Iconoclastes
ou briseurs d'image.
ou briseurs d'image.
Une haine implacable contre les statues et les images de Jésus Christ, de la Vierge et des saints, a contribué à la destruction de beaucoup d’œuvres d'art en Europe à deux grandes époques de l'histoire moderne.
Ce fut d'abord dans la période où l'Occident se sépara définitivement de l'Orient, où la puissance temporelle des papes fut fondée et où la couronne des anciens empereurs romains reparurent sur la tête d'un Germain à demi barbare. Les troubles causés par les iconoclastes eurent la plus grande influence sur ces événements. La crise des images, qui ne fut définitivement terminée que dans le milieu du neuvième siècle par l'impératrice byzantine Théodora, avait été commencé par Léon l'Isaurien. Cet empereur, qui avait des qualités sérieuses, crut faire acte d'habileté et trouver un moyen de concilier les Juifs, les Arabes et les chrétiens, en promulguant un édit, celui de 726, par lequel il abolissait le culte des images dans tout l'empire. Ni la résistance de l'Italie, ni les remontrances du pape, ni celles du patriarche de Constantinople, ni plusieurs révoltes dans l'archipel Grec, rien n'arrêta les effets de sa volonté, qui devint furieuse devant les obstacles. Il sévit par le fer et par le feu d'une manière cruelle et sanglante. On l'a accusé, sans preuves cependant, d'avoir fait brûler la bibliothèque de Constantinople et jeter les bibliothécaires dans les flammes, afin de se débarrasser tout à la fois, et des images et des moines qui les honoraient. Ses successeurs fanatiques, imbus de la même idée, négligèrent comme lui l'Italie qui, menacée par les Lombards et sauvée par les Francs, se constitua indépendante de l'Orient, et fut à jamais perdue pour les empereurs de Byzance.
L'autre période d'iconoclastie fut celle où les chrétiens d'Occident se trouvèrent scindés par la réforme en deux grandes divisions, dont l'une, homogène et compacte, continua de reconnaître le pape comme chef suprême, et dont l'autre se décomposa en plusieurs fractions indépendantes, qui restèrent d'abord entre elles contre la suprématie de Rome catholique. Toutefois, en fait d'images et de statues, tandis que Luther ne les repoussait pas et même les admettait dans les temples selon une certaine mesure, Calvin, au contraire, les condamnait d'une manière absolue.
Ce sont les calvinistes qui, dans notre gravure, nouent des cordes autour du cou des statues pour les renverser sur le parvis et les briser à coups de pioche et de masse. Ils attaquent les tableaux avec la hache. Armés de scies et de torches, ils recherchent, pour les scier, les têtes des saints ou d'anges sculptées parmi les ornement architecturaux, et, pour les livrer aux flammes, les images, statuettes et reliques.
L'estampe que nous reproduisons est tirée d'un recueil de 386 gravures, conservées à la Bibliothèque de l'Institut sous le titre d'Evénements du seizième siècle. Une légende, écrite en vieil allemand et en caractères peu lisibles, déclare que la religion de Calvin, après un petit nombre de prédications, a soulagé l'orage, et que pas une image ne subsistera, que toutes seront détruites en peu de temps. Cette légende ne nomme pas le lieu de la scène, mais sa date du 20 août 1566 démontre que la gravure retrace les faits de ce jour mémorable dans les annales de la ville d'Anvers, à l'époque de la grande insurrection de 1566, raconté en détail par Schiller dans son histoire des Pays-Bas sous Philippe II. Les iconoclastes accomplirent des actes de destruction semblables, à partir de ce jour-là, dans plus de quatre cents villes, villages, couvents ou chapelles, malgré l'acte d'accommodement signé par la duchesse gouvernante, le 23 du même mois d'août, avec les membres de la noblesse qui avaient provoqué l'insurrection.
