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lundi 13 janvier 2014

Le Carnet de Madame Elise.

Ministre des finances domestique.

Rien n'est plus navrant que le spectacle d'un de ces ménages mal compris dans lesquels la femme, n'ayant point d'argent à sa disposition, est obligée de l'arracher pièce par pièce à son mari, pour ses achats; cette nécessité la place dans une situation tout à fait inférieure. N'ayant pas la noble responsabilité de ses dépenses librement faites, elle acquiert forcément une âme de subalterne; son but unique est d'obtenir par la ruse ou la persuasion, la plus grosse somme possible et elle se désintéresse de leur fortune puisque son mari ne daigne pas la tenir au courant de ses calculs.
La femme perd ainsi son beau rôle d'associée; elle n'éprouve pas le désir d'économiser, puisqu'elle n'aura pas la légitime satisfaction de contempler son oeuvre et de voir se transformer en rentes solides, en épargnes, toutes ses privations.
Il est difficile de modifier un tel état de choses; il est plus facile de ne pas le laisser se former.
Lequel des deux conjoints en est responsable?
L'homme est autoritaire, cela est bien certain; il éprouve le besoin impérieux de s'affirmer maître en tout et, naturellement, il se propose de tenir la bourse.
Mais si l'absolutisme dans la direction lui tient au cœur, en principe, il n'aime pas beaucoup à s'embarrasser des détails; il n'a pas les dispositions d'esprit tatillonnes et minutieuses qui sont indispensable pour compter fréquemment, prévoir les petites économies, surveiller le gaspillage. Tous ces travaux reviennent de droit à l'épouse économe et il les lui laissera volontiers s'il reconnait, dès le début, chez elle, la sagesse nécessaire pour remplir ce rôle.
Malheureusement, beaucoup de jeunes mariées ont agi comme des enfants gâtés; elles voulaient des bijoux, des meubles coquets, au premier refus, elles pleuraient comme des bébés; pourquoi s'étonner ensuite qu'un mari, gagnant péniblement son salaire, se refuse à le leur confier?
C'est donc dès l'abord qu'une jeune femme avisée s'applique à mériter la confiance entière de son époux; elle établit, avec lui, le budget prévoyant qui doit guider le ménage. Le détail de la répartition du revenu importe peu ici; rang social à tenir, constitution faible à ménager, quartier à habiter, sont des éléments multiples de modifications. Une femme sage ne se laisse pas entraîner, dans sa répartition, par la vanité, la coquetterie, le besoin d'occuper une situation brillante; elle songe à la dignité de son foyer, à la sécurité de l'avenir.
Le tableau dressé, il faut le suivre exactement.
L'argent de chaque mois est divisé en: loyer, nourriture, habillement, économie, divers, etc.
Je conseille fortement à la maîtresse de maison, dès qu'elle recevra la totalité de son allocation mensuelle, de la répartir effectivement dans autant de coffrets spéciaux qu'il y a de rubriques; elle aura la boite nourriture, la boite habillement, etc.
Par ce procédé,  elle ne risque pas de faire des virements de fonds inconscients qui la mettraient, par la suite, dans un cruel embarras. Ainsi, chaque mois, la boite nourriture doit se vider très uniformément; au contraire, en juin, par exemple la boite habillement doit rester pleine et préparer des réserves pour octobre, au moment où l'on renouvelle sa garde-robe d'hiver.
Bien entendu, le mari doit conserver la haute direction financière, c'est lui qui gère le capital, opère les placements; il se réserve une certaine somme d'argent de poche dont il ne doit compte à personne. Et, bien que sa femme ait un rôle important dans la distribution des revenus, elle doit éviter d'exercer sur lui un contrôle indiscret. D'ailleurs, elle aurait tort de se préoccuper sur ce point; il est rare que celui qui possède une femme très ordonnée, très économe, garde jalousement ses prérogatives; il aime au contraire à l'initier à ses inquiétudes comme à ses espérances.

                                                                                                              Madame Elise.

Mon Dimanche, revue populaire illustrée, 3 mai 1903.


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