L'apothicaire de Grasse.
C'était sous Louis XIV. "Le siècle! .... " Les remèdes secrets florissaient et faisaient la réputation de pharmaciens désireux de se distinguer.
Malheureusement, au milieu de sages ou prudents, il s'en trouvait qui, outrepassant les bornes de la Logique et... de... la... sincérité, abusèrent du secret attaché à leurs remèdes.
A l'époque, il y avait à Grasse, en Provence, l'apothicaire Barthélémy Alary. Ce fut un célèbre! Auteur de tablettes fébrifuges, Alary les débitait avec succès. Il laissait entrevoir que ses tablettes étaient composées de divers sels, d'ellébore noir, de cabaret, de contrayerva, d'angélique, d'antora, de gentiane et même de sublimé, d'arsenic. Ces tablettes merveilleuses guérissaient les fièvres intermittentes en très peu de temps, tantôt en purgeant, tantôt en provocant la sueur ou les urines. On les voyait aussi exciter l'expectoration; elles allaient quelque fois jusqu'au vomissement.
L'habile chirurgien et anatomiste Jean Raibaut, de Grasse, fit un jour part à Alary de ses ennuis causés par une fièvre dite intermittente: Alary l'en guérit! Ce fut rumeur extraordinaire dans la contrée. Fier de ce résultat sur un homme de l'Art, Alary se décida de se rendre vers le Grand Centre, à Paris.
Louis XIV, le Roi Soleil (nec pluribus impar) , avait pour premier médecin le fameux Antoine d'Aquin. D'Aquin avait une femme poursuivie par une fièvre intermittente qu'aucune drogue ne pouvait dompter! Madame d'Aquin vomissait même les sels de perles et de coraux que lui produisait l'illustre archiâtre. Elle voulut essayer les tablettes d'Alary qui, déjà, faisait quelque bruit dans la Capitale. Or, deux tablettes Alary suffirent pour la guérir!!!
C'était la gloire! c'était la fortune pour l'apothicaire de Grasse! Louvois lui commanda 20.000 tablettes qu'il fit expédier à tous les Corps d'armée. Louis XIV daigna offrir une récompense au célèbre guérisseur. De ce fait, Alary établit une officine sur le pont Saint-Michel. Au plus tôt, Alary composa un ouvrage qu'il répandit en tous lieux.
Alary avait compté sans l'invidia medicorum, sans le désir des Médecins-observateurs de s'éclairer sur la légitime valeur du remède. Ces médecins propageaient des accusations contre ces tablettes. Voilà pourquoi, dans son ouvrage, Alary se mit à répondre à ces indiscrets hommes de l'art accusant son remède de provoquer le vomissement, de ne point guérir dans tous les cas, et de ne pas mettre à l'abri d'une rechute prochaine. Disons qu'Alary, dans son ouvrage, donne quand même de bons préceptes d'hygiène aux fébricitants (Paris, 1685, in-12).
Grandeur et décadence! C'est l'éternelle histoire du "revers de la médaille" accablant notre apothicaire de Grasse qui sut heureusement profiter, en temps, de la vogue considérable de ses tablettes fébrifuges.
Les annales de la santé, 15 mai 1910.
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