Le mouvement populaire et calviniste contre les images se trouva fortement accru par l'adjonction de tous les bandits et pillards du pays, qui s'emparaient, sous prétexte de religion, des trésors des églises et des objets précieux renfermés dans les tombeaux. Il s'y mêla aussi la résistance politique contre l'Espagne. Ce serait donc une injustice d'attribuer toute la dévastation au fanatisme calviniste. Dans les Pays-Bas, il y eut peu d'attaques contre les personnes, et les excès se bornèrent à très-peu près aux destructions matérielles. Mais la vengeance de l'Espagne contre les personnes fut impitoyable. On décapita, on écartela et l'on pendit à outrance. On brûla vif des hommes, on enterra vive des femmes. Les édits de Charles-Quint et de Philippe II conduisirent aux tortures et aux supplices de cinquante mille personnes; quelques historiens disent même cent mille.
1552 avait été en France l'année principale du déchaînement des iconoclastes contre ce qu'ils nommaient des monuments d'idolâtrie.
"Ce fut le 21 avril, dit Henri Martin, que commença l'oeuvre de dévastation qui devait dépouiller la France de cette antique parure que les âges modernes ont su détruire, mais n'ont pas su remplacer encore. Les soldats et les bourgeois réformés envahirent les églises d'Orléans, brisèrent les statues, renversèrent les autels, brûlèrent les chaires et les boiseries... La hache retentit d'un bout de la France à l'autre, ce qui avait été bâti en quatre cents ans était détruit en un jour!"
Les chefs du parti calviniste s'efforcèrent en vain d'arrêter les excès de leurs coreligionnaires. Théodore de Bèze, réformateur calviniste contemporain, raconte que, "le XXI avril, on ne put empêcher une terrible exécution d'images abattues en moins de rien à Orléans, combien que le prince, avec l'amiral et autres de leur suite, accourant au grand temple de Sainte-Croix, y donnassent coups de bâton et d'épée; même étant apperçu quelqu'un qui étoit après abattre une image bien haut montée, et le prince ayant saisi une arquebuse pour tirer contre, il lui répondit ces propres mots: "Monsieur, ayez patience que j'aie abattu cette idole, et puis je meure s'il vous plait." Cette résignation convaincue devant la mort et cette naïveté de foi dans la destruction arrêtèrent le prince, qui crut y voir l'expression de la volonté divine.
Les briseurs d'images prétendaient se justifier par la nécessité religieuse de soustraire à une adoration idolâtre les objets qui excitaient l'idolâtrie. Ils s'appuyaient sur les prescriptions de Moïse qui, pour détruire le culte des idoles chez les juifs, avait défendu de faire, de servir, d'adorer les figures taillées, et avait puni de mort vingt-trois mille Israélites, après avoir mis le veau d'or en poudre.
Autres temps, autres mœurs. Il faut reconnaître que la doctrine de l'église romaine a toujours été de ne déférer aux images qu'un culte relatif et subordonné.
Le concile de Trente, confirmant les explications antérieures des évêques, autorise les fidèles "à conserver dans leurs églises, les images du Christ, de la bienheureuse vierge et des autres saints; non pas, ajoute-t-il, qu'on puisse croire qu'il y ait dans les images quelque vertu en vue de laquelle on les vénère, ou on leur adresse des prières, ou on leur accorde la confiance, mais parce que l'hommage qu'on leur témoigne remonte au modèle qu'elles représentent."
Nous pouvons, il est vrai, nous demander si la distinction a toujours été bien faite, et si des gens ignorants n'en arrivèrent pas à considérer les images et les statues de la même manière que les païens, pleinement convaincus que, par la consécration, les divinités elles-mêmes habitaient les statues et les images.
Qu'il y ait eu et qu'il y ait encore, malgré les enseignements de l'Eglise, des abus de ce genre, c'est plus que probable; mais on ne saurait conclure de l'abus d'une chose à sa destruction.
Magasin pittoresque, 1877.
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