Une lutte d'esclaves en Afrique.
Quelquefois, raconte le major Denham, lorsque le soir avait rafraîchi l'atmosphère, le cheik du Bornou se plaçait, pour voir lutter des esclaves, à une petite fenêtre située au-dessus de la porte de son palais.
La souplesse et la force de la main étaient les qualités qui assuraient la victoire. Ces hommes se battaient avec un acharnement qui n'était certainement pas plus dramatique dans les combats des gladiateurs romains. Une trompette grossière, en corne de buffle, sonnait l'attaque. Les champions entraient dans l'arène nus, à l'exception d'un ceinturon de cuir autour des reins. Ceux qui, dans des occasions précédentes, avaient été vainqueurs, étaient reçus aux acclamations bruyantes des spectateurs. Des esclaves de toute nation luttaient d'abord les uns contre les autres; ceux du Soudan étaient les moins robustes et les plus rarement vainqueurs. Le combat le plus obstiné était entre les Mongowys et les Begharmiens; quelque-uns de ses esclaves, notamment les derniers, étaient très-bien faits et de taille gigantesque. La journée se terminait toujours par le combat d'un Begharmien contre un autre; des membres disloquées et la mort étaient souvent la conséquence de ces assauts entre deux hommes de la même nation. Il commencent par se poser respectivement les mains sur les épaules; ils ne font aucun usage de leurs pieds, mais fréquemment ils se baissent, et emploient un grand nombre de ruses pour tromper leur adversaire. Celui qui peut saisir son antagoniste par les hanches l'enlève, et après l'avoir tenu en l'air, le lance avec une violence terrible contre terre, où il reste étendu, couvert de sang et hors d'état de continuer la lutte. Le vainqueur est salué par de grands cris; les spectateurs lui jettent plusieurs vestes; puis il se met à genoux aux pieds de son maître, qui le revêt quelquefois de son propre tobé. Ces malheureux ont souvent l'écume et le sang à la bouche, uniquement par un effet de la rage qui les anime ou des efforts qu'ils font. Pendant le combat, leurs maîtres emploient à l'envi tous les moyens qu'ils croient propres à exciter leur courage. On les voit souvent armer un pistolet, et jurer par le Coran que leur esclave ne survivra pas à sa défaite; en même temps, ils lui offrent de grandes récompenses s'il est vainqueur. Un pauvre misérable, qui avait résisté pendant plus de cinquante minutes aux attaques d'un nègre énorme, tourna ses yeux un seul instant, comme pour adresser des reproches à son maître qui le menaçait. Son antagoniste fit glisser ses mains de ses épaules à ses reins, et par un mouvement brusque, appliquant son genou contre son corps, il tomba de tout son poids sur cet infortuné, et sa chute lui rompit l'épine du dos. Les prouesses antérieures ne sont comptées pour rien, et le vaincu du jour est vendu au marché pour quelques piastres à quiconque veut acheter le pauvre estropié.
Magasin Pittoresque, 1862.
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