Victorien Sardou.
M. Victorien Sardou est spirite, c'est à dire qu'il croit que nous pouvons être en communication, à certains moments, avec l'âme des morts, qui manifestent leur présence, dans ces occasions, par des moyens assez grossiers: une table se soulève, un objet se déplace. Encore faut-il, pour obtenir des résultats aussi remarquables, que toute sorte de conditions soient remplies. Quand les esprits se décident à parler, ce qu'on obtient au moyen de procédés divers, ils éprouvent une grande difficulté à bâtir une phrase généralement aussi vide de sens que celle d'un dormeur qui rêve tout haut. Si la théorie du spiritisme est exacte, il faut avouer qu'il y a encore plus d'imbéciles chez les morts que chez les vivants. A la place de M. Sardou, qui a tant d'esprit, je défendrais aux spirites de mes amis de jamais évoquer mon ombre, pour ne pas donner le spectacle de ma décrépitude intellectuelle.
Les pièces de M. Sardou, qui ont parfois jusqu'à vingt-deux tableaux, s'il vous plait, sont pleines de coups de théâtre saisissants; le titre se termine en général en a, exemples: Dora (1877), Fédora, Théodora (1884), la Tosca (1887), Gismonda. C'est le système de la marque de fabrique appliqué au théâtre: M. Sardou a voulu qu'en entendant le nom de ses drames, on en connût immédiatement l'auteur, et qu'on hésitât point à prendre une place au bureau. Doué d'une intelligence aussi avisée, cet auteur devrait connaître des succès immenses.
Il n'a cependant pas fait que des chefs-d'oeuvre: on a dit de lui un acte, intitulé L'écureuil, qui a dû lui être dicté par un serin.
Jean-Louis.
Mon Dimanche, 3 mai 1903.
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