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mardi 28 janvier 2014

Nettoyage des rues à la machine.

Nettoyage des rues à la machine.


Nous avons donné, il y a quelque temps, des détails sur l'importance du travail continu auquel il faut se livrer dans les grandes villes, et notamment à Paris, pour maintenir les rues à peu près en bon état de propreté: il faut lutter contre les causes multiples qui entraînent la production de déchets, de détritus, d'immondices innombrables souillant le sol des rues. Tout particulièrement, dans les rues, il faut évacuer les boues résultant de l'usure des chaussées, les immondices provenant de la circulation et du stationnement des chevaux sur ces mêmes chaussées. En outre, le nettoyage proprement dit a besoin d'être accompagné d'un arrosage: tantôt cet arrosage a simplement pour but d'abattre les poussières, de les alourdir pour qu'elles ne se soulèvent pas en nuage; tantôt l'arrosage doit nettoyer par lui-même la chaussée, qui est "graisseuse", à laquelle les boues se collent, étant particulièrement difficile à enlever; dans ce cas, il s'agit d'un véritable lavage soit précédant soit accompagnant le balayage.
Pour coûter fort cher, pour nécessiter à Paris, par exemple, une armée d'employés que l'on paye cher, étant donné l'effort minime qu'on leur demande et les connaissances professionnelles infimes dont ils ont à faire preuve; le nettoyage des voies urbaines ne se fait encore le plus généralement que suivant des procédés très primitifs et avec des résultats forte médiocres. Pour le balayage, à la vérité, on a imaginé depuis pas mal de temps, des balayeuses mécaniques tirées par un cheval: sortes de chariots spéciaux, à l'arrière desquels et obliquement se trouve un balai cylindrique tournant, mis en rotation par le mouvement même des roues du chariot. Nous n'en sommes plus heureusement à l'époque où le balayage de la chaussée s'effectuait à bras d'homme; ce travail ne se fait plus de la sorte que pour les trottoirs. On a essayé de perfectionner la balayeuse mécanique en la dotant de ce qu'on appelle des rabots en caoutchouc, des lames de caoutchouc tout à fait analogues à celle que les cantonniers de la Ville promènent sur les trottoirs et sur le bitume, pour en chasser l'eau et les boues. Ces lames de caoutchouc nettoient de façon remarquable; et un ingénieur, M. Mazerolle, avait eu l'idée de compléter la balayeuse ordinaire à balai par des raclettes en caoutchouc fixées au châssis et poussés par la machine au contact même du bitume. Quoi qu'il en soit, ces véhicules à chevaux ne circulent que fort lentement en soulevant énormément de poussière sur leur passage; et il ne faut pas songer à les compléter par un réservoir d'eau qui arroserait la chaussée avant que le balai passe: l'ensemble pèserait beaucoup trop lourd pour un cheval, même peut être pour deux. On a la ressource de faire arroser à la lance, c'est à dire à bras, par les cantonniers, avant le passage de la machine; mais déjà cette dernière gène considérablement la circulation, et c'est bien autre chose s'il faut que la rue soit barrée par les tuyaux d'arrosage. D'ailleurs, l'arrosage à la lance inonde la chaussée et forme des flaques d'eau, quand il ne dégrade pas le sol et ne transforme pas la poussière en une boue abondante; le jet d'eau puissant sortant de la lance est au surplus peu maniable et peut éclabousser assez facilement  les piétons.
C'est pour toutes ces raisons que l'on a renoncé à l'arrosage à la lance chaque fois qu'on l'a pu et que l'on a mis à contribution des tonneaux attelés d'un cheval, tout comme les balayeuses mécaniques automobiles. Ce tonneau ne peut circuler qu'à allure assez lente, à cause du poids d'eau que contient le récipient métallique auquel on réserve le nom de tonneau, quoiqu'il en ait plus guère la forme. Ce récipient se vide néanmoins assez vite et il faut que l'appareil retourne à une prise d'eau pour aller se ravitailler, ce qui fait perdre beaucoup de temps. Nous n'avons pas besoin de dire que ce tonneau circulant lentement au milieu des voitures, est lui aussi une gène pour la circulation. mais ce qui est impossible pour le muscle humain, même aidé du muscle animal, pour les balayeuses hippomobiles, comme on les appelle souvent, pour les tonneaux d'arrosage également traînés par des chevaux, ce qui est encore plus impossible quand il s'agit de réunir sur un même véhicule un récipient contenant de l'eau et un balai automatique; tout cela devient parfaitement possible avec la mise à contribution de la machine et des moteurs automobiles, qui font merveille à tous égards.
Déjà toute une série de villes plus ou moins importante possèdent des arroseuses et des balayeuses automobiles. C'est le cas bien entendu pour Paris, qui devait disposer jusqu'ici d'une armée véritable de balayeuses à chevaux et de tonneaux d'arrosage du même genre, ne réussissant que très imparfaitement à faire une besogne peu satisfaisante elle-même. il en est de même à Saint-Ouen, dans la banlieue de Paris, à Versailles, au Havre, à Deauville, à Monte-Carlo, ainsi qu'à Berlin, à New-York et dans beaucoup de villes des Etats-Unis. A Berlin, on a poussé le luxe jusqu'à employer un véhicule électrique, jouant le rôle simultané d'arroseuse et de balayeuse. Le courant nécessaire au moteur de la voiture est fourni par des accumulateurs disposés dans une boite spéciale sur le véhicule. C'est tout à fait à l'avant du véhicule que se trouvent deux dispositifs latéraux permettant de projeter l'eau en avant du véhicule et sur les côtés; si bien que le balai qui est à l'arrière de cette voiture électrique attaque des poussières suffisamment humidifiées pour qu'elles ne volent point dans l'air.
A Paris, il y a déjà un certain temps que des balayeuses automobiles et des balayeuses-arroseuses également automobiles, ont été mises en essai. La maison de Dion-Bouton en a fourni  un certain nombre dont le moteur à une puissance de 10 chevaux. Ce type  de véhicule municipal est doté de deux systèmes d'arrosage: il y en a un qui est un véritable pulvérisateur installé exactement à l'avant du balai, et auquel une petite pompe commandée par le moteur de la voiture envoie l'eau; d'autre part, il y a deux distributeurs arroseurs, qui peuvent largement mouiller la chaussée par les grandes chaleurs, quand il s'agit d'abattre la poussière pour longtemps, de la rendre très humide. Quand celui-ci fonctionne comme arroseuse et balayeuse simultanément, il marche à une allure de 9 kilomètres, qui est beaucoup plus du double, presque le triple de l'allure des arroseuses et balayeuses ordinaires traînées par des chevaux.
Tout récemment, une maison connue spécialement pour la construction des appareils d'arrosage et de balayage jusqu'ici employés dans les services municipaux des grandes villes, la maison parisienne Durey-Sohy, qui pendant des années et des années a fourni à Paris les tonneaux d'arrosage et les balayeuses à chevaux, vient de combiner une arroseuse-balayeuse automobile qui est le dernier cri, pour employer le terme à la mode. 



