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mercredi 9 juillet 2014

Chronique du journal du dimanche.

Chronique.

Jusqu'à présent les femmes avaient laissé aux hommes le triste monopole de l'assassinat et autres actes de férocité.
Cependant, dans la vallée de Montrieux, la veuve Fontaine a été trouvée privée de vie à la porte de sa propre demeure, où elle était couchée sur l'herbe, çà et là tachée de son sang; et la mort lui avait été donnée par sa fille. Celle-ci, après le meurtre, est allée se blottir dans la loge d'un cantonnier, sur la route de Blois, où elle se croyait tout à fait en sûreté: comme l'alouette qui cache un buisson pour ne pas être vue du chasseur.
A Nantes, un frère vient d'assassiner sa sœur, la nommée Maria Ménil, âgée de vingt-quatre ans. Ces jeunes gens tenaient ensemble un commerce d'épicerie, Haute-Rue-Casserie. Des voisins entendirent la détonation d'une arme à feu dans le magasin même, ouvert à tout venant; et, en arrivant sur les lieux, ils trouvèrent la jeune Maria mourante d'une blessure reçue à la tête. Celle-ci, ne pouvant parler, eut seulement la force d'écrire quelques lignes, et désigna son frère comme son assassin.
Ce qu'il y a de particulier, c'est que Jules Ménil, après ce crime, avait tranquillement pris un omnibus, et s'en était allé à Pont-Rousseau, au café du Lion d'or, où il s'était mis à jouer au billard.
Les agents de police ont interrompu sa partie.
Après le meurtre, le vol; c'est la petite pièce de messieurs les brigands.
Nous rapporterons un de ces actes, marqué d'un cachet tout particulier.
A Toulouse, une dame descend d'équipage à la porte d'un grand magasin.
Elle fait choix de châles d'un grand prix et de plusieurs pièces de belles étoffes, puis elle passe au comptoir. N'ayant pas sur elle tout l'argent nécessaire pour solder ses emplettes, elle se fait accompagner d'un commis, auquel elle payera le montant de la facture.
Le commis monte en voiture; il est introduit par la dame dans un appartement de très-grand air. Il se trouve là un homme d'honorable figure, que l'employé du magasin prend pour l'intendant de la dame; d'autant plus que celle-ci dit à ce monsieur, en lui montrant le jeune homme qui l'avait accompagnée:
- Chargez-vous de cette affaire; je m'en repose sur vous.
Puis elle disparaît.
Demeuré seul avec le personnage, qui l'examine de la tête aux pieds, le commis s'impatiente.
- Monsieur, dit-il, veuillez me payer.
- Vous payer quoi?
- Eh bien! les châles, les étoffes dont on vient de vous remettre la facture.
- Tranquillisez-vous, mon ami, je réponds... de votre guérison... mais soyez calme.
On était chez le docteur D... médecin des aliénés. Le papier que la dame, en entrant, avait substitué à la facture portait que, par respect pour la famille, elle cachait son nom, mais qu'elle confiait au célèbre docteur son jeune frère, dont la folie était de se croire commis chez un négociant, pour lequel il réclamait sans cesse le prix d'emplettes non payées.
La fureur que montre le commis en ce moment redouble la conviction du docteur, qui veut lui faire appliquer des douches. Cependant, il va employer encore quelques moyens de douceur; et comme le maniaque demande à grands cris qu'on fasse venir le patron de tel magasin de nouveautés, il fait mander celui-ci, pour lui en passer la fantaisie.
Le patron arrive, et tout s'explique. Tout le monde a été mystifié; car la dame, emportant toutes les riches étoffes, est repartie dans sa voiture, qui roule encore.
Un vol a aussi été commis chez madame T... demeurant rue du Temple. Et, qui le croirait? cette madame T... est une tireuse de cartes, disant à tout venant la bonne aventure, et chez laquelle on ne devait penser trouver que des cartes, un hibou, une tête de mort, des fleurs fanées? Cependant, comme la dame avait une assez bonne clientèle, il paraît qu'on lui a pris de plus six couverts, une montre en or et sa chaîne, et douze cents francs en argent.
Les dames qui allaient consulter la femme T... n'étaient pas de l'avis de la comtesse de L... , à laquelle on demandait l'autre jour, en lui parlant de la plus célèbre des devineresses modernes, si elle n'était pas désireuse d'aller la consulter pour connaître l'avenir.
- Non, dit-elle, l'avenir ne m'inspire aucune curiosité... il ressemble trop au passé!
On nous raconte qu'un évêque d'un diocèse du Midi, venant dernièrement à Paris, avait profité de cette occasion pour se faire faire une perruque.
Horriblement impatienté des révérences et des lamentations interminables du perruquier, qui, après avoir fait la fausse chevelure trop étroite, répétait:
- Hélas! oui, elle est trop petite pour la tête de Votre Grandeur!
Le prélat, dans sa brusquerie méridionale, s'écria:
- Dites donc, animal! qu'elle est trop petite pour la grandeur de ma tête!

Journal du dimanche, 10 mai 1857.

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