Les invalides.
Du moment où le gouvernement a fait du métier des armes une profession exclusive, il devait assurer un asile aux vieux soldats que le fer et le canon de l'ennemi avaient épargné.
Pendant près de deux siècles après l'institution des troupes soldées et permanentes, la plupart des vieux soldats ne vécurent que de brigandages ou d'aumônes, lorsque leurs chefs ne les jugeaient plus capables de servir. Quelques-uns d'entre eux obtenaient une place de garde dans une forteresse ou de frère lai dans les abbayes de fondation royale.
La première idée de la fondation d'une maison de retraite en faveur des militaires âgés ou meurtris dans les combats, appartient à Philippe-Auguste; mais ce monarque vivait à une époque où les institutions utiles et généreuses étaient mal appréciées. Aussi son projet resta-t-il sans exécution. Henri III accomplit le projet qu'avait formé Philippe-Auguste. Il fonda en 1575, dans la rue de l'Oursine, une maison royale et hospitalière, pour les officiers ou les soldats âgés ou infirmes, et leur donna une décoration qu'ils portaient sur la poitrine; elle consistait en une croix nacrée avec cette devise: Pour avoir bien servi. Ce nouvel ordre de chevalerie reçut le nom d'Ordre de la charité chrétienne.
Henri IV rendit plusieurs édits par lequel il assura le sort des officiers et des soldats blessés au service; il augmenta la dotation de l'hôpital de l'Oursine.
En 1634, Louis XIII, dans le même esprit, fit exécuter des travaux à Bicêtre, pour faire de ce lieu une maison de refuge pour les invalides, qui fut plus tard érigée en commanderie de Saint-Louis. Mais les soulagemens qu'on accorda alors à ces vieux soldats étaient insuffisans, et n'avait aucun caractère de durée ni de fixité.
Il appartenait à Louis XIV de donner à l'institution créée par ses aïeux le développement que réclamaient donné sous son règne à l'armée, et le grand nombre d'invalides que ses nombreuses guerres avaient laissés à la suite de ses régimens. Un arrêt du conseil, du mois de mars 1660, assigna des fonds pour la construction des bâtimens et la dotation de cet établissement royal. Au mois de novembre suivant, les travaux commencèrent, et quatre ans après, les invalides purent prendre possession de leur nouvelle demeure. Ce ne fut du reste que trente ans plus tard que le monument fut achevé dans son ensemble, sous la direction de Jules Hardouin Mansard, auteur du plan du magnifique dôme qui est le plus bel ornement de l'hôtel des Invalides.
En 1690, plusieurs officiers et soldats qui avaient recouvré la santé et leurs forces à l'hôtel demandèrent à faire un service actif. On détacha plusieurs compagnies d'invalides à qui l'on confia la garde des forts, des citadelles et des prisons d'état. En 1696, ces compagnies prirent rang dans l'armée, du jour de leur création. Telle est l'origine du corps des vétérans.
Les abbayes et les prieurés formèrent le premier fond destiné à la dotation de l'hôtel des Invalides, mais son insuffisance fit bientôt recourir, pour l'augmenter, à de nouveaux moyens. On y parvint d'abord en ordonnant la retenue de deux, puis de trois deniers pour livres sur toutes les dépenses de la guerre. D'un autre côté l'administration sut tirer parti d'un vaste terrain dépendant de l'hôtel. Ce terrain, livré à la culture, ajouta un nouveau produit au fond primitif. En 1789, les revenus des Invalides s'élevaient à 1.700.000 francs. Sous le gouvernement impérial, la dotation de l'hôtel consistait dans la retenue de 2 % sur le traitement des officiers de l'armée de terre, sur les retraites, sur les pensions civiles, militaires et de la Légion d'Honneur; en une rente de 100.000 francs, inscrite sur le grand livre de la dette publique; en une part du produit des salines de l'Est; dans le prélèvement de 50 % sur le produit des bris maritimes, des prises, etc.; dans celui de 1 % sur les octrois; dans le produit des herbages et postes de guerre; enfin, en un produit sur le dessèchement des marais de Rochefort et du Cotentin. Au commencement de 1798, la dépense de l'hôtel avait été fixée à 5.722.986 francs.
La bibliothèque, qui se compose actuellement de 26.000 livres, et la batterie que l'on voit sur l'esplanade, furent établies en 1800.
Les guerres de la révolution et l'accroissement successif de nos armées, ayant considérablement augmenté le nombre des invalides, deux succursales furent créées la même année, à Louvain et Avignon: elles devaient recevoir chacune 2.000 hommes. La dernière subsiste encore.
Les officiers, logés dans un quartier séparé de l'hôtel, ont une chambre pour deux ou pour quatre. Les officiers supérieurs ont chacun une chambre particulière. Les sous-officiers et soldats occupent des chambres de quatre ou douze lits.
Une ordonnance du 21 août 1822, assigne, dans l'armée, le premier rang aux invalides. Une ordonnance du 5 janvier 1710 prescrivait de n'admettre à l'hôtel des Invalides que les militaires ayant au moins vingt ans de service, ou qui auraient été grièvement blessés. Après avoir subi diverses modifications, ces conditions restent déterminées comme il suit: "Nul ne peut entrer s'il na perdu un ou plusieurs de ses membres, ou s'il n'a pas trente ans de service effectif et soixante ans d'âge." La perte de la vue, par suite d'événements de guerre, est aussi un titre d'admission. Les militaires retirés du service doivent de plus jouir déjà d'une pension de retraite (1)
(1) Les gratifications mensuelles accordées aux militaires de tous grades, après avoir également éprouvé diverses modifications, sont aujourd'hui établies conformément au tableau ci-après. Nous y ajouterons les droits à la retraite des invalides, lorsque cette retraite est demandée, en échange des droits de l'hôtel.
Gratifications Droits à la
mensuelles retraite
Colonel..................................................30 fr. 3.000
Lieutenant-colonel................................24 2.400
Chef de bataillon, d'escadron et major...20 2.000
Capitaine...............................................10 1.600
Lieutenant..............................................8 1.200
Sous-lieutenant......................................6 1.000
Adjudant sous-officier............................4 800
Sergent-major........................................4 600
Sergent et fourrier..................................3 600
Caporal..........................................?........3 500
Soldat.....................................................2 450
A l'époque de leur institution, les invalides de l'hôtel étaient armés de l'épée, de la hallebarde ou de la pique; les plus agiles ou les moins estropiés portaient le fusil, le mousqueton ou la carabine. Toutes ces armes étaient prises dans les magasins de l'état et parmi celles qui se trouvaient hors service. De nos jours, ils sont tous armés de sabres ou de fusils, ou seulement de la baïonnette.
Magasin universel, 1834.
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