Le lièvre.
Un académicien particulièrement raseur, François de Neufchâteau, a écrit cet aphorisme merveilleux: "les connaisseurs gourmands du lièvre font grand cas." Le poète Martial avait dit plus simplement en latin: "Parmi les quadrupèdes, le lièvre est la première gloire culinaire".
Pourtant le lièvre fut chez certains peuples frappé d'ostracisme et considéré comme une nourriture impure. " L'homme primitif et déjà même celui de l'époque du renne, écrit Bertin Sans, apportait à ses repas de singulières aversions et de curieuses habitudes. Il est établi qu'il avait une répugnance générale pour la chair du lièvre. Les rebuts de repas, le sol des cavernes, le fond des cités lacustres, ne présentent en effet que de rares ossements de ce rongeur, dont l'espèce abondait pourtant aux âges préhistoriques. Certains peuples modernes nous offrent la même répugnance: les Lapons et les Groenlandais repoussent le lièvre de leur alimentation; les Juifs considèrent sa chair comme impure et chez les Hottentots les femmes seules en feraient usage.
Selon Jules César, les Bretons de la haute antiquité traitaient d'impureté l'action de manger du lièvre, et de nos jours encore, les Arméniens, les Turcs, les Tunisiens, les Hottentots n'en mangent pas.
Le lièvre se mange rôti et en civet. Sa chair est savoureuse, peu chargée de gélatine et encore moins de graisse, légèrement excitante et de digestion facile. "Sa digestibilité est d'autant plus grande, écrit le Dr Félix Brémont dans son Dictionnaire de la table, que le lieu où vit l'animal est plus riche en plantes aromatiques: c'est pourquoi nos petits lièvres de Provence sont infiniment supérieurs aux lièvres d'Allemagne, presque aussi grands que des chiens et qu'on chasse à coups de bâton pour en inonder le marché parisien."
Pourtant les personnes sujettes à l'herpétisme, à la goutte ou à la gravelle feront bien de s'abstenir de manger du lièvre.
Autrefois le lièvre était, en même temps qu'un aliment, un médicament. Sa graisse était recommandée contre les taies des yeux; son sang réconfortait les anémiques; son foie était bon aux goutteux; sa bile rendait le teint vermeil; un os de son pied guérissait de la paralysie; son cœur abrégeait les accès de fièvre quarte, faisait dormir et prédisposait aux rêves. Ces croyances sont perdues aujourd'hui, mais on croit toujours au civet et à son excellence.
Les annales de la santé, 15 novembre 1909.
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