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lundi 19 janvier 2015

Les charlatans à Londres.

Les charlatans à Londres.


Pendant l'horrible peste qui ravagea Londres en 1665, un nombre incroyable de charlatans exploitèrent la terreur et la crédulité populaires. Presque dans chaque rue, on voyait exposés aux portes de certaines maisons des bustes grossiers de Merlin l'enchanteur ou de frère Bacon: c'étaient des enseignes d'astrologues, de nécromanciens, de chiromanciens et autres sorciers de toute espèce. Une foule d'individus venaient demander s'ils étaient en danger d'avoir la peste, et ces fourbes, après avoir consulté les astres, étudié leurs mains, ou fait apparaître des images dans des boules de cristal, répondaient toujours affirmativement; car il était de leur intérêt d'entretenir l'effroi dans les âmes, autrement leur clientèle eût été moins nombreuse. Les prédicateurs s'élevaient en vain avec beaucoup de véhémence contre ces pratiques superstitieuses; il leur était impossible de convaincre tous ces pauvres esprits ignorants, terrifiés par la crainte de la mort.
Une autre classe de gens couvraient les murs d'affiches où ils annonçaient des remèdes et des spécifiques infaillibles contre la peste. On lisait de toutes parts en gros caractères:
- Pilules préventives,
- Préservatifs assurés contre l'infection,
- Cordial souverain contre la corruption de l'air,
- Règles précises pour l'hygiène pendant l'infection,
- Pilules antipestilentielles,
- Liqueur incomparable contre la peste, inconnue jusqu'à ce jour,
- Remède universel pour la peste,
- La seule "eau de peste" véritable,
- L'antidote roral,
- etc. , etc.
Parmi les annonces recueillies par les historiens de l'année 1665, on remarque les suivantes:
- Un célèbre médecin des Pays-Bas, arrivé récemment de Hollande, où il a habité Amsterdam pendant toute la durée de la peste en 1664, et guéri un nombre infini de personnes infectées, a ouvert un cabinet de consultation, etc. , etc.
- Une dame italienne, arrivée de Naples, possède un secret dont le succès a été prouvé par un très-grand nombre de cures en cette ville, où il a péri 20.000 personnes en un jour.
- Une dame âgée, qui a sauvé la vie à beaucoup de personnes pendant la peste de Londres en 1636, s'adresse uniquement aux femmes. On peur s'adresser, etc.
- Constantine Rhodocanaceis, Grecque, vend à très-bas prix l'admirable préservatif contre la peste qui servit à Hippocrate, le prince des médecins, pour sauver la Grèce entière de la peste, etc. Elle demeure à Londres, à côté de l'auberge des Trois-Rois, dans les bâtiments de Southampton, etc.
- Le docteur Stephanus Crysolitus, fameux médecin, arrivé depuis peu de jours, et qui a longtemps parcouru divers pays désolés par la peste, a eu le bonheur de découvrir qu'avec le secours de Dieu on peut se préserver de la contagion en mangeant le matin à jeun des raisins du Soleil et plus tard des raisins de Malaga, soit bouillis, soit cuits au four. Il donne cet avis par amour du bien public, etc.
Un journal, l'Intelligencer, annonce un antidote sous le nom de Spiritus antiloimondes.
- Un médecin expérimenté qui a longtemps étudié la doctrine des antidotes contre toutes sortes de poisons et d'infections, est parvenu, après quarante ans de pratique, à la certitude de prémunir, avec la grâce de Dieu, toute personne contre quelque indisposition contagieuse que ce soit. Il soigne les pauvres gratuitement.
Cette promesse de gratuité était très-commune: mais ce n'était qu'un piège. Lorsque de pauvres gens se présentaient chez ces médecins charitables, on leur disait: "Nous donnons pour rien nos avis, mais non notre médecine." Il fallait payer.
Il y avait, au-dessous même de tous ces prétendus médecins, des charlatans qui annonçaient et qui vendaient eux-mêmes leurs drogues sur les places publiques et dans les rues. Ils s'affublaient des costumes les plus bizarres pour appeler l'attention et faire supposer qu'ils arrivaient de contrées lointaines. Heureux s'ils pouvaient se procurer, outre de vieilles défroques de mascarade, un singe ou un oiseau étranger pour donner plus de vraisemblance à leurs mensonges. Ils déposaient à terre leurs fioles, leurs onguents, leurs poudres, leurs pilules ou leurs amulettes, en agitant quelquefois des pancartes sur lesquelles étaient figurées des formule d'exorcisme, et en particulier, le célèbre mot ABRACADABRA, disposé en pyramide inversée.


La gravure que nous reproduisons date du temps même de la peste, qui dura plus d'une année: elle a été publié dans l'Histoire populaire de l'Angleterre par Charles Knight.

Magasin pittoresque, 1870.

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