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jeudi 17 juillet 2014

Les masques.

Les masques: divertissement dramatique anglais.


Les masques étaient des jeux dramatiques en grande faveur à la cour des rois et des reines d'Angleterre pendant les seizièmes et dix-septième siècles. Pour en donner une idée, un écrivain les a comparé aux ballets que l'on jouait à la cour de Louis XIV; mais l'analogie entre ces deux sortes de divertissements est très-imparfaite. Le masque anglais était, à l'origine, un spectacle d'une pompe extraordinaire et bizarre, un ensemble de musique, de danses, de festins, de scènes ou parlées ou mimiques entre des personnages allégoriques accoutrés fastueusement et fantastiquement.
Suivant la chronique d'Holinshed, l'un des premiers masques aurait été joué sous Henri VIII en 1510. Ce plaisir royal, en se perfectionnant, se renferma dans des proportions plus simples, et, sans jamais constituer un genre dramatique facile à définir (1), il parvient cependant à prendre place parmi les plus agréables plaisirs d'un temps où les réjouissances de la poésie étaient une nécessité. Les plus grands génies d'Angleterre ont composé des masques: il suffit de citer entre eux Shakespeare, Ben Jonson, Beaumont et Fletcher. Les rois et les reines avaient coutume d'aller visiter chaque année quelques nobles seigneurs. Ces visites étaient ruineuses pour les hôtes qu'elle honoraient. On mettait en action sur les routes, à l'entrée des villes, dans les châteaux, les inventions poétiques les plus extraordinaires. Le recueil de ces imaginations qui ressemblent souvent à des rêves forme une suite d'énormes in-quarto. 
Les masques étaient au premier rang parmi ces jeux: ils étaient aussi considérés comme des accessoires indispensables à la célébration de certaines fêtes et à celle des mariages dans les familles royales et nobles. Pour composer un masque, il fallait la collaboration d'un poète, d'un peintre, d'un musicien et d'un compositeur de ballets. La collaboration la plus célèbre en fait de masques fut celle du poète Ben Jonson et du peintre ou architecte Inigo Jones. Parmi les masques de Ben Jonson, on cite le masque des Reines, joué par la reine et ses dames à White-Hall en 1609; le masque d'Obéron pour le prince Henri, le masque Irlandais, le retour de l'âge d'or (1615), le masque de Noël (1616), la Vision du Plaisir (1617), le Plaisir réconcilié avec la Vertu (1619), Nouvelles du nouveau monde découvert dans la lune (1620), la Métamorphose des Bohémiens (1621), le masque des Augures (1622), le triomphe de Neptune pour le retour d'Albion (1624), l'Anniversaire de Pan ou la Fête du berger (1625), le Masque des Hiboux (à Kenilworth, 1626), les Iles Fortunées et leur union (1626), le Triomphe de l'Amour à Callipolis (1630), Chloridia ou le Culte de Chloris et de ses nymphes à Shrove-Tide (1630), etc. etc.
Les étudiants des quatre principaux inns (établissements où logeaient les jeunes gens qui étudiaient le droit, la médecine, etc. ) représentaient aussi quelquefois des masques devant la cour, ainsi que le prouve un curieux petit billet d'entrée découvert dans l'étalage d'un colporteur et publié par John Nichols (2)




On voit par l'inscription qu'il s'agissait d'un masque de la Chandeleur, qui devait être représenté à huit heures du soir dans l'inn de Gray.
Nous donnons aussi le costume de l'un des neufs personnages d'un masque joué le 6 janvier 1606-7, au mariage de lord James Hay, comte de Carlisle, avec lady Anna, fille unique d'Edward, lord Denny. 




Le masque était composé par Thomas Campion, docteur médecin, poète de quelque célébrité à cette époque. Il paraît avoir été représenté à White-Hall. Dans la description de la scène où se joua ce masque, on voit qu'il y avait parmi les décorations des arbres d'or, des collines, un bosquet de Flore orné de toutes sortes de fleurs d'où jaillissent des rayons de lumière, la maison de la Nuit dont les noirs piliers étaient semés d'étoiles d'or, et qui à l'intérieur n'était pleine que de nuages et d'oiseaux de nuit, l'arbre de Diane, etc. Il y avait neuf principaux personnages figurant les chevaliers d'Apollon, joués par neuf seigneurs de la cour. "Ce nombre, dit l'auteur, est le meilleur et le plus ample des nombres: c'est celui des Muses et des Vertus." Ce costume n'était, du reste, que l'un de ceux successivement revêtus par les nobles acteurs. Le sujet du masque n'est qu'une sorte d'épithalame où Zéphyre, Flore, Diane, Hespérus, la Nuit, les Sylvains, les Heures, se succèdent en chantant, en dansant, au milieu des arbres qui eux-mêmes dansent et se prosternent. La nature entière est en joie et célèbre le bonheur futur des deux époux. Ce masque n'est pas l'un de ceux qui donneraient l'idée la plus favorable du genre. On trouve des imaginations charmantes dans les masques des bons auteurs. Lyclos, de Milton, peut être considéré comme un masque.


(1) Les masques, dit Hallam, étaient des compositions poétiques et musicales plutôt que dramatiques, et destinées à flatter l'imagination par les charmes du chant en même temps que par la variété des tableaux qui passaient sous les yeux du spectateur...  Ces sortes de poèmes n'ont pas la prétention de se faire croire, ils ne visent point à l'illusion: l'imagination s'abandonne volontiers à un rêve éveillé; elle ne demande, et ces poèmes n'exigent que cette possibilité générale, cette combinaison d'image que l'expérience commune ne rejette pas comme incompatible, et sans laquelle l'imagination du poète ressemblerait à celle du lunatique.
(2) "The progresses and public processions of queen Elisabeth." Vol. I. 1823.

Magasin Pittoresque, 1949.

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