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dimanche 19 janvier 2014

Le Gymnote.

Le Gymnote.

Nous avons tenu nos lecteurs au courant des essais faits par les constructeurs du Gymnote dans la rade de Toulon; la tentative de M. Zédé trouve des imitateurs: à Cherbourg, on expérimente un autre bateau sous-marin, le Goubet et les journaux italiens nous apprennent qu'un torpilleur du même genre, mais de forme sphérique, vient d'être lancé dans la Méditerranée. Il y a longtemps, du reste, que l'on cherche à construire des navires pouvant disparaître à leur gré sous les flots et l'on connait à ce sujet les tentatives de Fulton en Amérique. A cette époque, on vit apparaître toute une série de bateaux plongeurs, plus étranges et moins pratique les uns que les autres; aucun ne donna de résultats satisfaisants.
Le Gymnote, dont nous donnons aujourd'hui deux vues, semble avoir résolu le problème, au moins en partie; quoiqu'encore bien imparfait, il aura fait faire, au moins, un grand pas à la question.




Le nouveau sous-marin est fuséiforme, il mesure 17,20 m. de long et 1,80 m. de large; sa coque, en tôle, très lisse, est faite de pièces boulonnées. Très pointu à l'avant, le Gymnote se termine à l'arrière, par quatre gouvernails et une hélice de propulsion. Ces gouvernails agissent par paires; ceux disposés au dessus et au dessous de la coque sont destinés à diriger le navire dans sa marche directe et les deux autres, fixés au flanc du bateau, règlent sa position horizontale quand il plonge. L'immersion s'obtient au moyen de réservoirs à eau placés à l'avant et à l'arrière qui se remplissent automatiquement. Quand le capitaine veut faire plonger son navire, il fait rentrer un tube de vision, placé au centre de la coque, met les gouvernails horizontaux en mouvement et disparaît; mais c'est là le point faible du Gymnote: aussitôt qu'il ne flotte plus à la surface, le navire est aveugle; celui qui le conduit n'a plus aucun moyen de voir où il va, de se diriger; espérons que l'on saura remédier à ce grave inconvénient.





L'hélice est mise en mouvement par l'électricité; le moteur consiste en une machine construite par les forges et chantiers du Havre, sur les plans du capitaine Krebs, le collaborateur éclairé du commandant Renard, inventeur des ballons dirigeables; c'est un type absolument nouveau et des plus remarquables; elle pèse deux mille kilogrammes et possède une puissance de cinquante-cinq chevaux; elle agit directement sur l'hélice, sans engrenage et lui imprime deux cents tours à la minute.
L'électricité est emmagasinée dans des accumulateurs en quantité suffisante pour permettre au Gymnote de marcher quatre heures et pendant ce laps de temps, de fournir une course de 45 nœuds (83 kilomètres). Durant son séjour sous l'eau, son équipage qui se compose de trois hommes seulement, est approvisionné d'air respirable par des caissons remplis d'air comprimé à haute pression qui permettent au navire de rester assez longtemps immergé.
Au cours des essais, le Gymnote a plongé jusqu'à sept mètres de profondeur et a parcouru cinq cents mètres sans que l'équipage soit incommodé.
Comme on le voit, M. Zédé a fait faire un grand pas à la question de la navigation sous-marine, mais le problème n'est pas encore résolu; il y a beaucoup à faire dans cette voie; il faut perfectionner le Gymnote qui n'est lui-même qu'un perfectionnement du torpilleur sous-marin construit, il y a quelques années, par M. Nordenfeld qui, lui, s'était inspiré du fameux Nautilus sorti de toutes pièces et parfait, au dire de son auteur, du cerveau fécond de Jules Verne.
Ceci me rappelle un livre, intitulé: Le Torpilleur N° 127 (1), dans lequel l'auteur, qui est un de mes amis, a imaginé, lui aussi, un torpilleur sous-marin très curieux; la scène se passe en 1900, pendant une guerre entre la France et l'Angleterre. Mais, tout cela est du domaine de la fiction; le résultat, c'est le grand progrès accompli par M. Zédé et peut être dépassé par le constructeur du Goubet. Attendons de connaître les résultats des expériences faites actuellement à Cherbourg pour nous prononcer.

(1) Librairie Lecène et Oudin, 1 vol.in-8°, broché.

                                                                                                                 Jean Hicks.

La Petite Revue, premier semestre 1889.

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