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jeudi 11 décembre 2014

Naufrages de navires anglais.

Naufrages de navires anglais.

Les épouvantables désastres qu'a causés dans ces derniers temps la violence des vents donnent un intérêt d'actualité à la note que l'on a vu lire sur les pertes en navires éprouvées par l'Angleterre depuis quelques années. La marine marchande de la Grande-Bretagne, en y comprenant celle des colonies consiste aujourd'hui en 24.500 bâtimens environ montés par 160.000 marins. Le tonnage de ces navires s'élève à 2.650.000 tonneaux. En évaluant le capital employé à 250 francs par tonneaux, on voit que le capital employé par les armateurs anglais, en matériel seulement, est d'environ 665 millions de francs.
Si l'on considère les nombreuses  et nouvelles découvertes faites dans les sciences astronomiques et mathématiques, les applications heureuses de la mécanique à la construction des instrumens de précision, les soins que toutes ces causes ont permis de donner à la confection de cartes nouvelles, l'expérience des hommes de mer, l'établissement des phares, etc., etc., il semble que les dangers et les chances de naufrage auraient dû considérablement diminuer. Il n'en est point ainsi cependant, et les rapports que nous avons sous les yeux des naufrages et des pertes de la marine marchande anglaise nous prouvent, au moins pour ce qui touche la Grande-Bretagne, que les cas de naufrages ont augmenté en raison directe de la plus grande connaissance des moyens de les éviter.
Nous n'avons pas encore le relevé des naufrages de la marine française; il ne nous est donc pas possible de reconnaître si les chances ont parmi nous augmenté ou diminué. Quant à la Grande-Bretagne, voici les résultats que nous trouvons:
En 1793, les cas de naufrages s'élevaient à 557 navires, année moyenne.
En 1829, il y a eu, savoir:
Parmi les navires pour voyages de long cours, 157 naufrages, 248 à la côte (dont 224 ont été relevés, le reste a péri) , 22 coulé bas, 35 abandonnés à la mer, 12 condamnés comme ne pouvant tenir la mer, 8 sombrés, 27 perdus.
Caboteur et charbonniers, savoir: 100 naufragés, 297 échoués ou jetés à la côte (dont 121 ont été relevés) , 67 coulés bas, 13 abandonnés, dont 5 ont été ensuite ramenés au port, 3 qui ont sombrés, 16 perdus.
Navires à vapeur, 4 naufragés, 4 échoués à la côte, 2 coulés bas.
Cette perte épouvantable n'a pas diminué dans les années suivantes; loin de là. En 1833, plus de 800 navires marchands (c'est à dire le trentième du total des bâtimens) ont été perdus ou jetés à la côte.
A quelle cause attribuer ces désastres? A plusieurs, sans doute, mais principalement à la plus grande sécurité  produite d'une part par les connaissances maritimes plus répandues, et de l'autre part par les assurances maritimes.
Les compagnies anglaises d'assurance maritimes sont trop faciles dans leurs polices actuelles. Elles assurent de vieux navires qu'autrefois on n'eût pas osé opposer à la fureur des élémens, et sur lesquels on expose sans trop de scrupules la vie de brave gens qui ne sont pas habitués à calculer avec les dangers, et auxquels leurs connaissances plus étendues donnent une sécurité trop souvent funeste. Une police d'assurance semble un charme contre toutes les chances. C'en est un sans doute, et un très-puissant pour l'armateur; pour lui il n'est plus d'orages; mais l'humanité a des droits aussi sacrés que la marchandise; on devrait y prendre garde.

Magasin universel, avril 1835.

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