Garçon ou fille?
La possibilité de savoir si une femme enceinte donnera le jour à un garçon ou à une fille a de tous temps préoccupé les humains, et les moyens que l'on a trouvés pour permettre de faire cette prédiction sont innombrables, encore que plus fantaisistes les uns que les autres.
Hippocrate pensait que, lorsque le petit être à venir est un garçon, la mère est plus colorée de figure, qu'elle a le teint plus frais, et il croyait aussi que les garçons se portent surtout sur le côté droit du ventre.
Un auteur du XVIIe siècle, Laurent Joubert, qui a traité des questions concernant la mère et l'enfant, nous a transmis les croyances qu'on avait de son temps à ce sujet, en même temps que son opinion personnelle. Le passage vaut la peine d'être cité:
"Encore moins certains, dit notre auteur, sont les signes qu'on baille vulgairement: que, si c'est un fils, la femme a meilleur appétit, sent remuer l'enfant à trois mois; son ventre est pointu, toutes ses parties droites sont plus habiles à tous mouvements; le premier pas qu'elle fait, étant droite, est du pied droit; si, étant assise, elle se veut lever, elle met plutôt la main droite sur le genou droit pour s'y appuyer; l’œil droit est plus mobile, le tétin droit grossit plus tôt et le mouvement de l'enfant est du côté droit, au contraire d'une fille.
On dit aussi que, si l'on met sur la tête de la femme enceinte, sans qu'elle s'en avise, une plante de hache avec sa racine, si le premier nom qu'elle prononcera est un nom masculin, elle est grosse d'un fils, autrement d'une fille.
Si la femme enceinte jette dans l'eau une goutte de son lait et qu'il aille au fond, c'est une fille; sinon un fils. On en dit autant d'une goutte de son sang; duquel aussi on prend cet argument que, si la femme saigne du nez, elle est grosse d'une fille, d'autant que son sang est plus aqueux ou séreux, ou que la fille n'en consomme pas tant que le fils.
Mais je m'arrête plus à la couleur et consistance du lait, qui est communément plus aqueux et plus roux quand il s'agit d'une fille, plus épais et plus blanc quand il s'agit d'un fils. Dont il advient aussi que, si l'on jette de ce lait contre un miroir, ou une autre chose lisse, il s'y tient ferme en petits grains ronds comme des perles ou comme des grains d'argent vifs, et même si c'est au soleil. De même si on en jette dans l'eau, il va au fond perpendiculairement, à cause de sa crassitude et pesanteur. Ce que ne fera pas celui d'une fille, d'autant qu'il est plus clair et subtil; comme aussi il est plus chaud et bilieux, ainsi que nous le démontrerons plus amplement au cinquième chapitre du cinquième livre, contre l'opinion vulgaire."
N'est-elle pas bien curieuse, cette croyance de Laurent Joubert, qui s'imagine pouvoir deviner d'avance si c'est un garçon ou une fille qui va naître à la simple inspection du lait de la mère? Lui qui prétendait combattre les préjugés de son temps, il était aussi crédule que les bonnes gens, avec toutes leurs croyances absurdes, telle que celle, par exemple, qui consiste à penser qu'il suffit de dire à la femme enceinte de regarder sa main: si elle regarde la paume, elle aura une fille; dans le cas contraire un garçon.
Les croyances bizarres sur ce point ne manquent pas. D'aucuns croient que la femme est plus gaie quand elle est enceinte d'un garçon que lorsqu'elle doit accoucher d'une fille. D'autres pensent que le ventre fortement proéminent est l'indice d'une fille, le ventre peu saillant faisant au contraire présager d'un garçon.
Pour Aristote, le vent du Nord faisait engendrer des garçons, le vent du Midi des filles.
On a aussi, pendant longtemps, attribué à la lune une influence sur la diversité des sexes. "Suivant les bonnes femmes, dit Gardien, lorsque dans une première grossesse la femme conçoit en nouvelle lune, elle engendre un garçon. Si la conception a lieu vers le déclin de la lune, elle doit accoucher d'une fille. Si la femme a déjà eu des enfants, pour déterminer le sexe de celui qu'elle porte, il faut considérer à quelle phase lunaire correspondait son dernier accouchement. Si elle est accouchée, la première fois, avant le plein de la lune, elle mettra au monde un garçon dans la couche suivante. Si l'accouchement s'est fait vers le déclin de la lune, on regarde comme certain qu'elle aura une fille la première fois qu'elle deviendra mère."
A la vérité, si l'imagination s'est donnée libre carrière pour trouver un moyen de résoudre cette grave question, c'est qu'on ne connaissait pas de signe sérieux permettant de prévoir d'avance le sexe de l'enfant. Et nous ne sommes pas plus avancés de nos jours.
Les annales de la santé, 15 juin 1910.
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