Saute, Jan de Kramer.
Tu as froid, tu es pauvre, tu es vieux; saute Jan de Kramer.
Dans ton enfance, tu as aidé ton père, dans ta jeunesse tu as nourri ta mère, dans ton âge mûr tu as été la providence de ta femme et de tes enfants; toute ta vie tu as travaillé. Quel homme a la conscience plus légère que toi? saute, Jan de Kramer.
Ton vêtement est léger et quelque peu délabré comme ta chaumière. La bise glacée qui gémit en passant s'engouffre dans plus d'un accroc de ton habit, dans plus d'un trou de ton toit. Tandis que les riches lui ferment soigneusement leur porte, tu lui donnes asile chez toi et sur toi, pauvre homme; saute avec la bise, saute, Jan de Kramer.
Ta femme est parfois grondeuse, tes enfants crient et se battent; tu rentres, et avec quelques mots de bonne humeur, tu apaises ta bonne femme, avec quelques gambades, tu réjouis tes enfants. La gaieté entre avec toi; saute, saute, bon Jan de Kramer.
Il y a des gens qui en te voyant passer prennent des airs de compassion et semblent penser: vivre comme cela, est-ce vivre? Ton vieil œil malin les comprend et tu te dis: Béni soit Dieu! J'ai eu mes plaisirs et mes peines ainsi que toute créature sous le ciel. En hiver, la glace frémit agréablement sous le patin, et un brasier de tourbe a bien son mérite. En été, le soleil est chaud, les campagnes sont vertes, les oiseaux chantent. L'hiver sera bientôt passé. Le printemps n'est pas loin; saute, Jan de Kramer.
Il n'y a personne au monde qui ait la moindre haine contre toi, et tu aimes tout l'univers. Il est vrai que ton univers n'est pas grand et qu'il est peuplé de bonnes gens qui, du plus loin qu'ils t'aperçoivent, se prennent à sourire et à se dire entre eux: voici Jan de Kramer. Tu te hisses vers eux en préparant un joyeux bonjour qu'ils attendent, car tu n'es pas le moins spirituel du village. Double le pas; saute, honnête Jan de Kramer.
Tu es un modèle de bonté et de patience, tu as conservé la candeur de l'enfance dans le vieil âge. Il y a bien des jeunes gens tristes et riches vieillards goutteux qui voudraient sauter comme toi, ô mon bon, mon cher Jan de Kramer.
Magasin pittoresque, 1838.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire