallait bien creuser de nouvelles fosses sur l'emplacement des anciennes et se résoudre à exhumer les ossements des ancêtres; mais on ne les exilait pas pour cela de l'enceinte bénie. Quelquefois on les déposait dans des enfoncements du mur extérieur de l'église, soit sur la façade, de chaque côté de la porte principale, soit sur le côté, entre les contre-forts de la nef; une galerie saillante abritait ces réduits, fermés en avant par une grille de fer aux barreaux épais et serrés. Le plus souvent on construisait dans le cimetière un bâtiment spécial destiné à recevoir les restes des générations passées, forcées de céder la place aux nouveaux venus. Ces bâtiments, en forme de chapelles, étaient percées autour de quantité de petites baies qui permettaient d'apercevoir du dehors les ossements entassés dans l'intérieur. Quand les os rendus au jour par la pioche du fossoyeur étaient ceux d'une personne dont le nom s'était conservé et dont la famille existait encore, il n'était pas rare que celle-ci mit à part le crâne, l'enfermât dans une boîte surmontée d'une croix et exposât cette boite sur l'appui d'une des ouvertures de l'ossuaire.


L'ossuaire de Roscoff, que représente notre gravure, donne une idée complète de ces petits édifices funèbres, dont la Bretagne possède encore un assez grand nombre. Il est situé près du mur à hauteur d'appui qui sépare le cimetière de la place: des arbres l'ombragent; dans ses murs de granit s'ouvrent deux étages de petites fenêtres; celles du bas sont presque carrées; celles du haut sont plus larges et cintrées; tout autour sont disséminés en tous sens, parmi de hautes herbes, les pierres tombales.
Dans la semaine, ce lieu est désert; les habitants sont à la récolte du varech ou bien dans leurs champs sablonneux, dont ils ont fait des jardins potagers d'une fertilité incomparable. Mais le dimanche, après la messe, ou les jours d'enterrement, les fidèles ne sortent pas de l'église sans s'arrêter dans le cimetière: les hommes debout, tenant à la main leurs chapeaux de feutre à larges bords, les femmes agenouillées, comme ensevelies sous leurs coiffes blanches et dans les plis de leur mantes noires, les uns et les autres graves, recueillis, se livrant aux pensées tristes, propres à la race bretonne. On croirait assister à une scène d'un autre âge.

Magasin pittoresque, 1877.

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