Funérailles au moyen-âge.
Nous avons déjà décrit les cérémonies qui étaient en usage au XVIe siècle, lorsqu'on célébrait les funérailles d'un roi de France; mais il est d'autres coutumes bizarres, oubliées aujourd'hui, et qu'il est important de connaître, parce qu'elles sont tout-à-fait caractéristiques;
Les tombeaux des rois de la première race, depuis Clovis, ne consistaient que dans une grande pierre profondément creusée et couverte d'une autre en forme de voûte. Il n'y avait sur ces pierres ni figures ni épitaphes: c'était en dedans qu'on gravait les inscriptions et qu'on prodiguait les ornemens de toute espèce. En 1646, on découvrit dans l'abbaye de Saint-Germain-des-Près, le tombeau de Chilpéric II. Il renfermait un baudrier, des épées, un morceau de diadème tissu d'or, une agrafe d'or pesant environ huit onces, un vase de cristal remplit d'un parfum qui exhalait encore quelque odeur, des poignards, et plusieurs pièces d'argent carrées sur lesquelles étaient empreintes la figure du serpent amphisbaine (1) , sans doute pour signifier que ce prince était mort victime de la trahison. On sait, en effet, qu'un seigneur français, pour se venger des mauvais traitemens qu'il lui avait fait endurer, le poignarda, lui, sa femme et son fils dans la forêt de Livri.
On ne commença à mettre des épitaphes sur les tombeaux de nos rois que sous la seconde race. Eginard rapporte celle qu'on grava, dans l'église Notre-Dame d'Aix-la-Chapelle, au-dessus de l'endroit où fut enterré Charlemagne; elle est bien simple:
"Cy-gist le corps de Charles, grand et orthodoxe empereur. Il étendit glorieusement l'empire des Français, et régna heureusement pendant quarante-sept ans. Il mourut septuagénaire le 28 janvier 814."
Voici de quelle manière il fut ensépulturé, pour nous servir de l'expression consacrée au moyen-âge. On descendit son corps dans un caveau, après l'avoir embaumé, et on l'assit sur un trône d'or. Il était revêtu de ses habits impériaux, sous lesquels était un cilice; à sa ceinture pendait la joyeuse (c'était le nom de son épée). Il semblait regarder le ciel, et sa tête était ornée d'une chaîne d'or, de l'autre il touchait le livres des Évangiles, placé sur ses genoux; son sceptre d'or et son bouclier étaient suspendus, devant lui, à la muraille.
Aux funérailles de Philippe-Auguste, le cardinal Conrad, légat du Saint-Siège, et Guillaume, archevêque de Reims, se disputèrent l'honneur de chanter la grand' messe: on convint, pour les mettre d'accord, qu'ils la chanteraient ensemble à deux autels différens, et que les autres prélats, le clergé, les moines et le peuple répondrait comme à un seul officiant.
Le corps du fils du roi Saint-Louis, mort à l'âge de seize ans, fut d'abord porté à Saint-Denis, et de là à l'abbaye de Royaumont, où il fut enterré. Les plus grands seigneurs du royaume portèrent alternativement le cercueil sur leurs épaules, et Henri III, roi d'Angleterre, qui était alors à Paris, le porta lui-même, pendant assez long-temps, comme feudataire de la couronne.
A la porte de l'église Notre-dame, le roi Philippe III pris sur ses épaules les ossemens de saint-Louis, son père et les porta jusqu'à Saint-Denis, accompagnés d'archevêques, évêques et abbés, la mitre en tête et la crosse au poing. On planta une croix à chaque endroit où il s'était reposé; il y en eut sept: c'étaient des espèces de pyramides de pierre, avec les statues des trois rois surmontées d'un crucifix.
Sous Philippe-le-Bel, fils et successeur de Philippe III, le parlement commença à jouir du privilège de porter le corps des rois morts, ou les quatre coins du drap mortuaire. On lit dans la chronique de Saint-Denis: "Portaient le corps du roi Jean, les gens de son parlement, ainsi comme accoutumé avait été des autres rois".
La même chronique rapporte que "le corps de Jeanne de Bourbon, femme de Charles V, était sur un lit couvert d'un drap d'or; un linge fort délié lui couvrait le visage et n'empêchait pas qu'on la vit. Elle tenait dans la main droite un petit bâton terminé par une rose, et dans la gauche un sceptre; le prévôt des marchands et les échevins portaient le dais de couleur rouge, soutenu sous quatre lances; le parlement était autour du lit, et quatre présidens portaient les coins du drap d'or."
