Les Logistes à Compiègne.
Le samedi 20 mai, sur les dix heures du matin, les braves habitants de la rue Solférino, à Compiègne, ont vu avec stupéfaction une petite troupes d'hommes graves se diriger, à pas accélérés, vers la place du Château.
Ces visiteurs matinaux, pressés et mystérieux, étaient: MM. Théodore Dubois, directeur du conservatoire National de Musique, Normand, membre de l'institut, remplaçant M. Larroumet, Lenepveu, professeur au Conservatoire, d'une part et de l'autre: MM. Levadé, Berthelin, Brisset, Malherbe, Moreau et Schmitt, concurrents pour le grand Prix de Rome de musique.
A onze heures, tout le monde se trouvait réuni dans une des salles autrefois réservées aux invités des fameuses séries, sous l'Empire.
Chacun a pris place sur un fauteuil velours et or, devant une table à tapis vert.
M. Lenepveu, le plus grands et le plus fort des trois jurés, s'est levé et dicte aux candidats le sujet de leur composition musicale, un sujet bien touchant: Callirhoë.
A midi et demi, l'opération est terminée, et les jeunes musiciens ont été aussitôt, sous l’œil vigilant de M. Fabre, le conservateur du Palais, enfermés à double tour dans leurs loges respectives.
Et pendant un long mois, ils vivront ainsi, comme des reclus, seuls, en face de leur inspiration... et de leur piano. On peut voir, du reste, par la reproduction photographique que nous donnons ci dessous, que ces petites chambres sont très confortables.
Chaque logiste possède un étroit cabinet de toilette.
En cas de maladie, d'accident ou de besoin quelconque, le logiste presse un bouton électrique. Le gardien-surveillant, au premier appel, court délivrer le candidat.
Enfin, en cas de nécessité absolument urgente, le logiste a, dans son antichambre, derrière une vitre, une clé de sa geôle.
Les loges sont séparées l'une de l'autre par un intervalle de deux pièces inoccupées.
Les repas se prendront de onze heures à midi et de six heures à sept heures, dans la pièce assez vaste et fort bien aérée que vous voyez ici.
Dans le silence du cabinet, nos futurs Gounod ou Thomas pourront tout à loisir rêver aux infortunes de la fille du roi de Calydon: rien ne distraira de leurs pensées nos jeunes compositeurs; aucun bruit du dehors, que le chant des oiseaux ne troublera leurs rêveries.
Paul Darzac.
La Vie Illustrée, 1° juin 1899.
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