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vendredi 31 janvier 2014

La clef des Sociétés secrètes.

La clef des Sociétés secrètes.


Il y a, dans tous les pays, des sociétés secrètes. Elles ont des signes secrets qui permettent à leur membre à se reconnaître entre eux, et aussi, au besoin, de faire entrer dans l'esprit des profanes et des étrangers certaines choses que des mots exprimeraient de façon moins éloquente.

La "Main Noire" d'Amérique.

A New-York, à Chicago, à Philadelphie, et dans beaucoup d'autres grandes cités américaines, opèrent des associations de bandits. L'une des principales est connue sous le nom de la "Main Noire". Elle se recrute à peu près uniquement parmi les Italiens et les Espagnols. Elle ne se propose d'autre but que de vider bourses et coffres-forts.
Un beau matin, quelque riche citoyen, sur lequel la bande a jeté son dévolu, reçoit une lettre marquée d'une main noire. Dans cette lettre, on lui intime l'ordre de verser, à telle date soigneusement fixée, telle somme bien précisée également. S'il n'a pas l'air de comprendre et tarde à s'exécuter, il reçoit une seconde missive. Celle-là porte, en guise d'ornement, deux os entrecroisés que surmonte une tête de mort. L'avertissement est très net et facile à pénétrer pour l'esprit le plus obtus. S'il n'y a encore pas de résultat, un troisième pli arrive, le dernier. Sur le papier, cette fois, est gravé un poignard rouge, image de celui qui, à bref délai, trouera la peau du récalcitrant, s'il s'obstine à ne pas obéir aux ordres de la "Main Noire".




La "Maffia" et la "Camorra" d'Italie.

Depuis des temps immémoriaux, la "Maffia" terrorise l'Italie, rançonnant tout le monde: banquiers, propriétaires, commerçants, cultivateurs. Elle se recrute dans toutes les classes de la société.
Ses membres gardent rigoureusement leurs secrets. S'ils tombent entre les mains de la police, s'ils sont traînés devant les tribunaux, ils se laissent condamner, même à mort, sans rien trahir de leurs serments, les lèvres closes.
Naples a la "Camorra" qui n'est autre qu'une "Maffia". Quelles sont les origines de la Camorra? Très anciennes aussi. Certains disent qu'elle vient des Espagnols, qui l'auraient empruntée aux Maures. Toujours est-il qu'elle a de hautes prétentions. Elle prétend, ni plus ni moins, que c'est elle qui maintient le bon ordre et le respect de la morale, à Naples. Le fait est qu'elle y règne en maîtresse absolue.
Elle s'est conformé aux divisions administratives de la ville, au nombre de douze. Elle a douze sections, sous les ordres de douze chefs ou maîtres. Chacun d'eux travaille comme il l'entend, avec une complète indépendance, dans sa section. Mais quand il y a des mesures d'intérêt général à prendre, les douze se réunissent, en une sorte de conseil suprême, sous la présidence d'un Major, et les décisions qu'ils arrêtent sont obligatoires.
Dans chaque section il y a une salle de réunion, et un bureau financier, où l'on encaisse et où l'on paye. Le maître y vient régulièrement avec son secrétaire. Pour être reçu camorriste, ce qui est un titre d'honneur et une profession des plus lucratives, très recherchée des familles, il faut passer par différentes épreuves. On est d'abord picciotto. On se rend habile au maniement du couteau. Un compagnon dédaigne-t-il de voler, d'opérer lui-même? Le picciotto travaille à sa place. Y a-t-il un assassinat à commettre? Deux picciotti se battent en duel au premier sang. Le triomphateur se substitue au compagnon qui ne veut pas marcher, et reçoit la charge glorieuse d'exécuter la victime désignée. 



Après quoi, il est jugé digne d'être proclamé compagnon lui-même. Sa carrière est alors assurée. Il fait rentrer les impôts, met à contribution les marchands, les joueurs, les étrangers, tous ceux qui ont et qui manient de l'argent. Chaque semaine, il apporte sa collecte au maître, qui en font trois parts: 25 % pour lui, 50 % pour le compagnon; 25 % pour le trésor commun de la "Camorra".
Si vous allez à Naples, gardez-vous de faire fi des camorristes. Il vous en cuirait. Les Anglais, qui sont de grands voyageurs devant l’Éternel et qui ont le souci de se montrer gens pratiques en toutes choses, commencent par prendre leurs précautions, dès l'arrivée. Ils s'entendent avec la "Camorra", font leur prix, paient, et s'en trouvent à merveille.
Les membres de l'Association se reconnaissent entre eux par différents moyens. Après avoir, le jour de sa réception, prêté serment sur un crucifix de fer, le compagnon reçoit deux poignards. Sur le manche de chacun de ces poignards sont gravés des signes mystérieux que le chef change souvent. Un camorriste se demande-t-il, en face d'un inconnu, s'il se trouve en face d'un frère? Il se jette sur lui, le prend à la gorge, de la main gauche, et, de la main droite, tire de sa gaine l'un de ses terribles poignards. Si l'autre est réellement un camorriste, il donne le mot de passe et montre aussi le manche  de ses poignards, pendant que, en signe de camaraderie plus complète encore, tous deux vident leurs poches et font du contenu un tas qu'ils se partagent.