Aux funérailles de Charles VI, on imagina d'enfermer le corps dans un cercueil, et de faire une effigie en cire, revêtue des habits et ornemens royaux. Le cercueil était porté par les vingt-quatre porteurs de sel de la ville, "lesquels disaient que, par privilège, ils devaient porter le corps du seigneur roi depuis Paris jusqu'à la croix pendante de Saint-Denis".
Sainte-Foix se demande sur quel motif pouvait être fondé ce privilège, et voici à cet égard son opinion. On avait perdu, dit-il, l'art d'embaumer les corps: on les coupait par pièces, qu'on salait, après les avoir fait bouillir dans l'eau pour séparer les os de la chair. Les porteurs de sel étaient sans doute chargés de ces grossières et barbares opérations, et il est probable que c'est pour cela qu'ils obtinrent l'honneur de porter ces tristes restes, que l'orgueil tâchait de disputer au néant.
Il est inutile de dire que ces convois étaient toujours escortés d'une foule nombreuse de gentilshommes, d'officiers, de hauts dignitaires, etc.
Ordinairement, on conduisait aux funérailles un cheval d'honneur, richement caparaçonné. Deux écuyers, à pied, vêtus de noir, le menaient à la main, et quatre valets de pied, également en noir, soutenaient les quatre coins de son caparaçon. On serait tenté de croire que ce cérémonial est un souvenir de celui qu'on observait sous les rois de la première race, avant qu'ils eussent embrassé le christianisme. A cette époque de barbarie, on avait coutume de tuer et d'enterrer, avec le roi mort, un cheval et plusieurs serviteurs, attachés à sa personne.
Les funérailles ne se faisaient habituellement que quarante jours après la mort du roi. Pendant ce temps, son corps, ou son image en cire, restait exposé, à la vue du peuple, sur un lit de parade. On continuait à le servir aux heures des repas, comme s'ils étaient encore vivans, "étant la table dressée par les officiers de fourrière, le service apporté par les gentilshommes servans, panetier, échanson et écuyer tranchant; l'huissier marchant devant eux, suivi par les officiers du retrait du gobelet, qui couvrent la table avec les révérences et essais que l'on a accoutumé de faire; puis après, le pain défait et préparé la viande, et service conduit par un huissier, maître-d'hôtel, panetier, pages de la chambre, écuyer de cuisine et garde-vaisselle; la serviette pour essuyer les mains, présentée par ledit maître-d'hôtel au seigneur le plus considérable qui se trouve là présent, pour qu'il la présente audit seigneur roi; la table bénite par un cardinal ou autre prélat; les bassins à eau à laver présentés au fauteuil dudit seigneur roi, comme s'il était encore assis dedans; les trois services de ladite table continués avec les mêmes formes et cérémonies, sans oublier la présentation de la coupe aux momens où ledit seigneur roi avait accoutumé de boire en son vivant; la fin du repas continué par lui présenter à laver, et les grâces dites en la manière accoutumée, sinon qu'on y ajoute le de profundis".
Telles étaient au moyen âge les cérémonies en usage à la mort des rois de France. Les funérailles du seigneur et des chevaliers n'étaient pas moins singulières. Nous en citeront seulement quelque particularités.
Les chevaliers, mort dans leur lit, étaient représentés couchés sur leurs tombeaux, sans épée, la cotte d'armes sans ceinture, les yeux fermés, et les pieds appuyés sur le dos d'un lévrier. Au contraire, ceux qui avaient été tués dans une bataille, étaient représentés l'épée nue à la main, le bouclier au bras gauche, le casque en tête, la visière abattue, la cotte d'arme ceinte sur l'armure avec une écharpe, et un lion à leurs pieds.
Au convoi, on voyait souvent, ainsi que dans l'antiquité chez les Romains, un pantomime à peu près de la taille et de la figure du mort, et qui contrefaisait quelquefois si bien son air, sa contenance et ses gestes, qu'on aurait dit que c'était le mort lui-même qui assistait à son enterrement. Dans un compte de dépense de la maison de Polignac, de l'an 1575, on lit un article ainsi conçu: " Cinq sols baillés à Blaise, pour avoir fait le chevalier défunt à l'enterrement de Jean, fils de Randonnet Arnaud, vicomte de Polignac."
