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mercredi 2 juillet 2014

Anciennes mœurs militaires.

Anciennes mœurs militaires.

Le soudard flamand a fini sa campagne: il a pillé les riche plaine de Lombardie; il a vu la flamme courir sur les moissons; il s'est chauffé les pieds aux débris  des villages en cendres; il a entendu les cris des femmes fuyant dans la nuit; il a bivouaqué au milieu des morts et des mourants! Il est temps qu'il se repose de sa gloire; après les fatigues de la guerre, les plaisirs de la paix!
L'oisiveté de la garnison commence. Le soudard va pouvoir jouer aux dés les dépouilles des vaincus, raconter les prouesses qu'il a accomplies, trouer en duel quelques poitrines pour s'entretenir la main, traîner insolemment ses panaches parmi les bourgeois intimidés, faire saluer son nouveau grade par toutes les sentinelles, et mettre à sec les tonneaux de tous les cabarets.
Utile repos pour une noble tache! La guerre n'avait fait qu'endurcir l'aventurier, il faut que la garnison le déprave. Le jour de son arrivée, les sept péchés capitaux l'attendaient aux portes de la ville, et ils lui font depuis un invisible cortège.
L'artiste ne nous en montre que deux aujourd'hui. 



Voici d'abord l'Orgueil! Non pas cette grande fierté qui élève nos actions au niveau de l'estime que nous avons de nous-mêmes; mais la vanité qui se redresse pour se grandir, qui se gonfle pour tenir plus de place. Voyez le soudard répondre au salut militaire: son feutre ne peut se détacher de son front, et ses yeux sont fièrement baissés comme dans la contemplation de lui-même;
Plus loin, voila la Gourmandise dans sa variété la plus hideuse et la plus redoutable. 



Le sacripant fait remplir son large verre et boit à longs traits la liqueur qui doit emporter ce qui lui reste de bonté, de justice et de raison. Vous aviez encore quelque chose d'un homme, tout à l'heure vous n'aurez plus qu'une bête féroce!
Et ne l'accusez pas; n'accusez que la guerre qui l'a rendu tel que vous le voyez! Que ferait-il, pendant les heures de repos, de ses forces et de son temps, lui qui n'a appris qu'à manier l'épée? "Quand le soudard ne détruit pas, il faut qu'il pèche," a dit un vieil historien français. Terrible mot, qui était pourtant la vérité!: car tandis que la mission du genre humain tout entier est de produire et de transformer, celle du soudard était de consommer et d'anéantir; c'était la personnification légale, du mauvais principe indien, qui a pour unique devoir de défaire ce qui a été fait.
Disons, pour être juste, que le soudard à feutre empanaché représenté ici par le dessinateur est heureusement une race perdue. En France, où le sort désigne ceux qui doivent, pour un temps donné, prendre rang dans l'armée, la guerre ne peut être un métier, mais seulement un devoir. Nous n'avons plus véritablement de soldats, nous avons des citoyens armés. La patrie va prendre à l'atelier, au bureau, à la charrue, un travailleur qu'elle arme, qu'elle met en sentinelle, et qui sa faction achevée, retourne au travail interrompu.

Magasin Pittoresque, 1849.

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