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vendredi 25 juillet 2014

Les six repas et l'instruction primaire en Danemark.

Les six repas et l'instruction primaire en Danemark.


Dans la plus humble cabane du Danemark, on fait chaque jour six repas:
Le premier, à cinq heures du matin: il consiste ordinairement en soupe à la bière et en jambon frit.
A dix heures, second repas composé de longues beurrées avec du lard, de bière ou d'eau-de-vie.
A midi, on sert un gâteau d’œufs et une soupe au lait, puis on fait une sieste d'une heure.
Après la sieste, on sert le café.
A cinq heures du soir, comme le matin à dix heures, on se partage des beurrées au lard.
Enfin, à huit heures, on couvre la table de soupe, de pommes de terre et de viande.
Voilà, dira-t-on, un peuple qui n'est pas à plaindre, mais qui doit bien s'alourdir l'esprit! Riez-en à votre aise; mais plût à Dieu qu'en France, dans nos campagnes, on eût à la fois autant de bien-être et de souci qu'en Danemark de bien nourrir son intelligence!
Il y a des écoles dans tous les villages danois; les fils et les filles des paysans sont obligés de les fréquenter. Cette obligation est approuvée par l'opinion. L'ignorance appauvrit moralement et matériellement, et met en danger la société tout entière; quiconque prive ses enfants d'instruction est tout à la fois un mauvais père et un mauvais citoyen. A valeur égale sous le rapport de la bonté et de l'honnêteté, un homme ignorant est moins homme qu'un homme instruit. Tous les Danois savent lire et écrire, et ils se servent bien de ces deux précieux instruments de toute amélioration intellectuelle et morale: ils savent l'histoire de leur patrie, ce qui fait qu'ils en comprennent les traditions, les tendances, et qu'ils sont moins exposés à de brusques revirements de passions politiques. Ils savent la géographie, et par suite, leur intelligence et leur imagination peuvent parcourir le monde entier, et leur cœur s'intéresser au sort de tous leurs semblables. Ils savent assez d'arithmétique pour être en état de mettre de l'ordre dans leurs recettes et dans leurs dépenses, pour vendre et acheter sans graves erreurs. Ils possèdent enfin assez d'éléments des sciences pour sentir s'accroître en eux l'admiration naturelle qu'inspire ce merveilleux univers et la reconnaissance qui est due à son Auteur.
Voici comment un homme de beaucoup de cœur et de talent, M. Dargaud, qui a récemment séjourné en Danemark et apprécie la civilisation de ce pays:
"La richesse n'est qu'une des branches de la civilisation du Danemark; elle n'est pas la civilisation entière; il s'en faut. La civilisation du Danemark, et en particulier de la Fionie, c'est aussi son instruction: une instruction générale qui luit même dans la demeure de chaume des paysans, et qui comprend des notions d'agriculture, de géographie, d'histoire, de calcul, de philosophie pratique. La civilisation de ce pays est plus que cela; c'est encore l'instinct de son honneur national, l'aspiration à la liberté, à la dignité, la bravoure sur terre et sur mer; enfin, une merveilleuse identification avec la Bible, ce livre de tous les foyers, cette seconde âme, cette âme traditionnelle qui, en faisant de Dieu le génie intime de chaque famille, rend un peuple entier religieux, touche en lui la fibre de la conscience et développe le sentiment moral sous tous les toits.
Telle est, si je ne me trompe, la civilisation du Danemark. Elle est très-grande; elle est supérieure à la civilisation de l'Espagne et de l'Italie superstitieuses; à la civilisation de la France, où l'ignorance dénature les plus beaux élans, à la civilisation de l'Angleterre, trop endurcie en haut par l'accumulation de l'argent, trop corrompu en bas par les vices de la misère."
De telles vérités blessent beaucoup de gens. Dès qu'on se hasarde à insinuer que la France pourrait bien ne pas être très-supérieure, sous tous les rapports, à tous les autres peuples, la vanité nationale s'indigne et proteste. Il en est ainsi d'un enfant gâté. Osez dire à sa mère qu'il n'est pas le plus beau, le plus spirituel, le plus instruit, le meilleur de tous les enfants de la terre, et vous verrez de quelle manière elle vous regardera. L'enfant trouve que sa mère a bien raison et que vous avez l'esprit faux. Cependant, si vous aimez l'enfant et sa mère, c'est votre devoir de leur dire qu'avec de semblables aveuglements on ne se prépare que déception et malheur.

Magasin Pittoresque, 1862.

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