Il parait qu'on était dans l'usage de faire offrande à l'église de hardes et de chevaux, car dans une transaction de l'an 1329, entre les curés de Paris et l'église du Saint-Sépulcre, il est dit qu'un mourant sera libre de choisir sa sépulture dans cette église, mais que son corps sera porté à la paroisse sur laquelle il sera mort, et que le curé de cette paroisse aura la moitié du luminaire et des hardes et chevaux qui seront présentés à l'offrande, lors de l'inhumation au St-Sépulcre.
Au service fait à Saint-Denis en 1389, pour Bertrand Duguesclin, par ordre de Charles VI, l'évêque d'Auxerre, qui célébrait la messe, descendit de l'autel après l'évangile, et s'étant placé à la porte du chœur, on vit arriver quatre chevaliers armés de toutes pièces et des mêmes armes que le feu connétable qu'ils représentaient; ils furent suivis de quatre autres, portant des bannières et montés sur des chevaux caparaçonnés en noir, avec son écusson: "C'étaient, dit Félibien, les plus beaux chevaux de l'écurie du roi. L'évêque reçut le présent des chevaux en leur mettant la main sur la tête, ensuite on les remena, mais il fallut après composer pour le droit de l'abbaye, à laquelle ils étaient dévolus". Le connétable de Clisson et les deux maréchaux Louis de Sancerre et Mouton de Blainville, firent aussi leur offrande, accompagnés de huit seigneurs qui portaient chacun un écu aux armes du défunt, et tous entourés de cierges allumés. Après eux, vint le duc de Touraine, frère du roi, Jean, comte de Nevers, etc., tenant chacun par la pointe une épée nue. Au troisième rang marchaient d'autres seigneurs, armés de pied en cap et conduits par huit jeunes écuyers, dont les uns portaient des casques et les autres des pennons et bannières aux armes de Duguesclin. Ils allèrent tous se prosterner au pied de l'autel et y déposer ces pièces d'honneur.
Tous ces usages étaient inspirés, non pas seulement par l'affection qu'un défunt avait pu mériter dans sa vie, mais plus souvent encore par le respect en quelque sorte religieux qu'on portait alors aux morts. Ce sentiment perce dans toutes les coutumes de cette époque: quelques lois même le consacraient d'une manière formelle. Pour n'en citer qu'une seule, l'article 2 du chapitre 19 des lois saliques, interdisait le feu et l'eau à quiconque aurait déterré un corps pour le dépouiller; il n'était pas permis à sa femme même de l'assister et de vivre avec lui, jusqu'à ce qu'il eût fait aux parens du mort telle satisfaction qu'ils souhaitaient; d'ailleurs, on mettait des esclaves ou l'on payait des personnes pour veiller à la garde des tombeaux et des cimetières publics.
Si l'on continuait, par amour et par respect, à servir la table d'un mort, si, pour tromper la douleur de ses parens et de ses amis, on reproduisait son image, on faisait aussi quelquefois, par mépris, l'enterrement d'un vivant. Ainsi lorsqu'un chevalier avait trahi ses sermens, lorsqu'il avait forfait à l'honneur, on le dégradait de noblesse: ce qui avait lieu de la manière suivante. On le faisait monter sur un échafaud où des prêtres, assis en surplis, chantaient les vigiles des morts; puis on le dépouillait de son armure, on lui versait sur la tête un bassin d'eau chaude, on le descendait ensuite de l'échafaud, et après l'avoir étendu sur une claie, on le couvrait d'un drap mortuaire et on le portait à l'église, en chantant le psaume Deus laudem meam ne tacueris, dans lequel sont contenues diverses imprécations contre les traîtres. Ensuite, on le laissait aller et survivre à son infamie. (Sainte-Foix, essais historiques sur Paris.)
Sous Philippe-le-Bel, fils et successeur de Philippe III, le parlement commença à jouir du privilège de porter le corps des rois morts, ou les quatre coins du drap mortuaire. On lit dans la chronique de Saint-Denis: "Portaient le corps du roi Jean, les gens de son parlement, ainsi comme accoutumé avait été des autres rois".
