M. Georges Berger.
Depuis tantôt trois années que l'on s'occupe aux quatre coins du monde de préparer les merveilles que nous verrons demain à l'Exposition de 1889, si l'on a quelque idée nouvelle à présenter, quelque intéressant projet à faire valoir, quelque difficulté à résoudre, on vous dit: "Voyez donc M. Georges Berger." Et lorsqu'on sort de l'élégant pavillon du Champs de Mars, où l'aimable Directeur général de l'exploitation tient ses assises quotidiennes, on est satisfait et charmé. On comprend pourquoi l'Exposition universelle de 1889 sera le grand succès pacifique de la fin du siècle, malgré la dureté des temps, en dépit des circonstances difficiles qui ont accompagné ses débuts.
Tempérament français dans la plus chevaleresque acceptation du terme, esprit fin et parisien, caractère bienveillant et accueillant, M. Georges Berger possède et réunit tout cela. savant distingué, artiste délicat, il est l'homme passionné, par excellence, pour tout ce qui peut servir le progrès, l'honneur et la patrie. Nulle tâche pénible ne le fait reculer dans cette voie; des travaux dont le seul programme découragerait tout autre homme, possédant sa haute et indépendante situation, le trouvent prêt, infatigable, acharné vers le but à atteindre. Il ne faut chercher d'autre causes à l'estime qui entoure son existence irréprochable, à la notoriété que possède son nom dans le monde entier et à la juste reconnaissance que lui témoignent unanimement ses concitoyens, sans distinction de caste ou de parti.
M. Georges Berger est né en 1834. Élève distingué du lycée Charlemagne il se sentit attiré vers les études techniques et conquit à l'école nationale des Mines, de Paris, le diplôme d'ingénieur civil.
Deux années de pratique à la direction des travaux du chemin de fer du Nord furent le début de sa carrière. Mais il fallait un champ plus large à l'activité débordante du jeune ingénieur désireux d'apprendre, de voir, de comparer les choses et les hommes. Il se mit à voyager et voyagea un peu partout, en Europe, aux Etats-Unis, recueillant des notes précieuses pour ses travaux futurs, se créant dans tous les points du monde les relations d'estime et d'amitié qu'il si heureusement mises au service de son pays comme Directeur général de notre Exposition universelle.
Depuis 1867, en effet, époque où il débuta sous la savante direction de M. Le Play dans ce qu'on pourrait appeler la carrière des Expositions universelles, M. Georges Berger a été mêlé, comme directeur ou commissaire général, à toutes les grandes entreprises internationales de ce genre, intéressant la France. On ne s'imagine guère, en général, ce qu'il faut de tact, de science et de méthode pour mener à bien les colossales organisations de ce genre, éviter les froissements dans la mise en contact des intérêts les plus importants et les plus divers, apprécier les mérites des travaux les plus inattendus, tenir en un mot, d'une main ferme, tout ce qui symbolise le progrès et le fait valoir. C'est cette tâche difficile que M. Georges Berger s'est tracée et dans laquelle il est passé maître; il en aime l'accomplissement comme tous les grands esprits aiment à faire ce qu'ils savent faire bien. A la veille de 1889, il était riche, honoré, connu: rien ne l'obligeait à quitter ses chères occupations artistiques, à renoncer au repos, à se jeter dans le flot sans cesse renaissant des préoccupations et des fatigues. il a senti que l'honneur et le prestige de la France étaient en jeu et n'a pas hésité à reprendre son glorieux collier des Expositions précédentes. En le faisant, il a donné une grande et utile leçon aux ambitieux vulgaires, étonnés de son désintéressement, et à ceux qui, parvenus au faîte de la réputation et des honneurs, font passer leur tranquillité personnelle avant l'obligation sacrée de travailler toujours et quand même pour le relèvement et la prospérité de la Patrie.
M. Georges Berger appartient à la Presse par le rôle important qu'il a joué pendant plusieurs années comme critique d'art au Journal des Débats. Il appartient à l'enseignement artistique par le cours remarquable qu'il a professé, pendant trop peu de temps, au gré de ses nombreux élèves, comme suppléant de Taine à l'Ecole des Beaux-Arts.
En 1881, le savant, l'homme technique, l'ingénieur, reparurent brillamment en lui, pour ouvrir toutes grandes à l'électricité, les portes de l'Industrie. On se souvient encore de cette belle exposition d'électricité qui fut une révélation et qui excita l'enthousiasme général. Les septiques doutaient: "Que mettra-t-on dans une Exposition spéciale électricité, disaient-ils?" M. Berger y mit les télégraphes, les téléphones, les puissantes machines électriques, le labourage électrique, les ascenseurs électriques, les volts, les ohms, les ampères, connus, asservis. Quel succès! Toute une industrie nouvelle, celle de l'avenir était créée, la France, une fois encore, étonnait le monde avec son palais trop petit pour contenir toutes les merveilles qui s'y pressaient.
Lorsque l'Exposition d'électricité fut terminée, elle laissait des bénéfices relativement considérables et M. Georges Berger, nommé par acclamation président de la Société internationale des électriciens, obtenait qu'ils fussent attribués à la fondation d'un remarquable laboratoire d'électricité qui rendra les plus grands services à la science.
Tel est l'homme: telle est son oeuvre.
Au moment où l'exposition universelle de 1889 va lui permettre d'accomplir une des plus brillantes étapes de sa carrière, nous sommes heureux de saluer en lui un des meilleurs et des plus glorieux enfants de notre chère France.
Max de Nansouty.
La Petite Revue, premier semestre 1889.
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