Translate

samedi 11 janvier 2014

Les conscrits qui trichent.

Les conscrits qui trichent.


Voici venue l'époque des conseils de révision. Par toute la France, les conscrits vont s'offrir dans la tenue de notre père Adam aux regards des médecins-majors qui leur décerneront pour la plupart du moins le fameux "bon pour le service"; mais il y eut des conscrits, à l'étranger surtout, qui ne veulent pas être déclarés "bons pour le service"; nous allons voir comment ils s'y prennent pour échapper à la caserne.


Pour ne pas coiffer le casque à pointe.

Une récente enquête vient d'établir qu'en Allemagne les populations rurales cherchent, comme par le passé, à se libérer de la conscription militaire, grâce à des subterfuges qui ne demeurent pas toujours inoffensifs. En France il n'en est pas de même. Nombre de cas de réforme sont constatés au corps. Et les conscrits savent que les simulateurs s'exposent à des peines disciplinaires vraiment rigoureuses. Voici comment opèrent les paysans allemands pour ne pas endosser l'uniforme.
En absorbant des pilules d'acide picrique, ils acquièrent une jaunisse momentanée et des troubles cardiaques qui en imposent aux médecins militaires. Certains d'entre eux, grâce à une drogue spéciale, arrivent à se rendre sourds aussi longtemps que peut durer l'examen de révision. D'autres enfin, se gorgent de sang, pour asperger de vomissements rouges les personnages chargés par Guillaume II de recruter son armée.
Quelques autres, suivant les conseils des commères, absorbent de telles quantité de vinaigre, pour rendre souffreteuse leur mine gaillardement épanouie, qu'ils échappent au régiment, mais rendent des comptes à la Camarde.

Une singulière industrie.

Les moujiks russes ne sont pas plus empressés de servir le Tsar que les villageois d'outre-Rhin de devenir soldat du Kaiser. et l'on vient de condamner, à Moscou, une vieille femme qui avait fait fortune en truquant les jeunes sujets de Nicolas II.
Grâce à l'application de certaines herbes spéciales, les clients de cette mégère se fabriquaient sur les bras, sur les jambes des plaies suppurantes, d'aspect hideux, mais nullement dangereuses. D'autre, en se frottant de teinture d'iode trop vieille, créaient sur leur épiderme des vésicules jaunâtres.
Ou bien, la mère des mauvais conscrits injectait à l'aide de la seringue de Pravaz, une préparation au pétrole, sous le derme des doigts et des orteils des paysans, ce qui amenait une contraction des jointures.
Toutes ces supercheries n'exemptaient pas toujours les patients du service militaire, mais la vieille entassait roubles sur roubles. Sa petite fortune, n'est-ce pas justice?, vient d'être confisqué par l'Etat.
Nous avons dit qu'en France les conscrits trichent difficilement. La plupart d'entre eux ne songent pas à se soustraire à l'impôt du sang qui est surtout un impôt de patience et de résignation. D'ailleurs les médecins militaires se montrent plutôt enclins à ne pas reconnaître les maladies que l'on ne feint pas. Les bons soldats de nos jours payent les dettes des anciens "fricoteurs".
Et le petit pioupiou millionnaire Max Lebaudy mourut, sous les armes, d'une affection des voies respiratoires, parce que les médecins militaires avaient redouté une supercherie.

Mon Dimanche, 5 avril 1903.


Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire