Thérapeutes d'occasion en Russie.
A en croire la revue Progr. Thinker, analysée par la Lumière, la thérapeutique, bien et dûment diplômée, en Russie, aurait fort à faire pour lutter victorieusement contre les préjugés et superstitions qui prétendent guérir de toutes les maladies les sujets de l'empire des tzars.
Ces vaine croyances y sont tellement tenaces, dit le professeur Vinogradoff, que des hommes sortis de l'université ont peine à s'en affranchir.
Dans le gouvernement de Kostroma, un malade, gravement atteint, est exposé sur son lit, fenêtres ouvertes, tout enduit de miel. Si les mouches se jettent avec ensemble sur l'appât offert à leur avidité, le patient guérira; il est irrémédiablement perdu si le miel devient noir, et si, par conséquent, l'essaim ailé s'en détourne. Cette tradition nous rappelle que, dans certaines régions de la France, à l'encontre des croyances russes, les bonnes femmes affirment qu'un malade est condamné quand il est envahi par les mouches.
Mais revenons à la Russie.
Les thérapeutes d'occasions qui se vouent au soulagement et à la guérison de leurs semblables, leur placent, sous les aisselles, des feuilles vertes; du moment qu'elles restent inaltérées, c'est un signe de guérison prochaine; si elle se flétrissent, c'est la mort à brève échéance.
Lorsque la fin est imminente, c'est un autre ordre de cérémonies. On présente au mourant les mets les plus raffinés; et, à l'exemple des anciens glissant entre les doigts une obole entre les doigts des agonisants pour le passage du Styx, les Russes chargent le moribond de leurs compliments pour leurs amis défunts. La porte est ouverte pour laisser à la mort ses grandes entrées. Puis, sur le rebord intérieur de la fenêtre, on dispose une cuvette pleine d'eau, où l'âme prendra un bain avant de s'envoler vers la demeure céleste. Mais, en même temps, les saintes icônes sont entourées d'un cercle de bougies allumées. Cet éclairage a giorno empêche le diable de s'emparer de l'âme, l'esprit malin ne se plaisant, on le sait, que dans les ténèbres.
Quelquefois le prétendu mort n'est qu'en léthargie. Mais ses parents et amis n'admettent pas un tel état. Leur homme est mort et bien mort. S'il s'avise d'en revenir, c'est évidemment par malice, c'est pour entraîner d'autres décès dans la famille. Aussi son entourage met-il bon ordre à ces velléités de résurrection. Pour se défendre, ces gens éplorés et sanglotants de douleur, frappent le revenant à coup de clef d'église et si vigoureusement qu'il meurt cette fois pour tout de bon.
Si la famille plante des arbres ou des arbrisseaux sur la tombe du défunt, elle se garde bien de choisir des pins, des sapins et autres végétaux à feuilles aciculaires; c'est évidemment par peur des pointes, une phobie spéciale signalées par tous les médecins qui traitent des maladies nerveuses.
Les annales de la santé, 15 novembre 1910.
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