La même chronique rapporte que "le corps de Jeanne de Bourbon, femme de Charles V, était sur un lit couvert d'un drap d'or; un linge fort délié lui couvrait le visage et n'empêchait pas qu'on la vit. Elle tenait dans la main droite un petit bâton terminé par une rose, et dans la gauche un sceptre; le prévôt des marchands et les échevins portaient le dais de couleur rouge, soutenu sous quatre lances; le parlement était autour du lit, et quatre présidens portaient les coins du drap d'or."
Aux funérailles de Charles VI, on imagina d'enfermer le corps dans un cercueil, et de faire une effigie en cire, revêtue des habits et ornemens royaux. Le cercueil était porté par les vingt-quatre porteurs de sel de la ville, "lesquels disaient que, par privilège, ils devaient porter le corps du seigneur roi depuis Paris jusqu'à la croix pendante de Saint-Denis".
Sainte-Foix se demande sur quel motif pouvait être fondé ce privilège, et voici à cet égard son opinion. On avait perdu, dit-il, l'art d'embaumer les corps: on les coupait par pièces, qu'on salait, après les avoir fait bouillir dans l'eau pour séparer les os de la chair. Les porteurs de sel étaient sans doute chargés de ces grossières et barbares opérations, et il est probable que c'est pour cela qu'ils obtinrent l'honneur de porter ces tristes restes, que l'orgueil tâchait de disputer au néant.
Il est inutile de dire que ces convois étaient toujours escortés d'une foule nombreuse de gentilshommes, d'officiers, de hauts dignitaires, etc.
Ordinairement, on conduisait aux funérailles un cheval d'honneur, richement caparaçonné. Deux écuyers, à pied, vêtus de noir, le menaient à la main, et quatre valets de pied, également en noir, soutenaient les quatre coins de son caparaçon. On serait tenté de croire que ce cérémonial est un souvenir de celui qu'on observait sous les rois de la première race, avant qu'ils eussent embrassé le christianisme. A cette époque de barbarie, on avait coutume de tuer et d'enterrer, avec le roi mort, un cheval et plusieurs serviteurs, attachés à sa personne.
Les funérailles ne se faisaient habituellement que quarante jours après la mort du roi. Pendant ce temps, son corps, ou son image en cire, restait exposé, à la vue du peuple, sur un lit de parade. On continuait à le servir aux heures des repas, comme s'ils étaient encore vivans, "étant la table dressée par les officiers de fourrière, le service apporté par les gentilshommes servans, panetier, échanson et écuyer tranchant; l'huissier marchant devant eux, suivi par les officiers du retrait du gobelet, qui couvrent la table avec les révérences et essais que l'on a accoutumé de faire; puis après, le pain défait et préparé la viande, et service conduit par un huissier, maître-d'hôtel, panetier, pages de la chambre, écuyer de cuisine et garde-vaisselle; la serviette pour essuyer les mains, présentée par ledit maître-d'hôtel au seigneur le plus considérable qui se trouve là présent, pour qu'il la présente audit seigneur roi; la table bénite par un cardinal ou autre prélat; les bassins à eau à laver présentés au fauteuil dudit seigneur roi, comme s'il était encore assis dedans; les trois services de ladite table continués avec les mêmes formes et cérémonies, sans oublier la présentation de la coupe aux momens où ledit seigneur roi avait accoutumé de boire en son vivant; la fin du repas continué par lui présenter à laver, et les grâces dites en la manière accoutumée, sinon qu'on y ajoute le de profundis".
Telles étaient au moyen âge les cérémonies en usage à la mort des rois de France. Les funérailles du seigneur et des chevaliers n'étaient pas moins singulières. Nous en citeront seulement quelque particularités.
Les chevaliers, mort dans leur lit, étaient représentés couchés sur leurs tombeaux, sans épée, la cotte d'armes sans ceinture, les yeux fermés, et les pieds appuyés sur le dos d'un lévrier. Au contraire, ceux qui avaient été tués dans une bataille, étaient représentés l'épée nue à la main, le bouclier au bras gauche, le casque en tête, la visière abattue, la cotte d'arme ceinte sur l'armure avec une écharpe, et un lion à leurs pieds.
