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lundi 13 janvier 2014

Les facteurs en grève.

Les facteurs en grève.


Notre beau pays vient de l'échapper belle! Grâce au vote du Sénat, renvoyant aux calendes grecques, l'augmentation des facteurs votée par la chambre des députés, tous les hommes de lettres, qui vivent sous la férule de M. Mougeot ont fait mine de rendre leurs boites. En clair, nous avons eu une grève des facteurs, grève éphémère, il est vrai, mais qui n'en a pas moins troublé la vie sociale pendant plus de vingt-quatre heures.



Or, jeudi matin, à l'aube, plus de 2.000 facteurs, la boite au côté, et de la résolution dans les yeux, stationnaient aux abords de l'Hôtel des postes, devisant et s'entretenant de la rapacité des Pères Conscrits.




Cette agitation anormale s'accentua encore, lorsqu'à l'heure du courrier, les négociants parisiens n'aperçurent point la silhouette légendaire du messager commissionné.
De tous les coins de la capitale, arrivaient des cyclistes chargés de constater si un cataclysme nocturne n'avait pas rasé la palais de la rue Jean-Jacques Rousseau.
La matinée se passa sans incident notable. Le président du Conseil, du reste, avait bien fait les choses: dans la cour couverte campait un bataillon de gardes municipaux, tandis que par petits groupes, et sous l’œil paternel de M. Mouquin, des agents n'attendaient qu'un signe pour intervenir.



L'après-midi sans être positivement à l'orage, fût plus nuageux. On abdiqua un peu de dignité pour se gourmer entre képis
Quelques facteurs enfermés dans le Hall couvert essayèrent de franchir la grille en emportant leurs boites, sorte de symbole maître Jacques qui sert à la fois à transporter les lettres et à prouver qu'on est en activité de service.
Après un pugilat que nos photographies reproduisent, force resta à la loi.




Pendant que cette ébauche de désordre se passait dans la rue, le sous-secrétaire des postes et télégraphes prenait des mesures pour assurer le service: 1.500 hommes de troupes, lignards et municipaux, quittaient le fusil pour le sac et la boite, et se métamorphosaient en facteurs, compliquant ainsi la mythologique figure de Mars, en chaussant des sandales ailées.




Les Parisiens, avides de spectacles nouveaux s'en sont donné à cœur joie; en effet, rien n'était plus amusant que ces braves soldats embarrassés de sacs invraisemblables, allant de porte en porte, interrogeant, furetant, jusqu'à la découverte du destinataire caché.
Ces différentes scènes de la rue ont donné la note gaie à un événement qui a mis Paris, les ministres et le Parlement en rumeur. 
Malheureusement pour les facteurs, leurs réclamations n'ont pas été écoutées, et, heureusement pour nous, ils n'ont pas persisté dans une grève qui aurait pu avoir de graves conséquences.

                                                                                                    Jean Carmant.

La Vie Illustrée, 25 mai 1899.

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