Chronique.
Le ciel continue à faire parler de lui, à entretenir la chronique d'événements quotidiens. Dès les premiers jours d'avril, l'ardent orage d'été fait son entrée sur la scène, et son éclair frappe de mort.
A Chévrière, le jeune Bayard et ses parents sont occupés aux travaux des champs. Tout à coup, et sans que rien n'ai fait pressentir le moindre danger, la foudre éclate; Bayard est enveloppé d'un tourbillon de feu et renversé. Son père et sa mère volent près de lui et le trouvent mort.
A Sanqueuse, un meunier, inquiet de l'aspect du temps, prie deux passants qu'il aperçoit de l'aider à tourner son moulin au vent. A ce moment éclate un coup de tonnerre épouvantable. Tous trois, le meunier et les deux aides, se réfugient dans l'intérieur du moulin, où se trouve déjà la famille du premier. Au milieu de l'obscurité profonde des nues, et du petit bâtiment clos de tous côtés, on s'agenouille et on se met en prières. L'orage passe avec une effrayante furie. Lorsqu'il a fait place au calme de l'air et de la lumière, on rouvre le moulin, et on voit, contre l'arbre tournant, l'un des deux passant, nommé Geffroy, à genoux, la casquette à la main, dans l'attitude de la prière et immobile. Il était mort.
En même temps, le capitaine Soulé, commandant le navire Orégon, écrit que, dans sa traversés du Havre, dans un moment où il se trouvait plongé dans un épais brouillard, trois boules de feu ont passé au-dessus de son navire avec un bruit semblable à un coup de canon. Le troisième a éclaté à la hauteur du grand mât, couvrant le vaisseau d'étincelles et renversant ceux qui se trouvaient sur le pont.
Du reste, malgré tous ces phénomènes célestes, on sait maintenant une chose excessivement importante. La fin du monde ne viendra point par la comète; voici le bel astre des cieux tout à fait débarrassé de cette terrible responsabilité. La fin du monde viendra par suite de l'immense développement qui a été donné aux chemins de fer et aux bateaux à vapeur. Les excavations énormes faites dans les mines de charbon occasionneront bientôt entre toutes ces mines une communication directe; le feu y prendra et une explosion universelle aura lieu. Ainsi s'accompliront les paroles de l'Ecriture: "Le monde périra par le feu."
En attendant, les affaires, les plaisirs, marchent toujours du même pas, le tout plus matériel que jamais.
En fait d'affaires, on abat des quartiers de Paris et on en élève d'autres, on joue à la Bourse jusqu'à devenir millionnaire ou se brûler la cervelle. En fait de bonheur, on mange.
A propos de cela, tout le monde place Alexandre Dumas au nombre des grands littérateurs; pourquoi si peu de gens le nomment-ils comme l'un des meilleurs cuisiniers? Son génie est pourtant égal dans les deux genres: Dumas fait un ragoût avec autant de supériorité qu'un drame. pour faire mieux connaître l'auteur sous ce nouvel aspect, il y aura chez M. Emile de Girardin un dîner dans lequel Dumas rivalisera avec deux cuisiniers de Chevet. On ne sait pas encore ce que ces derniers préparent, mais Dumas apprêtera un homard rôti à la broche, une matelote chinoise et un ragoût mystérieux, qui doit cuire huit jours et huit nuits, comme les éléments avec lesquels les anciens alchimistes faisaient de l'or. On mangera, et la palme sera décernée à qui de droit. Mais du moins l'univers n'ignorera plus maintenant qu'Alexandre Dumas fait divinement une fricassée.
En parlant de ces petites voluptés de la vie, nous allons transmettre à nos abonnés fumeurs d'excellents conseils venant de l'un des premiers médecins de Londres.
Les fumeurs sauront donc que, après un mûr examen de l'influence du tabac sur la santé, le sage docteur leur donne les prescriptions suivantes:
1° Ne jamais fumer le matin avant l'heure du repas;
2° Ne fumer par jour que une ou deux pipes, un ou deux cigares;
3° Ne point fumer avant l'âge de dix-sept ou dix-huit ans;
4° Ne point fumer au lit le soir, avant le moment de s'endormir; conseil suggéré au docteur par les femmes qui goûtent peu cette occupation de leurs maris;
5° Ne pas fumer dans les voitures publiques, cafés, restaurants, où on peut incommoder les femmes et engager par là avec les hommes des querelles qui risqueraient de finir par un coup d'épée.
Paul de Couder
Journal du Dimanche, 7 juin 1857.
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