Au convoi, on voyait souvent, ainsi que dans l'antiquité chez les Romains, un pantomime à peu près de la taille et de la figure du mort, et qui contrefaisait quelquefois si bien son air, sa contenance et ses gestes, qu'on aurait dit que c'était le mort lui-même qui assistait à son enterrement. Dans un compte de dépense de la maison de Polignac, de l'an 1575, on lit un article ainsi conçu: " Cinq sols baillés à Blaise, pour avoir fait le chevalier défunt à l'enterrement de Jean, fils de Randonnet Arnaud, vicomte de Polignac."
Il parait qu'on était dans l'usage de faire offrande à l'église de hardes et de chevaux, car dans une transaction de l'an 1329, entre les curés de Paris et l'église du Saint-Sépulcre, il est dit qu'un mourant sera libre de choisir sa sépulture dans cette église, mais que son corps sera porté à la paroisse sur laquelle il sera mort, et que le curé de cette paroisse aura la moitié du luminaire et des hardes et chevaux qui seront présentés à l'offrande, lors de l'inhumation au St-Sépulcre.
Au service fait à Saint-Denis en 1389, pour Bertrand Duguesclin, par ordre de Charles VI, l'évêque d'Auxerre, qui célébrait la messe, descendit de l'autel après l'évangile, et s'étant placé à la porte du chœur, on vit arriver quatre chevaliers armés de toutes pièces et des mêmes armes que le feu connétable qu'ils représentaient; ils furent suivis de quatre autres, portant des bannières et montés sur des chevaux caparaçonnés en noir, avec son écusson: "C'étaient, dit Félibien, les plus beaux chevaux de l'écurie du roi. L'évêque reçut le présent des chevaux en leur mettant la main sur la tête, ensuite on les remena, mais il fallut après composer pour le droit de l'abbaye, à laquelle ils étaient dévolus". Le connétable de Clisson et les deux maréchaux Louis de Sancerre et Mouton de Blainville, firent aussi leur offrande, accompagnés de huit seigneurs qui portaient chacun un écu aux armes du défunt, et tous entourés de cierges allumés. Après eux, vint le duc de Touraine, frère du roi, Jean, comte de Nevers, etc., tenant chacun par la pointe une épée nue. Au troisième rang marchaient d'autres seigneurs, armés de pied en cap et conduits par huit jeunes écuyers, dont les uns portaient des casques et les autres des pennons et bannières aux armes de Duguesclin. Ils allèrent tous se prosterner au pied de l'autel et y déposer ces pièces d'honneur.
Tous ces usages étaient inspirés, non pas seulement par l'affection qu'un défunt avait pu mériter dans sa vie, mais plus souvent encore par le respect en quelque sorte religieux qu'on portait alors aux morts. Ce sentiment perce dans toutes les coutumes de cette époque: quelques lois même le consacraient d'une manière formelle. Pour n'en citer qu'une seule, l'article 2 du chapitre 19 des lois saliques, interdisait le feu et l'eau à quiconque aurait déterré un corps pour le dépouiller; il n'était pas permis à sa femme même de l'assister et de vivre avec lui, jusqu'à ce qu'il eût fait aux parens du mort telle satisfaction qu'ils souhaitaient; d'ailleurs, on mettait des esclaves ou l'on payait des personnes pour veiller à la garde des tombeaux et des cimetières publics.
Si l'on continuait, par amour et par respect, à servir la table d'un mort, si, pour tromper la douleur de ses parens et de ses amis, on reproduisait son image, on faisait aussi quelquefois, par mépris, l'enterrement d'un vivant. Ainsi lorsqu'un chevalier avait trahi ses sermens, lorsqu'il avait forfait à l'honneur, on le dégradait de noblesse: ce qui avait lieu de la manière suivante. On le faisait monter sur un échafaud où des prêtres, assis en surplis, chantaient les vigiles des morts; puis on le dépouillait de son armure, on lui versait sur la tête un bassin d'eau chaude, on le descendait ensuite de l'échafaud, et après l'avoir étendu sur une claie, on le couvrait d'un drap mortuaire et on le portait à l'église, en chantant le psaume Deus laudem meam ne tacueris, dans lequel sont contenues diverses imprécations contre les traîtres. Ensuite, on le laissait aller et survivre à son infamie. (Sainte-Foix, essais historiques sur Paris.)
(1) Ce serpent, symbole de la trahison, a une seconde tête au lieu de queue.
Magasin universel, juin 1835.
Magasin universel, juin 1835.
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