Ici l'on s'est contenté d'un moteur d'une douzaine de chevaux, disposé à l'avant du véhicule, de visite très facile et commandant la marche de la voiture aussi bien que la rotation du balai, ou, si cela est nécessaire, la projection de l'eau. La machine comporte un système d'arrosage à pulvérisation, qui permet d'humecter les poussières, afin d'empêcher leur mise en suspension dans l'air. L'arrosage donne aussi le moyen de balayer les boues les plus épaisses, en les rendant plus liquides, la quantité d'eau versée sur le sol pouvant être à volonté faible ou abondante. Ici aussi, naturellement, nous trouvons une pompe aspirant l'eau dans le récipient qui est à l'arrière du véhicule (récipient métallique qui paraît très bien dans la photographie que nous donnons), et la comprimant dans la rampe munie de pulvérisateurs placée devant le balai. Une balayeuse-arroseuse automobile de ce genre ne pèse pas plus de 2.000 kilos, et elle balaye en une seule fois sur une largeur de 1.80 m. D'ailleurs, on peut avoir avantage à employer des arroseuses automobiles qui ne sont qu'arroseuses, qui ne possèdent pas de balai, quand on est dans une ville où il y a de vastes surfaces à arroser, de façon pour ainsi dire constante, durant les journées d'été. Alors l'arroseuse automobile peut parcourir les rues et les avenues à grande vitesse, tout en ayant le temps de mouiller très suffisamment la surface des avenues.
A première vue, il est difficile d'imaginer la supériorité d'un engin de cette sorte sur les appareils traînés par des chevaux. Pour une arroseuse automobile, on a calculé qu'elle peut effectuer autant de travail dans une journée, que huit tonneaux d'arrosage qui seraient traînés par des chevaux; elle n'a besoin que rarement de renouveler son approvisionnement d'eau, et elle arrive à arroser dans une heure au moins 20.000 mètres carrés. Sans doute, il faut payer relativement cher le mécanicien, le chauffeur qui conduit cet appareil, et l'aide qui lui est nécessaire; néanmoins, on arrive à réaliser une économie de 60 pour 100 peut être sur le prix de l'arrosage hippomobile. Pour une balayeuse automobile, elle balayera facilement dans son heure 11.000 mètres, ce qui correspond au travail de quatre balayeuses ordinaire à chevaux, et l'économie est ici de 50 pour 100.

                                                                                                          Daniel Bellet.


Le Journal de la Jeunesse, premier semestre 1913.

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