Les "Enfants de la Hache".

En Californie, la société secrète la plus célèbre est celle des "Enfants de la Hache".C'est le nom qu'on lui donne dans le public. Entre eux les "Enfants de la Hache" s'appellent aussi les "Hip Sing Tongs" ou bien les "Suey Sing Tongs". Ce sont des Chinois, qui se proposent surtout de défendre et de protéger ceux de leur race.
Ils ont naturellement, leurs signes particuliers, qui varient, souvent, d'une ville à une autre. En général, ils se reconnaissent à la façon de boire leur thé, de tenir leur tasse, de placer la cuillère dans la tasse ou de l'approcher de leurs lèvres.
Ce qu'on va lire est-il un canard d'Amérique ? Nous sommes fort portés à le croire.

Les "Frères de la Côte".

On raconte là-bas, outre-Atlantique, , et les journalistes impriment dans leurs journaux, que nous possédons en France, une société secrète dont le nom fait beaucoup de bruit dans le monde et qui compte un nombre relativement formidable de membres, plus qu'aucune autre société du même genre: près de trois millions.
Pour notre part, nous ignorions tout cela, avant les révélations américaines. D'après ces révélations, nous avons cherché et contrôlé. Nous n'avons rien découvert.
Il s'agirait de la société des "Frères de la Côte". Pour en faire partie, il faudrait avoir au moins quatorze ans et pas plus de vingt. Elle serait composée exclusivement de jeunes gens élevés chez les Jésuites, les Dominicains, dans les collèges tenus par des congréganistes. Son but serait la propagation de l'athéisme et la destruction de l'Eglise romaine.
Les affiliés portent, paraît-il, tatouées en couleur sur le bras, deux lettres majuscules: A, D, qui signifient: Anti-Dieu.
Il va de soi qu'un second but des "Frères de la Côte" est de soutenir et de défendre leurs droits, en toute occasion.
Ceux qui trahissent leurs serments sont durement châtiés.
On leur sculpte une croix, à coups de couteau, dans la chair du bras, ou bien on leur coupe les lobes des oreilles.
Les lettres A, D, ne sont pas les seules marques dont s'orne la peau de ces messieurs, ils y joignent un croissant d'un rouge vif.




Les chefs ont, de plus, un tatouage spécial à la main droite.
A tous ces signes, les "Frères de la Côte" sont évidemment très reconnaissants.
Ils ont leur quartier général à Paris. Si nos lecteurs, plus heureux que nous, découvraient quelques uns de ces intéressants personnages, nous les prions de vouloir bien donner l'adresse à Mon Dimanche.
Les sociétés secrètes furent surtout prospères et nombreuses en France sous la Restauration.
Le retour des Bourbons avait privé de leurs postes et de leurs traitements une foule de fonctionnaires, d'officiers surtout qui exécraient le nouveau régime et appelaient de tous leurs vœux le retour de Napoléon. Ces mécontents s'unirent en vastes associations secrètes et prirent le nom de carbonari (pluriel du nom italien carbonaro, charbonnier, qui était celui des membres de l'Association formée pour chasser l'étranger du territoire transalpin).
Les carbonari devinrent rapidement nombreux et puissants.
Un grand nombre de députés s'affilièrent à la secte; dès 1822, on comptait en France plus de 60.000 carbonari. L'Association fut organisée en comité locaux nommés vente: le but suprème de tout carbonaro était le reversement de la monarchie.
Le mouvement insurrectionnel, longuement préparé, devait débuter par une sédition militaire à Belfort.
Les conjurés, au dernier moment, furent trahis, la sédition réprimée, son chef, le colonel Caron, fusillé. Par toute la France, les carbonari furent traqués, découverts, jugés, mis à mort ou envoyés au bagne. Ainsi moururent le général Berton, Saugé, Caffé, etc.
Et quatre humbles carbonari, guillotinés le même jour, ont laissé un souvenir ému dans l'imagination populaire: qui ne connait l'histoire touchante et mélancolique des quatre sergents de la Rochelle?

Mon Dimanche, revue populaire illustrée, 7 janvier 1906.

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