Chronique.
Les terrains de la Joliette, à Marseille, ont été le théâtre d'un affreux événement.
Une planche était tombée dans l'ouverture d'un puisard destiné à recevoir les eaux de divers égouts, les mouvements de la pompe qui sert à épuiser l'eau furent entravés par cet obstacle; mais, comme l'endroit dans lequel la planche était tombée n'avait guère que deux ou trois mètres de profondeur, on décida de placer une échelle dans le puisard, afin de pouvoir retirer cette planche, qui flottait sur l'eau. L'échelle placée, un des ouvriers descendit; mais à peine était-il arrivé aux derniers échelons, qu'on le vit s'affaisser sur lui-même sans pousser un seul cri. Un second ouvrier descendit pour aller au secours de son camarade; mais, comme le premier, ce malheureux touchait à peine au bas de l'échelle, qu'on le vit également s'affaisser et tomber sur son compagnon. Enfin, un troisième, un quatrième et un cinquième travailleurs périrent successivement dans les mêmes conditions.
En présence de ces cinq victimes, un sixième ouvrier s'attacha une ceinture autour des reins, et, retenu par une corde, il se fit à son tour descendre dans le puisard; mais à peine arrivé à un ou deux mètres du sol, il fut suffoqué par l'air délétère qui s'échappait de la mare d'eau. A la vue du danger que courait cet homme, on dut se hâter de le retirer. Néanmoins, les miasmes avaient déjà exercé sur lui une telle influence qu'il était sans connaissance. De prompts secours lui furent aussitôt administrés, et ce ne fut qu'après l'avoir longtemps frictionné et lui avoir fait respiré des sels qu'on parvint à le rappeler à la vie. Transporté ensuite à l'Hôtel-Dieu, il a reçu les soins propres à compléter son rétablissement. Les cinq malheureux ouvriers, dont on est parvenu ensuite à retirer les cadavres, ont été, en descendant dans le puisard, non-seulement asphyxiés, mais encore empoisonnés par le dégagement abondant d'acide sulfhydrique provenant, sans nul doute, de la décomposition des résidus accumulés de savonnerie.
La demoiselle Joséphine T..., âgée de vingt-cinq ans, domestique, rue de Saint-Germain à Nanterre, se trouvait de grand matin dans un champ près de la Seine, où elle était occupée à faire de l'herbe. Un canot étant venu aborder à peu de distance, il en sortit deux hommes complètement nus, qui se précipitèrent sur elle, la renversèrent et s'efforcèrent de triompher de sa résistance en lui comprimant la bouche pour étouffer ses cris. Le demoiselle Joséphine allait succomber dans cette lutte inégale, lorsque l'arrivée d'un voiture mit en fuite les malfaiteurs, qui regagnèrent leur bateau et s'enfuirent en faisant force de rames.
Bientôt, ils revinrent, et, voyant que la domestique était encore seule, ils tentèrent de nouveau de lui faire violence. Elle leur échappa, mais ils la poursuivirent avec leurs avirons en la menaçant de mort si elle jetait le moindre cri. L'ayant atteinte, ils firent mine de la précipiter dans la Seine. Le sieur François Gueriel, cantonnier, vint à son secours et parvint à la délivrer des mains de ces individus, qu'il reconnut pour être domiciliés dans une commune voisine.
Par suite des recherches de la police, ces deux homme ont été arrêtés le même jour, et mis à la disposition de la justice.
Il y a quelques jours, le sieur Cavé, homme de peine, demeurant rue Bizet, était descendu dans un puits, rue de Chaillot, afin de le curer. Comme il arrivait au fond, les gaz méphitiques qui s'échappaient de la vase le suffoquèrent, et il tomba sans connaissance. Aussitôt on courut chercher les sapeurs-pompiers. Ils procédèrent au sauvetage avec leur zèle accoutumé, mais déjà il était trop tard, et ils ne retirèrent qu'un cadavre.
Vers le même temps, on a retiré de la Seine, en aval de la barrière de Passy, le corps d'un homme d'environ quarante ans, vêtu seulement d'un pantalon de drap gris et d'une chemise en toile fine marquée A. D.... ; il était chaussé de souliers vernis et portait à ses doigts trois bagues en or. La mort de cet homme pouvait être le résultat d'un accident. Les papiers trouvés sur lui font penser que ce serait un sieur Georges, fabricant de portefeuilles, rue Saint-Martin.
En l'absence d'identification suffisante, le corps a été transporté à la Morgue.
Dans une fosse creusée à gauche de l'Arc de Triomphe, pour la réparation d'une conduite d'eau, on a trouvé le corps sanglant et mutilé d'un jeune homme d'une vingtaine d'années. D'après les constatations qui ont été faites par le commissaire de police, on a lieu de penser que ce jeune homme est un sieur Lardet, attaché en qualité de cantonnier aux travaux du bois de Boulogne. Le sieur Lardet s'adonnait, à ce qu'il paraît, à la boisson, et ce serait pendant son ivresse qu'il serait tombé dans le trou où il a trouvé la mort.
Il paraît que tous les peuples sont d'un commun accord pour considérer le nombre treize comme néfaste. La présence d'un assez grand nombre de Persans à Paris nous confirme dans cette opinion. Persuadés que le fatal chiffre treize porte malheur à ceux qui le prononcent, les habitants de l'Iran, en comptant, remplacent communément le nom persan de ce nombre par l'une des expressions suivantes: hitch, qui signifie "rien" ou ziâdéh, c'est à dire "beaucoup trop".
Journal du dimanche, 23 août 1857.
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