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mardi 22 juillet 2014

Chronique du Journal du Dimanche.

Chronique.

Un phénomène des plus rares et des plus frappants s'est montré dans la contrée de la Rochelle. Trois soleils ont paru dans le ciel, c'est à dire le soleil et son image répétée deux fois. La réfraction des rayons solaires dans des couches de vapeurs différentes produisait cet effet merveilleux, qui a pu être admiré depuis trois heures du soir jusqu'à la fin du jour. 
Si on joint ce brillant spectacle à celui que donnent chaque soir les magnifiques étoiles de Jupiter et de Vénus, on pense que cette année est prédestinée aux merveilles célestes. Il semble que le firmament nous étale toutes ses splendeurs pour nous en faire regretter davantage la vue à la chute de notre globe qui s'approche.
On a surpris deux voleuses dans l'exercice de leurs fonctions; rien de bien commun; mais la condition de ces femmes est toute particulière.
Les personnes dont il s'agit se présentaient chez les marchands; elles disaient avoir besoin de pièces de cinq francs d'un certain millésime, et elles offraient une prime pour celles qu'on pourrait leur fournir. Les marchands tâchaient à l'instant de réaliser ce petit bénéfice; et tandis qu'ils fouillaient dans leur comptoir, les voleuses y mettaient la main, paraissant chercher avec eux les pièces désirées, mais en enlevant beaucoup d'autres de la plus habile manière.
Cependant on s'aperçut du stratagème, et les deux femmes furent arrêtées.
Il s'agissait de faire une perquisition à leur domicile; on se transporta au clos Saint-Lazare, et on trouva là une ville en miniature à côté de nous.
Une bande de bohémiens, venus d'Allemagne, vivaient là dans des voitures formant maisons et laissant entre elles régner des rues. Les hommes exerçait la profession de saltimbanques, de charlatans; les femmes travaillaient dans le genre de celles des leurs qui fouillaient aux comptoirs.
La police inspecta les lieux, et remit au lendemain de faire les perquisitions nécessaires.
Mais le lendemain il n'y avait plus rien; la ville avait roulé loin de Paris.
On nous raconte un vol d'un autre genre, que nous répétons sans en garantir l'authenticité:
Par le beau temps de dimanche dernier, deux marchandes de ballons, stationnant aux Tuileries, s'évertuaient à placer leur marchandise entre les mains des bambins de la promenade. L'une des deux marchandes, se trouvant un instant occupée, donna son fardeau à porter à l'autre. Donc l'une des jeunes filles se trouva avoir une cinquantaine de ballons dont les ficelles étaient réunies dans sa main. Son poids ne pouvant plus compenser cette force d'ascension, elle fut, au grand étonnement de la foule, enlevée dans les airs. Ajoutons toutefois qu'un garde municipal se trouva là assez à temps pour la retenir par sa robe et l'empêcher de déserter la terre pour le pays des nues.
Le cadre étroit de cette chronique n'a pu permettre jusqu'ici d'annonces littéraires; mais nous recevons aujourd'hui une oeuvre exceptionnelle par ses rares qualités, et nous devons faire une exception pour elle. Les Vierges, nouveau recueil de poésies de Barrillot, auteur de la Folle du logis, offre une série de pièces détachées dans lesquelles les vertus, les charmes qui consolent le monde, sont personnifiés d'une manière vraie et saisissante. On se persuade davantage, en lisant ces vers que l'amour, dans la grande acceptation du mot, est le véritable génie de l'homme. L'auteur de ce recueil porte en lui la passion du beau, la pitié du malheur, la fraternité pour tous les êtres humains. Et, de cette source féconde de l'amour, il jaillit à chaque page de grandes pensées, de radieuses images. Les vierges de ce livre sont épouses et mères; elles connaissent les meilleurs, les plus nobles sentiments, mais elles sont vierges de haines, d'envie, d'anathème, et c'est là leur plus beau droit à la sainteté comme à nos vives et profondes sympathies. Du reste, les lecteurs du Dimanche ont pu apprécier le talent de Barrillot par les poésies que nous avons souvent données de lui, et ses œuvres le louent bien mieux que nous ne pourrions le faire.

                                                                                                                    Paul de Couder.

Journal du Dimanche, 24 mai 1857.

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